Jugé pour avoir enfariné un député, l'auteur des faits assume "un geste politique", mais reste muet à l'audience

Emmanuel Jacquemin était jugé ce mercredi 20 septembre 2023, pour avoir enfariné Jean-Luc Warsmann, député de la troisième circonscription des Ardennes, en marge d'une manifestation pour sauver la maternité de Sedan, le 4 février 2023. Il assume un geste politique, mais conteste les faits de violence.

L'audience a débuté peu avant 14 heures ce 20 septembre. Emmanuel Jacquemin comparaissait devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières pour avoir aspergé de farine le député des Ardennes Jean-Luc Warsmann, en marge d'une manifestation de soutien à la maternité de Sedan le 4 février 2023. Deux autres délits lui sont reprochés : la « détention sans déclaration d’arme, munitions ou de leurs éléments de catégorie C » et le « refus de se soumettre au prélèvement biologique » dans le cadre de l’inscription au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Emmanuel Jacquemin est né le 06 octobre 1961, il vit à Pouru-Saint-Remy. L'exploitant forestier qui se décrit comme "un militant écologiste altermondialiste" a choisi de garder le silence. Personne ne peut lui poser de questions, il refuse d'y répondre. Nous n'en saurons pas plus sur ses motivations non plus. La présidente Camille Ruhlmann prend la parole et lit les éléments du dossier. Lors de ses interrogatoires, le prévenu a reconnu avoir déversé de la farine sur la tête de Jean-Luc Warsmann mais a toujours contesté les faits de violence. 

Or pour Maître Harir, l'avocat de Jean-Luc Warsmann, il s'agit bien d'un acte prémédité, contre l'élu ardennais, qui n'est pas présent à l'audience. Il poursuit : "sa compagne, Sophie Perrin (LFI-Nupes) avait harangué la foule avant les faits." L'avocat demande réparation pour son client (un euro symbolique pour le préjudice moral et mille euros de frais de procédure).

Vidéo : le député enfariné dans les Ardennes

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Jean-Luc Warsmann enfariné ©Ophélie Perroux, France Télévisions

"Un acte symbolique"

Puis c'est au tour de la substitute du procureur de s'exprimer "la liberté d'expression autorise la contradiction. Emmanuel Jacquemin considère avoir agi en ce sens. Il revendique un acte symbolique avec un moyen adapté". Et poursuit "la farine, c'est doux, comparable à du talc pour bébé". Pour la substitute, la volonté d'humilier Jean-Luc Warsmann ne fait aucun doute. "Ce qui est inquiétant, c'est que Monsieur Jacquemin pense que comme Monsieur Warsmann est un élu, on peut tout se permettre." Le parquet requiert huit mois de prison avec sursis, la suspension du permis de chasse pour un an et l'interdiction de détenir ou porter une arme pendant un an.

La défense prend ensuite la parole, en la personne de Maître Foulon, l'une des avocates d'Emmanuel Jacquemin. "Participer à une manifestation, c'est souffrir la contradiction," déclare-t-elle. "On a ici une personne qui ne cherche pas à se cacher, il est prêt à assumer parfaitement les choses" affirme-t-elle. Elle tient à mettre au clair les poursuites pour vol à l'encontre de son client : il a participé à des opérations de décrochage de portraits du Président Emmanuel Macron.

L'avocate enfonce le clou : "s'il n'assumait pas son geste, il ne l'aurait pas fait (enfarinage) devant les caméras présentes ce jour-là. " L'autre avocate du prévenu, Océane Mahé, prend à son tour la parole "il s'approche de Monsieur Warsmann, il ne se rue pas dessus, il ne se jette pas dessus. Il n'y a aucunement ici une intention de faire mal, de blesser". Pour la défense, "c'est peut-être un comportement inadapté, pas très classe mais c'est un comportement militant". Elle cite d'autres affaires similaires, où la violence n'a pas été retenue, même s'il ne s'agissait pas de farine, mais d'une personne en retenant une autre par le bras. Ou encore les FEMEN (mouvement féministe fondé en 2008 en Ukraine) "qui n'ont pas pu être condamnées pour exhibitionnisme en raison de la connotation politique et militante de leur acte." Elle conclut : "vous ne pouvez pas condamner Monsieur Jacquemin." La défense réclame la relaxe et la restitution des armes déclarées : "Emmanuel Jacquemin chasse. C'est sa passion." 

