L'ornithologue Paul Koenig effectue des baguages d'oiseaux migrateurs depuis une quarantaine d'années. Si son activité permet toujours d'alimenter l'état des connaissances scientifiques sur ces espèces, il constate une baisse de la population depuis ses débuts.
Voilà quarante ans que Paul Koenig a le même rituel quand arrive la fin de l'été. Vers 5h30, alors que le soleil n'est même pas levé, il s'élance le long de ses 120 mètres de filet. C'est la première tournée de la journée.
L'objectif est de récupérer les oiseaux capturés et de fixer une bague à leur patte, puis de les relâcher en vue de mieux connaître leurs itinéraires de migration. "Les objectifs varient en fonction de l'état des connaissances. En ce moment, le programme pour lequel on travaille doit servir à déterminer le temps mis par les oiseaux sur chacune de leurs haltes migratoires." Les observations remontent ensuite au Muséum d'histoire naturelle de Paris.
Certaines espèces d'oiseaux reviennent plus que d'autres, comme la rousserolle effarvatte, la phragmite des joncs ou encore la locustelle tachetée. Elles se dirigent vers les filets de la station ornithologique de Munchhausen (Bas-Rhin) car des haut-parleurs reproduisent leur chant. "On bague environ 1 000 oiseaux sur un programme comme celui-ci, qui dure environ 15 jours, précise Paul Koenig. C'est largement suffisant pour l'étude, mais je dois dire que je constate une diminution du nombre d'oiseaux année après année."
Des oiseaux migrateurs de moins en moins nombreux
Du haut de ses 40 années d'expérience, Paul Koenig dispose du recul nécessaire pour se faire une idée des dynamiques démographiques. Et il est conforté dans son analyse par le retour de ses collègues. "On discute entre ornithologues en France et c'est le même constat partout : il y a de moins en moins d'oiseaux migrateurs."
En bon scientifique, Paul Koenig préfère parler d'"hypothèses" quand il évoque les possibles explications de cette baisse progressive. "Selon moi, il y a deux raisons à ce phénomène. D'abord, la destruction de leur habitat naturel notamment avec l'assèchement des zones humides. Puis, il y a l'utilisation des pesticides, car il s'agit d'espèces insectivores et elles ont de moins en moins à manger."
À ce jour en tout cas, la pratique du baguage n'est pas influencée par la baisse de la population. "La procédure reste exactement la même d'une année à l'autre. Et il y a bien assez d'oiseaux, malgré la baisse, pour mener l'étude à bien." La vingtaine de bénévoles de la station ornithologique de Munchhausen cible donc toujours, comme il y a 40 ans, la période s'étendant de la fin août au début du mois d'octobre : c'est le moment de la migration "post-nuptiale". Car, une fois bagués et nourris, ces oiseaux, lourds de 10 à 20 grammes seulement, reprennent leur route. Leur voyage peut atteindre les 6 000 kilomètres, jusqu'au Sénégal par exemple.