VIDEO. Témoignage : le spoofing, une arnaque à la carte bancaire, a failli couler sa société

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À La Wantzenau, au nord de Strasbourg, Elodie Fritsch a été victime d'une arnaque à la carte bancaire. Un escroc a débité 4.000 € depuis le compte de sa société de garde à domicile d'enfants, qui a bien faillir disparaître. ©O. Stéphan / P. Dezempte / M. Kelhetter / M. Ruch

À La Wantzenau, au nord de Strasbourg, Elodie Fritsch a été victime d'une arnaque à la carte bancaire. Un escroc a débité 4.000 euros depuis le compte de sa société de garde à domicile d'enfants, qui a bien faillir disparaître.

C'est à partir d'un appel téléphonique reçu en mars 2022 que l'entreprise bas-rhinoise d'Élodie Fritsch a failli couler. Au bout du fil, un interlocuteur se fait passer pour sa banque. Résultat, une somme de plus de 4.000 euros perdus, et qui est aujourd'hui impossible à récupérer.

Alors qu'elle était chez un client de sa société de garde à domicile d'enfants, le téléphone portable d'Élodie Fritsch sonne : "C'était un appel masqué, donc je ne décroche pas. Surtout que j'étais en train de travailler. Mais un deuxième appel a suivi, puis un troisième. Je me dis que c'est peut-être urgent, alors je décroche."

Un homme se présente comme étant du service fraude de sa banque, et lui donne toutes ses informations personnelles : "Il me demande si je suis bien Élodie Fritsch, me donne toutes mes coordonnées, mon adresse etc. Puis il commence à me dire qu'il a remarqué des transactions suspectes sur mon compte personnel pendant la nuit. On parle de trois transactions pour un total de 20.000 euros, donc là il me fait peur."

La cheffe d'entreprise, forcément surprise, confirme à son interlocuteur qu'elle n'est pas à l'origine de ces transactions. Au bout du fil, on lui répond que les transactions vont être signalées comme étant des fraudes : "Vous allez avoir des notifications sur votre téléphone via l'application de votre banque", lui dit-on. Les notifications arrivent bel et bien : "Il y a marqué le nom de ma banque personnelle, la Caisse d'épargne. C'est écrit 'fraude', avec les montants, tout était détaillé. Donc je valide", se souvient Élodie Fritsch.

Étape suivante, l'Alsacienne reçoit un code qu'elle doit transmettre à l'homme pour signaler ces transactions en tant que fraude : "Je me dis qu'il faut absolument que je me débarrasse de tout ça, parce que je n'ai pas cette somme." L'opération est faite trois fois. Suite à quoi on lui dit que tous ses comptes sont bloqués, ainsi que sa carte bancaire : "Je dis que 'oui oui, il faut les bloquer'."

Je pensais qu'il voulait juste m'aider. Je le remerciais tout au long de l'appel.

Élodie Fritsch

C'est à ce moment que l'interlocuteur fait une demande qui surprend Élodie Fritsch : "Il veut savoir si j'ai un autre compte bancaire, maintenant que tout est bloqué. Je lui réponds que non, mais il insiste. Alors oui, j'ai bien mon compte professionnel, mais je ne peux pas mélanger mes comptes." On lui répond qu'on a l'habitude, qu'il n'y a pas de soucis, et qu'elle recevra un papier comme quoi cette somme d'argent sera virée sur son compte personnel.

L'erreur est commise à la suite de cet échange : "Il me demande les codes de ma carte professionnelle, et je lui donne. Le numéro de carte, la date, et le cryptogramme au dos. Il m'a vraiment mise en confiance : tout était juste, les notifications étaient bonnes, elles venaient de mon application bancaire... Je pensais qu'il voulait juste m'aider. Je le remerciais tout au long de l'appel. En plus, il avait un accent alsacien."

