Présent dès le réveil, posé sur les tables, glissé dans nos poches... Des plus âgés aux plus jeunes, nous utilisons quotidiennement un téléphone portable. Cet usage, bien que pratique, apporte également son lot de problèmes, à commencer par le risque d'addiction. Sommes-nous tous devenus nomophobes, avec la peur au ventre à l’idée de s'en passer ? À l'occasion des journées mondiales sans téléphone, de ce mardi 6 au jeudi 8 février, reportage à Reims.
Appels téléphoniques et SMS, évidemment, mais aussi mails, appareil photo, réveil, chronomètre, météo, carte, notes, calculatrice, paiement, ainsi que diverses applications à l’appréciation de chacun... Les téléphones portables sont aujourd'hui comme le prolongement de notre main, ils sont devenus indispensables, à tel point qu’il paraît difficile de s’en passer. “Pourquoi on le ferait ?”, s’enquiert le pédopsychiatre rémois Thierry Delcourt : “C’est tellement attractif.”
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D'où la proposition des journées mondiales sans téléphone portable, de ce mardi 6 jusqu'au jeudi 8 février, qui proposent depuis 2001 de le poser trois jours jours durant. Prêt à relever le défi ?
“C’est un objet qui donne accès à tellement de fonctions que c’est compliqué de ne pas l'utiliser”, complète Stephen Dehoul, psychologue à Reims. Selon lui, le téléphone portable rassure, crée du lien et permet d’évacuer ses émotions, d’où son importance dans notre quotidien. Ces usages multiples et cette attractivité forment ainsi le ciment de l’addiction.
Un "geste automatique"
Un risque que les deux spécialistes reconnaissent sans équivoque : “Ce n’est pas pour rien que le terme nomophobie a été inventé”, souligne Stephen Dehoul à propos de ce mot qui décrit quelqu'un qui éprouve une peur excessive à l'idée d'être séparé ou de ne pouvoir se servir de son téléphone. “Même quand on n'en a pas besoin, on le regarde. C’est une sorte de geste automatique”, complète Thierry Delcourt, décrivant des personnes qui, en consultation, ont les yeux rivés sur leur écran. À cela peut s’ajouter la FOMO, “fear of missing out”, soit la peur de rater quelque chose.
Alors, à partir de quand peut-on se considérer comme addict ? Plusieurs critères existent : le temps passé sur son téléphone, l’automatisme quant au fait de s’en servir, la difficulté, la souffrance, l’anxiété, l'irritabilité et la solitude en s’abstenant de l’utiliser. Toutefois pour Stephen Dehoul, l’addiction ne vient pas de l’objet en tant que tel mais bien de tout ce qu’on fait grâce au téléphone - avec potentiellement d’autres dépendances, par exemple aux jeux d’argent ou à la pornographie.
Si tout un chacun peut être concerné, certaines populations sont plus à risque, notamment les personnes seules, pas très à l’aise socialement, en dépression ou avec des “fragilités narcissiques”, comme évoqué dans le dernier ouvrage de Thierry Delcourt. Ce dernier témoigne également d’une augmentation, depuis la crise sanitaire, de ce motif de consultation chez les jeunes, à la demande des parents.
Une ambivalence chez les parents
Cette nouvelle patientèle, de plus en plus jeune, illustre les premiers effets d’une génération biberonnée aux écrans, y compris à l’école avec l’apparition des tablettes. “Dans la salle d’attente, les petits de 2, 3 ou 4 ans ont le téléphone de papa et maman pour qu’ils soient gentils. Et les adultes sont aussi sur leur téléphone. On ne peut pas dire qu’ils montrent l’exemple”, décrit le pédopsychiatre.
Les parents sont les premiers à leur donner cet objet là de plus en plus jeune pour faire office de nounou virtuel.
Stephen Dehoul, psychologue à Reims
Résultat ? Un risque accru de troubles de l’attention et de la concentration. “On se croit, à tort, multitâches”, commente Thierry Delcourt. Une illusion qui peut amener chez les jeunes à une baisse du niveau scolaire, voire, dans le pire des cas, à une phobie scolaire.
Pour se détacher du téléphone portable, Stephen Dehoul invite ainsi à analyser la fonction qu’il a pour nous et ce qui se joue à travers lui, afin de comprendre le problème de fond. Thierry Delcourt conseille quant à lui de faire une cure associée à du plaisir pour sortir du réflexe et revenir vers l’utilité. Par exemple, pendant un voyage, poser son téléphone le temps de la randonnée. Il explique : “C’est la découverte ou redécouverte d’une expérience autre qui amène à se détacher et voir qu’il peut y avoir quelque chose de plus intéressant. On fait bien des ‘dry january’, on pourrait faire des week-ends dry écran.”