Déconfinement : voilà pourquoi certains masques reçus en Alsace proviennent de Chine, de Tunisie ou du Pakistan

Depuis le 11 mai 2020, les Alsaciens reçoivent dans leur boîte aux lettres les masques lavables offerts par les collectivités territoriales. À l'heure de la relocalisation de la filière textile, pourquoi certains masques arrivent-ils de Chine, de Tunisie ou du Pakistan ? On vous explique. 

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Ils ont commencé à arriver dans nos boîtes aux lettres. "Ils", ce sont les masques commandés en masse par les collectivités locales et territoriales afin d'offrir à chaque Alsacien au moins un masque lavable. Certains ont été surpris de découvrir la provenance de ces barrières en tissus : le Pakistan pour les Strasbourgeois, la Chine ou la Tunisie pour les habitants de la M2A. À quand les masques fabriqués par le Pôle textile Alsace ? C'est ce que nous avons voulu savoir. 
 


Pour bien comprendre, il faut un peu remonter dans le temps. Début avril 2020, en pleine montée de la crise sanitaire, l’ensemble des élus de la Ville de Strasbourg et de l’Eurométropole décident d’offrir 600.000 masques aux habitants du territoire. Le conseil départemental du Bas-Rhin emboîte le pas pour 600.000 autres masques. Comment faire pour trouver 1,2 millions de pièces à l’heure où l’on ne parle que de la pénurie de masques ?
 

Le 8 avril 2020, la Ville et l’Eurométropole passent immédiatement une première commande de 100.000 masques auprès du Pôle textile Alsace qui rassemble une trentaine d’entreprises de la région et 250 collaborateurs. Celui-ci est évidemment approché par le Conseil départemental. Pour le Pôle, c’est une opportunité sans précédent de monter un outil industriel pérenne et local. Le hic, ce sont les délais.

Toujours le temps qui court


La Ville et l’Eurométropole veulent être en capacité d’envoyer les premiers masques autour du 11 mai 2020, date de la levée du confinement. Pour le Pôle textile Alsace, impossible de fournir une telle quantité dans un temps aussi contraint. Serge Foresti, Directeur Général Adjoint Ressources et Environnement chez Ville et Eurométropole de Strasbourg, explique : « On avait le choix entre distribuer plus tard et alsacien ou distribuer tout de suite et étranger. On a choisi d’être pragmatique et de parer à l'urgence ».

Dans l’urgence donc, ses services prennent attache avec des entreprises françaises, Mitwill à Sausheim dans le Haut-Rhin et Gedivepro à Montluçon. L’une comme l’autre vont répercuter la commande auprès de leur partenaire commercial au Portugal pour Mitwill et au Pakistan pour Gedivepro. C'est ainsi que sur les 450.000 masques distribués à ce jour dans l’Eurométropole, 50.000 sont portugais et 400.000 sont pakistanais. Ce dispositif a permis d’honorer la première vague de livraisons de masques depuis le 11 mai 2020.

On avait le choix entre distribuer plus tard et alsacien ou distribuer tout de suite et étranger. On a choisi d’être pragmatique et de parer à l'urgence 
- Serge Foresti, Directeur Général Adjoint à l'Eurométropole -

 

Pakistanais ou alsaciens, même gamme de qualité, presque même prix


« Tous les masques commandés par l’Eurométropole répondent au même cahier des charges », explique Serge Foresti, Directeur Général Adjoint Ressources et Environnement chez Ville et Eurométropole de Strasbourg. Concernant les masques provenant du Pakistan, tous sont homologués par la Direction Générale de l’Armement. Qualité, lavabilité et disponibilité : les trois critères sont respectés.

Tous les masques commandés par l'Eurométropole répondent au même cahier des charges
- Serge Foresti, Directeur Général Adjoint à l'Eurométropole- 


Au niveau des prix, et sans dévoiler des secrets de négociations, Serge Foresti précise que le masque pakistanais coûte entre 1,70 et 1,80 euros hors taxes. Pour les masques alsaciens, il assure "qu'on devrait pouvoir rester en dessous des deux euros pièce".

