Coronavirus : l'angoisse des chocolatiers,"après Pâques, on va retomber dans l'oubli"

Chômage partiel, livraison à domicile, les chocolatiers tentent de limiter la casse. A Troyes, Reims, Epernay, depuis le début du confinement, certains artisans n'ont pas fermé, d'autres ont rouvert pour Pâques, le coeur lourd et le chiffre d'affaires au plus bas.

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Vincent Dallet, maître chocolatier et depuis peu, livreur. Les clients ne cachent pas leur surprise quand ils voient arriver l'artisan sparnacien. "Cet après-midi, je serai à Reims, c'est vrai que les gens sont contents de voir Monsieur Dallet, c'est exceptionnel que je livre. C'est aussi notre force, à nous, artisans, derrière les chocolats, la fabrication, il y a des hommes et des femmes. On retrouve une certaine proximité, un moment de partage. Les gens vont réaliser l'importance des paysans, des maraîchers. Ils arrêteront de mal manger. C'est peut-être un mal pour un bien."

Car le mal, lui, est bien là. La semaine dernière, la maison Dallet a perdu 90 % de son activité. "Là, avec Pâques, ça bougeotte un peu, les gens se réveillent", nuance le chef d'entreprise marnais, "Pâques, c'est Pâques. A cause du confinement, les familles ne pourront pas se retrouver, ensemble, autour de la table, mais elles restent attachées à la tradition. Du coup, on livre dans plusieurs endroits, chez les parents, les enfants, les petits-enfants"
 


Depuis le début de la crise sanitaire, et en tant que commerce alimentaire, Vincent Dallet n'a pas fermé ses boutiques de Reims et d'Epernay, dans la Marne. "Je ne sais faire que travailler, prévient le chef d'entreprise. Il faut bien gagner un peu d'argent et nos clients fidèles comptent sur nous aussi. On a modifié les horaires, mes employés sont au chômage partiel, on continue, mais en famille."

Pâques est la deuxième période la plus importante pour la profession, après Noël. Vincent Dallet travaille avec une équipe de 18 personnes. Du personnel, aujourd'hui, en grande partie, au chômage partiel. Sa demande d'autorisation préalable a été validée par la Direccte mais le chef d'entreprise reste prudent : "le dossier a été accepté, mais après ? J'attends de voir les premiers euros arriver. Il y a tellement de cases à cocher. On commence à dire aux commerçants - qui avaient le droit d'ouvrir et qui ne l'ont pas fait - qu'ils n'allaient peut-être rien recevoir. Entre l'acceptation du dossier et la réalité, ça va faire deux. Ce sera au cas par cas, ce ne sera pas open-bar, contrairement à ce que laissait entendre le président Macron"
 

"Pour Pâques, on va écouler seulement 20% de notre production"

A Troyes, Pascal Caffet a préféré fermer ses magasins, dès les mesures de confinement. "Dès le départ, c'était assez flou, même si on est considéré comme un commerce de première nécessité, je voulais protéger mes salariés et les clients. Chez nous, le télétravail n'est pas possible. De toute façon, le 16 mars, toute la fabrication était finie", explique le chocolatier aubois.

Il possède 13 boutiques, en France, dont 9 dans le Grand-Est et emploie 80 salariés. Il y a une semaine, le chocolatier a décidé de rouvrir, pour préparer au mieux le week-end pascal. "Il n'y a qu'une personne par magasin, on respecte toutes les mesures de sécurité, on travaille avec des masques, de toute façon, dans mon métier, dans l'alimentaire, j'ai toujours travaillé avec un masque." 
 

Pour Pâques, 14.000 moulages ont été confectionnés. "On va écouler seulement 20% de notre production" se désole le Meilleur ouvrier de France. 

La majorité de ses salariés est au chômage partiel. "Pendant deux semaines, c'était assez flou. On ne savait pas si on allait être pris en charge. J'ai fait une demande, on attend, mais j'ai bon espoir." De nature optimiste, Pascal Caffet ne cache plus son inquiétude "ça va faire mal, dans les mois à venir, on va devoir prendre de vraies décisions. Il y a des projets d'investissements qui ne se feront peut-être pas. Je ne sais pas ce qu'on va faire de notre stock." 

