Les médiathèques ont le vent en poupe. Durant le confinement, le virtuel a sensiblement gagné du terrain. Tandis qu’en coulisses les réouvertures des établissements se préparent, certains estiment que les médiathèques d’après ne ressembleront plus aux médiathèques d’avant.
Pour limiter les allers-retours et le brassage des documents entre les médiathèques du réseau troyen et gérer les consignes et le temps de décontamination des ouvrages, le service de navette est suspendu et seuls les documents présents sur le site de Troyes-Centre seront empruntables. Soit 700.000 exemplaires en prêt, pas d'inquiétude. A partir du 9 juin, il sera également possible de rapporter les documents empruntés avant le confinement, "mais pas de précipitation, vous avez jusqu’au 30 juin pour le faire", indique l'établissement.
Pour mettre en place ces services de "prêt à emporter" et de retour des documents empruntés, "une réorganisation des équipes, des locaux et des process est en cours à la Médiathèque afin de répondre aux exigences des protocoles sanitaires et organiser le circuit de décontamination des ouvrages en retour d’emprunt avant de les remettre en circulation (délai de 10 jours)".
A Reims, le rideau de la médiathèque situé sur le parvis de la cathédrale et dont les salles offrent une perspective superbe sur l’édifice s’est brutalement abaissé ce fameux 17 mars. Depuis plus rien vu de l’extérieur : "seuls les ouvrages, CD, DVD et livres peuvent être restitués grâce à l’automate mis à disposition à l’extérieur" précise-t-on au service culture de la ville. Le robot avale les ouvrages à restituer par les quelques habitués des lieux qui ne s’attardent pas ici.
A l’intérieur aucune activité non plus. Mais en réalité côté coulisses, on travaille, d’abord au maintien du service, la consultation à distance des documents et bien sûr on prépare l’après. Le directeur par intérim des lieux est arrivé juste avant le confinement, "il y avait mieux comme baptême du feu" avoue-t-il avec un demi-sourire. Mais pas de quoi décourager Jean-Marc Laithier : "on prépare la réouverture, les sélections qu’on va proposer sur le site, la reprise du portage à domicile ne se fera pas tout de suite", tempère-t-il.
Explosion du numérique
Pendant le confinement, le numérique a connu un certain essor. Le système existe depuis 10 ans mais on a vu là une explosion des consultations des documents en ligne. C’est pourtant bel et bien une révolution qui se prépare, du jamais vu ici. Car dans l’après 11 mai, même si la date de réouverture n’est pas encore décidée, il ne sera plus question de proposer au public de déambuler dans les rayons.La remise en place du prêt physique n’est pas pour tout de suite explique le directeur : "on va monter un système de réservations des ouvrages avec notre service informatique."
Un monde à réinventer
Et d’ajouter que le principe va devenir désormais "un clic pour un prêt" afin de minimiser à la fois les manipulations des ouvrages pour les agents de la médiathèque et réduire les risques avec les lecteurs. C’est une sorte de "drive" qui va être monté : "seul le rez-de-chaussé sera ouvert au public, l’idée étant de ne pas séjourner." Une solution radicale qui risque d’en laisser plus d’un perplexe car il ne sera plus possible de flâner dans les rayons, ni de partir à la découverte des livres du mois par exemple.Mais le directeur, lecteur et père de famille a pensé à tout, y compris aux plus jeunes de ses visiteurs : "nous réfléchissons à mettre en place des colis surprises, livres ou tout autre support." Histoire de faire, malgré tout, un peu rêver dans cette période de post-confinement qui va s’ouvrir et qui risque de freiner notre imaginaire.
C’est un changement de paradigme, de modèle : "Jean Falala voyait passer de 2.000 à 3.000 personnes chaque jour dans ses murs, 1.000 les mauvais jours." Une période révolue aujourd’hui.
A Troyes et à Charleville-Mézières aussi, on se prépare
A Troyes, la médiathèque aux larges verrières et son salon de lecture baigné par le soleil, plébiscitée habituellement par les lecteurs est elle-aussi en mode silence. Pas question pour autant là encore de broyer du noir. Alors qu’au lendemain des annonces du gouvernement on dit "préparer la réouverture selon des modalités qui seront communiquées la semaine prochaine" les inscriptions durant la pandémie ont grimpé pour atteindre le chiffre de 1.000.A Charleville Mézières, c’est un "drive" qui avait été imaginé dès le début du confinement de la médiathèque mais c’est en gestation explique Jean-Marc Roscigni, en charge de la médiathèque Voyelles. L’établissement avait connu une grosse attaque informatique avant la pandémie, elle s’est elle-aussi adaptée : "nous n’avons pas attendu la date du confinement, dès le 13 mars nous avons fermé."
Une fermeture d’autant plus mal vécue qu’à Charleville-Mézières, on compte 5.000 usagers disposant d’un abonnement mais à mettre en rapport avec la fréquentation : 15.000 visiteurs annuels. Le lieu est donc avant tout un lieu social.
"Notre priorité, c’est la réouverture," confie-t-on dans la capitale ardennaise. Et on entend se donner les moyens de ses ambitions. A la différence de Reims, les locaux rouvriront quasiment comme auparavant mais avec un certain nombre d’aménagements :"finies les tables de lectures avec 4 chaises, on divise par 2. On est en train de visiter les lieux pour imaginer comment réduire le mobilier, le traçage au sol."
L’entrée et la sortie de l’établissement ne se feront pas au même endroit : "nous travaillons avec l’association des bibliothécaires de France sur la question de la sécurité des usagers et des agents."
Pour les agents, gants et visières de sécurité seront obligatoires, "je suis en train de préparer avec les services de la communauté d’agglomération des kits de sécurité" explique déterminé Jean-Marc Roscigni. Ici, à Charleville-Mézières, on se dit qu’à partir du 11 mai alors que les cinémas et lieux culturels ou de loisirs ne vont pas rouvrir, la médiathèque va constituer une offre alternative majeure.