La 9eme édition du Mois Sans Tabac débute à partir du 1er novembre. Depuis 2016 plus de 1,4 million de fumeurs ont relevé ce défi collectif. L'occasion pour nous d'encourager les participants et de faire le point sur le sevrage tabagique avec Dr Belahcène, cheffe de service addictologie du Centre Hospitalier de Troyes.
Novembre, c'est le mois des feuilles qui tombent, du nez qui coule, mais c'est aussi le Mois Sans Tabac. Cette année encore, plus de 100 000 personnes (à l'heure où nous rédigeons ces lignes) se sont engagées dans ce programme sur 40 jours pour arrêter la cigarette. Une opération de Santé publique France, du ministère de la Santé en collaboration avec l'Assurance Maladie qui connaît un vrai succès chaque année. Le docteur Salima Belahcène, tabacologue et addictologue à Troyes nous indique que le mois sans tabac est entré dans les habitudes, aide à la sensibilisation et mène à des arrêts définitifs :
“Dans les patients qui viennent en consultation il y a des patients qui ont déjà testé le mois sans tabac, ils ont bien réduit même s'ils n'ont pas arrêté ou il y a des patients qui se sont arrêtés, ça a duré quelques semaines. Et puis ils reprennent et là ils nous sollicitent pour un suivi Depuis la première campagne il y a 8 ans on observe une baisse de la prévalence du tabagisme en France de 4 points."
Qu'est-ce qui fait que le Mois Sans Tabac, ça marche ?
"Le fait qu'il y ait un accompagnement, une application et aussi que les gens se sentent moins seuls, il y a l’effet de groupe, c’est collectif, ça aide à arrêter. Il y a quand même d'autres facteurs. Plusieurs mesures préventives poussent à l'arrêt comme le remboursement des traitements de substitution nicotiniques, l'augmentation des prix du tabac (effet dissuasif chez les jeunes). Quand il y a une augmentation plus importante et plus franche c’est plus dissuasif et plus parlant que les petites augmentations de 20 ou 50 centimes. Mais les hausses de prix restent toujours un des arguments avancés par les patients dans leur démarche d’arrêt."
Pourquoi c'est difficile d'arrêter ? Est-ce une des addictions les plus compliquées à se sevrer ?
"Il y a plusieurs facteurs. Le premier, c'est l'image sociale. Un fumeur est socialement inséré alors que l'image sociale d'une personne présentant en groupe l'usage d’alcool n'est pas très glorieuse. Il y a ça, mais il y a surtout le pouvoir addictif de la nicotine. Il est supérieur à toutes les autres substances psychoactives notamment, celui de l'alcool à de la cocaïne par exemple. La nicotine est une "drogue dure". Sa dépendance elle est multifactorielle, elle est physique, donc liée à la nicotine elle-même, mais il y a la dépendance comportementale, psychologique, identitaire et sensorielle. Ça agit sur le circuit de la récompense. La dépendance psychologique qui est là est liée à l'habitude, aux automatismes. Il y a parfois la faim, la fatigue, la soif, l'émotion et la solitude. On a l'impression que c'est un cercle sans fin, mais en fait, on peut s’en sortir. Il faut s’adresser à un tabacologue pour être accompagné, de nombreux professionnels de santé (kiné, infirmier, sage-femme ou dentiste) sont habilités à prescrire gommes et patchs qui sont remboursés. Et puis il faut aussi agir sur le stress, des séances de sophrologie peuvent l’atténuer, comme toutes les thérapies agissantes sur le stress. On peut se mettre au sport aussi, ça fait montrer le taux de dopamine, c’est positif pour mettre le plus de chance de son côté."
Comment on en sort ? Y a-t-il un bon moment pour arrêter ?
"Il n’y a pas de moment idéal, c’est toujours le bon moment. Même si on est stressé par des soucis au travail ou familiaux, arrêter ça aide toujours. Le tabac augmente le stress. C’est une fausse idée de croire que la cigarette détend. Elle agit comme un doudou, ça calme peut-être sur l’instant mais ça augmente la fréquence cardiaque et la pression sanguine donc sur le corps l’effet est inverse."
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Comment peuvent agir les proches des fumeurs qui souhaitent arrêter ?
"Pour l’entourage ce n’est jamais évident, il faut surtout les protéger du tabagisme passif. Les proches peuvent encourager et féliciter à chaque étape de l’arrêt et surtout il ne faut jamais culpabiliser, même en cas de rechute. L’addiction est une maladie, la rechute en fait partie. Il faut garder en tête que tout arrêt est bénéfique, ce sont des expériences et des entraînements au sevrage. C’est ce qui mènera plus tard à la réussite. Tout arrêt est bénéfique. Dès les premières 24h le taux de monoxyde de carbone (gaz mortel) baisse dans le sang. L’oxygénation s’améliore. Au bout du premier mois la toux diminue. Et même si le fumeur est malade et même tard dans la maladie, l’arrêt du tabac améliore l’assimilation des traitements. Ça améliore la qualité de fin de vie."
Le tabac est la première cause de mortalité évitable avec 75 000 morts par an en France. Cancer ou maladies cardiovasculaires, des traitements onéreux pour l’Assurance Maladie qui préfère investir dans la prévention. Selon Santé Publique France, pour 1€ dans la campagne du Mois Sans Tabac, c’est plus de 7€ d’économie en dépense de santé du fait de l’arrêt du tabagisme. Car passer un mois sans fumer est gage de réussite, ça multiplie par cinq les chances d’arrêter définitivement.