La présidente du tribunal demande au prévenu de revenir à la barre et lui demande s'il a quelque chose à ajouter, il répond : "oui, je n'ai jamais tutoyé Monsieur Warsmann."

Fin des débats, le délibéré sera rendu le 20 novembre prochain. 

Un comité de soutien à la sortie de l'audience

Sur le parvis du palais de justice, une vingtaine de personnes sont venues pour soutenir Emmanuel Jacquemin. Le comité de soutien accueille le militant écologiste en véritable héros à la sortie de l'audience. Certains arborent des pancartes humoristiques parodiant des publicités, comme "la farine c'est fantastique". Le prévenu leur lit un message pour les remercier. 

Rappel des faits

L'Ardennais de 62 ans s'était approché du député UDI de la troisième circonscription des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, avant de lui vider un sac de farine sur la tête en criant "il mérite, il mérite, depuis 40 ans, c'est un imposteur!" et "la mort des services publics, c'est lui, il trompe le peuple". Emmanuel Jacquemin reproche au député d'être responsable de la casse de l'hôpital public, et de la fermeture de la maternité de Sedan, par son vote du projet de financement de la Sécurité Sociale.

Pourtant, le site Internet de l'Assemblée nationale nous apprend qu'au mois de novembre 2022, Jean-Luc Warsmann a officiellement interpellé le ministre de la Santé au sujet de l'avenir de la maternité de Sedan. Il a appelé de ses vœux à ce que le gouvernement "mette toute son énergie" pour empêcher la fermeture. Le député participe à la mobilisation pour sauver la maternité, à Sedan, le 4 février 2023, aux côtés d'autres élus. Des centaines de personnes sont également présentes pour soutenir cet établissement qui pratiquait près de 600 accouchements par an, jusqu'à sa fermeture en mars dernier. Depuis le départ à la retraite de deux anesthésistes, les futures mamans sont contraintes de faire 45 minutes de route pour accoucher à l'hôpital de Charleville-Mézières. 

Emmanuel Jacquemin avait été interpellé et placé en garde à vue, immédiatement après les faits. Son domicile de Pouru-Saint-Rémi avait été perquisitionné et la police avait saisi plusieurs fusils non déclarés (au total sept armes retrouvées, ainsi que des munitions). Le député Jean-Luc Warsmann, très choqué par cette agression, avait porté plainte. Selon son avocat Maître Harir, il avait même fait un malaise à l'Assemblée Nationale quelques jours après. Il avait reçu le soutien de nombreux politiques, dont celui du président du sénat Gérard Larcher pour qui "aucune cause, aucune revendication ne peuvent justifier l'agression d'un élu de la République". Ou encore celui de son opposant politique, comme le maire DVD de Sedan Didier Herbillon.

L'enfarineur déjà condamné pour insulte et outrage

Emmanuel Jacquemin est un militant écologiste et ancien élu du pays sedanais, déjà condamné pour insulte et outrage en septembre 2015. L'exploitant forestier avait traité de "bâtard" le directeur de la gendarmerie nationale sur le réseau social Facebook, lors de l'affaire du barrage Sivens (Rémy Fraisse avait trouvé la mort lors d'une manifestation contre la construction du barrage). Une invective par voie électronique qui lui avait valu une amende de mille euros. Deux autres mentions figurent sur son casier judiciaire. Condamnation en 2013 pour outrage à l’encontre de la proviseure du lycée de Bazeilles. La même année, Emmanuel Jacquemin avait également manifesté contre la fermeture de collèges ruraux dans le Vouzinois à travers une grève de la faim.

Emmanuel Jacquemin comparait pour "violence sans incapacité sur personne chargée d'une mission de service public lors d'une manifestation publique". Les violences sont punies au titre de l'article L222-13 du code pénal par une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. L'audience doit débuter ce mercredi 20 septembre 2023 à 13h30. 

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