Quand la carte censée fonctionner ne passe pas, et inversement

Ce n'est que quelques jours plus tard qu'Élodie Fritsch commence à avoir des doutes : "Je regardais mon compte tous les jours, mais je ne voyais aucun mouvement. Je me dis alors que ça devait prendre du temps, vu les sommes engagées. Je reviens au bureau le lundi midi, et je vais me chercher quelque chose à manger."

Au passage à la caisse, elle n'utilise pas sa carte personnelle, persuadée qu'elle a été bloquée : "Je prends donc ma carte pro. Et là, ça ne passe pas. Normalement, c'est l'inverse ! Et dans le doute, je passe ma carte perso. Et ça marche. Je me dis que quelque chose ne va pas."

De retour au bureau, la cheffe d'entreprise voit que son compte professionnel a été débité d'une somme de 4.120 euros : "J'appelle directement ma banque, et on fait une contestation de la transaction. 24 heures après, la banque me rappelle pour me dire que j'ai un refus, parce que j'ai donné la validation." Après des tentatives de réclamations auprès de médiateurs de banque, rien n'y fait : elle ne retrouvera jamais la somme débitée.

Les conséquences pour son entreprise sont énormes : "J'ai perdu mon fonds de roulement. On commençait seulement à remonter la pente après le Covid. Et comme nos clients ne nous paient qu'au milieu du mois, j'avançais les salaires. Là, je n'ai pas pu le faire. J'ai lancé des appels au secours pour avoir une avance de trésorerie. Sauf que les intérêts m'ont coûté encore des frais, ce que je ne savais pas."

Si je n'avais pas un emprunt personnel, on ne serait plus là.

Élodie Fritsch

Aujourd'hui, cette avance lui a déjà coûté plus de 700 euros : "J'ai demandé un emprunt bancaire personnel pour couvrir les 4.120 euros. J'ai même demandé plus pour assurer le coup. Si je n'avais pas fait ça, la société serait morte, on ne serait plus là." Élodie Fritsch a ensuite porté plainte. On lui a alors appris que cette arnaque était répandue depuis mars : "Je pense être une des premières victimes."

Laurence Löegel travaille a la Chambre de consommation d'Alsace et du Grand Est. Elle détaille le procédé de l'escroc : "Ils préparent toujours la fraude en amont, en récupérant les coordonnées personnelles de leur future victime, dont son numéro de carte bancaire. Mais comme ce numéro ne suffit plus pour faire une transaction et qu'il faut un deuxième élément d'authentification, l'escroc le lui demande. Et pensant bloquer une fraude, la victime valide en fait l'opération."

Cette arnaque, appelé spoofing ("parodie" ou "canular" en français), est apparue très récemment : "Elle consiste à usurper l'identité d'une banque. C'est en train de prendre une ampleur considérable. La sécurité des transactions a été beaucoup renforcée, et les pirates trouvent de nouveaux moyens pour mettre en place des fraudes."

Une banque ne demandera jamais de valider une opération par téléphone.

Laurence Löegel

Chambre de consommation d'Alsace et du Grand Est

Pour ne pas être victime, "il faut refuser toute communication non sollicitée, même si ce n'est pas évident", conseille Laurence Löegel : "Si on décroche, et qu'on doute sur la véracité de l'opération, il faut raccrocher le plus vite possible. Et si malgré tout, on authentifie l'opération, il faut contacter sa banque le plus vite possible pour mettre à jour ses données, éventuellement faire opposition, et demander le remboursement dans un deuxième temps."

"Une banque ne demandera jamais de valider une opération par téléphone sous prétexte de bloquer une fraude. Elle a les moyens de le faire à distance", continue-t-elle. Et d'ajouter concernant le cas d'Élodie Fritsch : "Le remboursement n'est pas de droit car on peut estimer que le consommateur a été négligeant en utilisant ses moyens d'authentification au téléphone."

Si vous êtes victime d'une fraude, un site internet de signalement existe : nommé Perceval, il permet via FranceConnect de faciliter les enquêtes qui remontent la trace des pirates.

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