Après avoir passé commande de leurs masques, les grandes villes alsaciennes, Mulhouse, Strasbourg et Colmar, tentent d'être dans les délais pour les redistribuer à leurs habitants. Une course contre la montre dans laquelle le choix du dispositif de distribution, parfois critiqué, est déterminant.
Les masques vont devenir obligatoires à partir du 11 mai dans les transports publics et les écoles, et recommandés ailleurs, dans les magasins notamment. En Alsace, où Bas-Rhin et Haut-Rhin figurent en rouge sur la carte du déconfinement, la question de la protection contre le coronavirus apparaît encore plus cruciale qu'ailleurs, où la tension hospitalière est moins forte.
A Strasbourg, Mulhouse et Colmar, comme dans beaucoup d'autres communes alsaciennes, des dispositifs de distribution de masques réutilisables et gratuits ont été mis en place. Des méthodes de distribution pas toujours comprises, comme à Mulhouse où une polémique met aux prises la maire avec certains de ses opposants. Mais le but est le même : faire en sorte qu'au moins un masque soit distribué à chaque personne à la mi-mai.
Un choix controversé à Mulhouse
A Mulhouse, ville durement touchée par la crise sanitaire, la maire, Michèle Lutz, et son équipe assument le choix qui a été fait: les masques seront récupérés par les Mulhousiens munis de leur bon d'échange, sur un des quatorze points de distribution répartis dans la ville. Le bon d'échange reçu dans les boites aux lettres le jeudi 7 mai donnera droit à deux masques gratuits par personne. Les masques, réutilisables et fabriqués localement, seront livrés dans un premier temps aux alentours du 15 mai sur deux jours. Ces premiers masques sont offerts par le Département du Haut-rhin et la M2A (Mulhouse Alsace Agglomération). Les deuxièmes masques, offerts par la Ville de Mulhouse, seront livrés quelques jours après suivant les mêmes modalités. Les personnes seules, fragiles ou dans l'impossibilité de se déplacer pourront demander à un voisin de venir le récupérer à sa place ou de se le faire livrer à domicile.
Pourquoi ce choix impliquant un regroupement physique des personnes et non pas par la Poste ? Michèle Lutz s'en explique après que la question lui a été posée lors du conseil municipal du 7 mai : "Il ne vous aura pas échappé que pendant la période de confinement, la Poste n’assurait plus de service public. Nous ne pouvions donc pas nous appuyer sur cette force-là pour distribuer nos masques. Par ailleurs nous avons fait le choix le plus rationnel, parce que quand je me trouve face à une boite aux lettres je suis dans l’incapacité de savoir combien de personnes habitent à l’adresse indiquée. "
D'autres communes d'Alsace ont cependant fait le choix de distribuer leurs masques par la Poste (voir plus bas). C'est le cas de la commune de Schiltigheim, par exemple, qui s'est basée sur le fichier des taxes d'habitation de l'Eurométropole, qui comprend le nombre de personnes résidant dans chaque foyer fiscal (ce qui permet de déterminer le nombre de masques nécessaires par foyer).
Dans le contexte d'une campagne électorale encore en cours, le choix de la mairie de Mulhouse est qualifié d'aberrant par certains élus locaux , comme Lara Million. Pour la tête de liste LREM aux élections municipale, rien ne peut justifier de faire déplacer une population entière, durement touchée par le Covid-19. 45.000 foyers sont concernés ce qui représente plus de 3.000 habitants par lieu de distribution qui vont se cotoyer. "C'est de la folie, c'est encore pire que le premier tour des élections municipales", s'emporte l'élue mulhousienne. Jointe par téléphone aujourd'hui, Lara Million dit être consternée par l'argumentation de la maire quant au choix du dispositif: "C'est incompréhensible, les gens ont déja reçu chez eux un bon pour retirer des masques. Au lieu d'envoyer ces bons pourquoi ne pas distribuer les masques par la Poste comme à Strasbourg ? On oblige les gens à aller dans une queue monstrueuse ce qui est de la responsabilité de la Ville."
Jean Rottner, présent au conseil municipal, en tant que premier adjoint au maire, dit croire au civisme des Mulhousiens et à leur capacité de s'adapter aux nouvelles règles imposées par le coronavirus : "Il se trouve que hier j’étais à la Poste où il y avait 32 personnes qui attendaient, avançant mètre par mètre, disciplinées. Aujourd’hui il y a de nouveaux modes de vie, de nouvelles habitudes, ceux qui se déplacent le feront avec des gestes barrières que l’on soit dans un magasin ou dans les services publics. Il n’y a pas de raison que cela se passe mal."
Sur les masques, si nous avions choisi une méthode elle n’aurait pas été bonne et il aurait fallu choisir l’autre.
-Jean Rottner, président de la région Grand Est et premier adjoint au maire de Mulhouse
Pour Loïc Minery, en lice pour les élections municipales 2020 sous la bannière d'Europe Ecologie Les Verts, "les modalités de distribution des masques sont plus que contestables". Sa participation aux débats du conseil municipal du 7 mai, par le biais d'un communiqué est "surtout l’occasion d’alerter sur les craintes qui sont partagées par nombre de Mulhousiennes et Mulhousiens."
Le choix de la Poste à Strasbourg
L'Eurométropole de Strasbourg a échappé à ces polémiques en choisissant la Poste pour distribuer ses masques. L’ensemble des habitants de la ville seront dotés de deux masques en tissu lavables par personne composant le foyer. Un premier envoi est prévu pour la mi-mai, le deuxième dans les jours qui suivront. Ces masques, réutilisables une trentaine de fois, visent à se protéger collectivement, en filtrant de 70 à 80 % des particules émises par la personne qui le porte : ils sont un complément de protection qui ne dispense pas des mesures barrières et de distanciation physique.
Les Strasbourgeois recevront leur premier masque dans leur boîte aux lettres en deux temps, en fonction de la livraison échelonné du stock commandé:
- 50% à compter du 11 mai avec une arrivée en boites à lettres autour des 13-14 mai ;
- 50% à compter du 18 mai avec une arrivée autour des 20-21 mai.
Colmar encore indécis
A Colmar c'est l'ensemble de l'agglomération qui est concerné par le dispositif "Un masque pour tous" lancé le 28 avril conjointement par le Département du Haut-Rhin et l'Association des Maires du Haut-Rhin. La Ville de Colmar, en fonction des délais de livraison, devrait être en mesure de distribuer à la fin de la semaine du 11 mai ou au début de la semaine suivante des masques pour les enfants ayant repris l'école et pour les personnes de plus de 65 ans. Un second masque pris en charge financièrement par Colmar Agglomération sera distribué à ses 118.000 habitants. Les masques, en tissu, lavables et recyclables, ont été commandés auprès d'une société haut-rhinoise, l'entreprise BARRAL, partenaire du Pôle textile Alsace.
Les modalités de distribution des masques sur Colmar et son agglomération ne sont pas encore arrêtées à ce jour.