Coronavirus : les consommateurs de retour dans les boucheries-charcuteries de quartier

En ces temps de covid 19, où artisans et commerçants de proximité survivent plus ou moins bien grâce aux drive, livraisons et multiples mesures de sécurité, certains bouchers-charcutiers constatent un net regain d'intérêt pour la viande et ses qualités nutritionnelles.


 

Il n’y a pas que la grande distribution qui continue à assurer et remplir les frigos des ménages, en ces temps de confinement. Les artisans, petits commerçants et producteurs locaux se démènent aussi comme de beaux diables, depuis que le confinement limite leurs possibilités de vendre leurs productions "comme avant". Marchés ouverts, puis fermés et partiellement rouverts... ils ont donc monté des drive en urgence, mis en place des barrières et distances de sécurité, marquages au sol, bandes de cellophane autour de leurs stands, gants pour toucher l'argent d'une main, les produits de l'autre, proposent des livraisons à domicile... Les idées et la réactivité au secours de leur commerce, pour ne pas se mettre en difficulté ou devoir carrément mettre la clé sous la porte.
 


Chez les bouchers-charcutiers-traiteurs, c'est encore différent. Eux étaient en phase de désamour depuis quelques temps. La pollution liée à l'élevage, les ruminants sources de méthane, la viande cause de maladies...Et si tout cela reste vrai, et bien, en ces temps de crise, on retourne chez le boucher. Le veganisme marque le pas. Depuis quelques semaines, la filière des bouchers-charcutiers-traiteurs est même en tête de peloton, en matière de succès auprès des consommateurs. La situation de chacun dépend de son emplacement géographique, mais là où il y a beaucoup d'habitants, certains bouchers-charcutiers-traiteurs sont même déjà exténués, car leurs horaires de travail explosent. 
  

Pourquoi un regain d'intérêt pour la viande ?

"Les anciennes croyances ressurgissent, la viande a une image d'aliment qui donne de la force, avance comme explication, Jacqueline Riedinger-Balzer, la présidente de la confédération internationale de boucherie charcuterie (BIBC). La charcuterie, la saucisse fumée ou à tartiner, donnent un sentiment de bien-être". Souvenir d’enfance, de quand le boucher nous tendait une rondelle de saucisse de viande par-dessus la vitre du comptoir ? Sensation de sécurité peut-être ?
 

Outre le réconfort psychologique, l'autre gros atout de la viande de boucher serait ses propriétés et sa qualité. Si tout le monde sait désormais que l'excès de viande, rouge notamment, est nocif pour le coeur, cette viande est aussi source de protéines, de fer, de zinc et de vitamines B. Et c'est ce qui revient en mémoire des consommateurs depuis la crise sanitaire liée au covid19. Contrairement à certaines grandes surfaces, les bouchers-charcutiers se fournissent davantage ou exclusivement chez des producteurs locaux. Ils choisissent des animaux issus d'élevages différents de ce qui se faisait il y a encore dix ou quinze ans. Pour certains d'entre eux, le défi n'est plus la quantité, mais la qualité. 
 

"On entend à nouveau des recommandations de manger de la viande et des poissons gras, pour résister à la maladie. J'ai entendu ça à la radio et j’ai constaté, dans notre boucherie, que jamais nous n’avions vendu autant de harengs !"
 

Moins de volume, plus de qualité

Il y a quelques années, j’ai dit dans une réunion qu’il fallait absolument renouer le dialogue avec nos éleveurs en France, explique Jacqueline Riedinger-Balzer, à la tête de seize fédérations nationales de boucheries-charcuteries, soit 150 000 artisans bouchers-charcutiers. "Nous devons les soutenir pour qu’ils n’arrêtent pas leur métier, car l’arme alimentaire est une arme comme une autre. On m’a regardé bizarrement. Maintenant, nous y sommes. Heureusement que nos approvisionnements n’ont pas tous été délocalisés, pour des histoires de prix, sinon on serait dans de beaux draps...Alors oui, nous devons expliquer aux Français que bien se nourrir, avec des produits de qualité et de proximité, ça a un coût, mais la santé est un bien très précieux …Acceptons de remettre un peu plus d’argent et soutenons les productions agricoles de proximité". 
 


Ne pas oublier les efforts des artisans et petits commerçants...

"Dans toutes les communications, que ce soit l’Etat, les politiques et les journalistes, on ne parle que de la grande distribution " regrette Jacqueline Rideinger-Balzer. "Quelle frustration pour nous les artisans, qui nous efforçons de garantir le meilleur service et des commerces de proximité ouverts malgré les difficultés du moment. En 40 ans de carrière, je n’ai jamais senti autant de pression au travail : les équipes tiendront-elles le coup ? Combien d’absents ce matin pour motifs divers et variés (surtout de l’angoisse), alors ne soyons pas oubliés. Même au moment de la crise de la vache folle, la tension n’était pas aussi vive."

Beaucoup de questions se posent à tous ces artisans et commerçants. Après le déconfinement, il faudra continuer à exister et agir tant que les "nouvelles habitudes" seront encore fraîches. Que feront alors les producteurs et commerçants ? Continuer les livraisons à domicile, les drive-in?
 

"La force de l’artisanat, c’est son agilité, sa capacité à s’adapter vite aux nouvelles situations." insiste cette femme, chevalier dans l'ordre du mérite agricole et médaille d'or de la chambre des métiers d'Alsace. "Si la menace sanitaire se poursuit, il faudra certainement continuer les livraisons à domicile, les drive, la vente en ligne, les casiers. Mais nos magasins physiques sont aussi des lieux de vie, de lien social, d’animation des bourgs. Pourvu qu’ils retrouvent du monde après, car si la peur de l’autre et de ce virus tue ces échanges, la vie sera bien triste."
 

Gageons que la vie après le confinement ne sera pas triste. Bien sûr, des choses vont rester différentes et vont encore changer. Partout dans le monde, ce virus augmente l'intérêt des consommateurs pour la production locale. Partout où c'est possible, les commerçants et producteurs ont réfléchi, trouvé des solutions nouvelles, pour rester actifs et faire leur maximum pour continuer à approvisionner leur clientèle et maintenir une trésorerie. 

Ceux qui ont su installer rapidement des drive-in, organiser une distribution sécurisée pour les clients, proposé des livraisons à domicile, auront peut-être tiré leur épingle du jeu. Sortiront-il pour autant renforcés de cette crise? Si ce n'est sur le plan financier, ce sera au moins en terme de reconnaissance et de crédibilité auprès des consommateurs. Les bouchers-charcutiers-traiteurs en font partie, mais pour ce qui les concerne, l'engouement survivra-t-il à la crise sanitaire? Les changements de consommation vont- ils se pérenniser? 

Les questions d'ordre économique sont déjà multiples. Faudra-t-il diminuer les importations de certains produits ? Manger moins, ne pas importer au-delà de certaines quantités, et seulement dans les domaines où on manque en France? Changer les types d’élevages, la façon de proposer les productions locales au consommateur, établir d’autres liens entre eux, les faire venir plus souvent sur les lieux d’élevage et de productions ? Les réponses sont entre les mains des consommateurs, des producteurs et des décideurs économiques.

 
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