Bertrand Bur a grandi à Minversheim (Bas-Rhin) dans la ferme de ses grands-parents. Passionné par la vie rurale des villages alsaciens, il la photographie depuis 40 ans et se sert de ses clichés pour animer des ateliers en maison de retraite où il travaille.
Il a passé des week-ends et des journées entières à flâner dans les villages pour photographier les derniers témoins d’une Alsace en train de disparaître : labour à cheval, outillages agricoles anciens, moissons artisanales, traite à la main dans les étables du Kochersberg, récoltes de pommes de terre "em Krumme" (en Alsace Bossue)... Autant de clichés que Bertrand Bur conserve précieusement dans des dizaines de classeurs.
C’est dans son petit « Bürehiesel », maisonnette alsacienne bâtie avec des poutres glanées au fil de ses promenades, que Bertrand aime méditer, voyager dans le temps et se replonger dans cette Alsace d'antan grâce à ses photos, parfois jaunies.
"C'est l’aspect humain, la force de la vie, l’amour du travail à la campagne, des gens simples qui m’interpellent" explique-t-il. Autant de témoignages visuels d’une époque aujourd’hui révolue où les jeunes, pour gagner un peu d’argent de poche, s’affairaient avec les feuilles de tabac, où on portait encore à la laiterie du village les bidons de lait chaud sur la charrette deux fois par jour, où on conduisait les vaches au pré accrochées au tracteur ou même à bicyclette.
Des clichés dont il se sert pour organiser, régulièrement, des ateliers au sein de la maison de retraite de Bouxwiller (Bas-Rhin) où il travaille. Le but ? Stimuler et rappeler la mémoire des personnes âgées qui voient alors resurgir des quantités de minuscules détails et de souvenirs de leur enfance et de leur vie grâce aux photos.
"Qui se souvient du nombre de feuilles de tabac par botte ? " interroge Bertrand le jour où nous l'avons accompagné. "24 ! " s’écrie Eve, 84 ans, "et une feuille pour nouer ensuite la botte."
Bertrand Bur projette ses photos sur le grand écran de l’accueil de jour et tous les pensionnaires sont regroupés en cercle pendant cet échange vivant. Il les interroge, leur demande des détails, des précisions et les souvenirs se réveillent. Souvent, ces personnes qui ont quasiment toutes plus de 80 ans ne se souviennent déjà plus de leur déjeuner, mais se rappellent très précieusement du menu en trois plats de leur confirmation.
Un précieux témoignage historique et sociologique
La mémoire est stimulée par des objets anciens apportés par Bertrand que les anciens aiment reprendre en main : "Melikànne" (bidons de lait), dame- Jeanne, ancienne faux, luge en bois, qui ont rythmé leur enfance.
La vie villageoise ressurgit, les enfants et les bêtes qui courraient partout, "aujourd’hui, on ne voit plus personne dans les villages, c’est désert, ils sont tous seuls chez eux, devant les écrans" et on regrette beaucoup l’entraide qui y régnait alors. "Quand il y avait un orage tous les voisins venaient spontanément pour aider à rentrer le foin, on ne se payait pas, mais on leur donnait en retour des betteraves ou on partageait un bon repas ensemble ! " se souvient Lydie, 90 ans.
Un travail photographique plus que précieux, témoignage personnel, mais avant tout historique et sociologique de toute une région, car dans quelques années plus personne ne se souviendra de la vie quotidienne de nos aïeux dans les villages alsaciens.