L'artisan ne sait pas encore s'il restera ouvert, après Pâques "si on fait 500 euros par jour de chiffre d'affaires, c'est toujours ça. On vit un truc hallucinant. On est tous dans le même bateau. On n'a pas le choix." La maison Caffet livre aussi. On peut passer commande sur son site internet.
 
 

Ouvrir ou ne pas ouvrir, en plein confinement ? Que faire quand on est chocolatier ? 

A Reims, le maître chocolatier de La Petite Friande Hugues Jubin, a suivi les préconisations du gouvernement, les deux premières semaines. Il n'a pas ouvert. Même si les confiseurs étaient autorisés à maintenir leur activité, pour lui "ce n'était pas de la première nécessité, je ne me considérais pas comme un commerce indispensable, on ne maîtrisait pas l'épidémie, j'ai d'abord pensé à la santé de mon personnel et à celle de mes clients". 

Face à la demande, Hugues Jubin a relancé sa production. Il a rouvert son magasin, vendredi dernier, avec des plages horaires réduites pour "rendre service aux clients fidèles, très attachés à Pâques". Fabrication, expédition, livraison, vente à emporter à la boutique (avec un minimum de personnes à l'intérieur), toutes les commandes ont pu être honorées. "C'est une organisation quasi-militaire. On produit au dernier moment. Le catalogue est restreint, il faut de la rigueur" souligne l'artisan.

Le chocolatier appréhende de voir le bilan "j'ose même pas regarder, ça va être terrible. On vit au jour le jour, on va voir les conséquences dans les prochains mois, les prochaines années".

Pour ce professionnel, Pâques représente 20 % de son chiffre d'affaires annuel. Une fois les fêtes passées, les chocolatiers tombent dans la période calme, la chaleur qui arrive n'est pas vraiment propice aux affaires."On va retravailler vers mi-septembre, mi-octobre." 

Dimanche, Hugues Jubin fermera à nouveau. Ses salariés seront au chômage partiel. Lui surveillera les stocks, les chambres froides, en attendant la fin du confinement.
 

Quand le chef de l'Etat a annoncé le confinement, Emmanuel Briet, non plus, ne savait pas quoi faire. Ouvrir ou fermer ? Continuer ou arrêter ? Finalement, le maître chocolatier d'Epernay a poursuivi son activité, avec les mêmes horaires d'ouverture. "L'alimentaire, c'est vague. D'un côté, on disait aux Français de rester chez eux, de l'autre, aux entreprises, vous êtes un commerce de première nécessité, il faut rester ouvert. On ne savait pas si on allait pouvoir avoir des aides de l'Etat". 

Les clients appellent pour savoir si la boutique est ouverte "je passe ma vie au téléphone" ajoute Emmanuel Briet. Pour Pâques, il a réalisé environ 35 % de son chiffre d'affaires habituel, "on est quatre à travailler alors que je n'aurais besoin que d'une personne. Normalement, grâce à Pâques, notre trésorerie nous permet de travailler jusqu'à Noël. L'été, c'est du négatif." 
 


 Avec la livraison, on gagne trois fois moins mais on y passe trois fois plus de temps, la rentabilité, c'est zéro
-Emmanuel Briet, maître chocolatier, à Epernay


L'artisan livre le soir une heure ou un peu plus, après sa journée de travail. Il expédie aussi des colis par la Poste. Soixante sont partis mercredi dernier, 70 cette semaine et ce n'est pas fini (contre 5-10 l'an passé). Il a fallu se réinventer. Emmanuel Briet a réalisé un catalogue avec ses produits, mis des photos. Il a également édité un fichier clients. "Commercialement, ça nous pousse à faire des choses" reconnait-il.

Economiquement, ce n'est pas franchement rentable. "Si un client vient en boutique, ça prend 5 minutes. Une livraison, c'est minimum 15 minutes, je suis toujours sur la route. En gros, on gagne trois fois moins mais on y passe trois fois plus de temps, la rentabilité, c'est zéro" se désole le chocolatier. "On l'a fait pour les clients, on sentait une réelle frustration. Le chômage partiel, ça va être maintenant. Mais je n'ai pas le droit de me plaindre, on peut continuer. Je pense aux restaurateurs. Nous, on est un produit plaisir, on n'a pas besoin de chocolats pour vivre. Mais les gens sont reconnaissants, ils nous remercient, ça fait chaud au coeur." Après Pâques, Emmanuel Briet gardera sa boutique ouverte. "C'est important de maintenir une présence.
 
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