Et le Pôle textile Alsace alors ? Où en est-il ? Souvenez-vous, une première commande de 100.00 masques a été passée le 8 avril 2020.  Serge Forest précise que 60% de la commande a pour le moment été honorée.
 

Le tour de force de la filière textile alsacienne


La mise en place de la filière alsacienne de production de masques s’est faite tambour battant. « Le 17 mars, tout le monde a été pris au dépourvu. La France n’avait pas assez de masques », se souvient Benoît Basier, dirigeant de la corderie Meyer-Sansboeuf de Guebwiller, dans le Haut-Rhin et président du Pôle textile Alsace depuis quatre ans.

« Pendant 40 ans, on a vendu une augmentation du pouvoir d’achat aux Français en bradant le textile et en vendant des avions », vitupère Benoît Basier, « on a perdu ces 10 dernières années des milliers d’emplois dans le textile. Faire ce qu’on a fait en quelques semaines, c’est un vrai tour de force ! »

 
Il mobilise alors toute l'énergie de ce cluster d’industriels, fort de 80 membres. Très rapidement, une quinzaine d’entreprises, telles que les deux vosgiennes Garnier Thiébaut à Gérardmer, Maille Verte des Vosges à Saint-Nabord et l'alsacienne Labonal à Dambach-la-Ville, se mettent en ordre de marche pour produire 300.000 masques par semaine.

Parmi les autres membres du cluster, une trentaine d’entreprises, parce qu’elles n’ont pas la capacité de fabriquer de manière autonome un masque, se lancent dans la création d’un masque collectif avec les forces vives et les savoir-faire de chacun. Une production de 200.000 masques hebdomadaires est lancée. Un cercle vertueux car, en plus de fournir des masques, cette production collective permet à 300 personnes de ne plus être en chômage partiel et aux 35 entreprises de stabiliser un peu leur trésorerie.

Mais le nombre n’y est pas, les demandes sont de plus en plus fortes ; Benoît Basier anticipe car il sait que les entreprises engagées reprendront le cœur de leur activité à l’issu du confinement et qu’elles ne pourront plus fournir ces masques. Il faut voir plus loin, plus grand.


Une usine de masques 100% alsaciens montée en 30 jours


Le chef d’entreprise décide le 8 avril 2020 de changer de braquet en créant avec six entrepreneurs du Pôle textile Alsace une industrie de masques : Barral, acronyme de Barrière Alsace. « En temps normal, il faut deux ans pour monter une usine », explique-t-il, « nous, on l’a fait en 30 jours en bossant de six heures du matin à minuit en non-stop ». Le 15 avril, Emmanuel Macron annonce la date de sortie du confinement pour le 11 mai. Le compte à rebours commence.

Le 16 avril 2020, l’Adira met en contact les entrepreneurs de Barral avec Mahle Behr à Rouffach. L’équipementier allemand, en plein plan social (236 postes devraient être supprimés sur 639), accepte de mettre à disposition une partie de ses locaux. Mahle Behr propose même un prêt de personnel : à compter du 5 mai, date de livraison de la première machine, 75 personnes se mettent à travailler 7 jours sur 7 en 3x8. De quoi démarrer très vite avec du personnel aux compétences pointues. Barral envisage à terme de recruter entre 35 et 40 personnes lorsqu’elle aura trouvé sa vitesse de croisière.
 

Le masque Barral est un masque grand public, de 4 grammes, de catégorie 1, homologué par la Direction Générale de l’Armement, et doté d’un niveau de filtration de 99% des particules de moins de trois microns après 50 lavages. « On a voulu un masque responsable, lavable, recyclable et local », indique Benoît Basier.

On a voulu un masque responsable, lavable, recyclable et local
- Benoît Basier, co-fondateur de Barral- 

 


Tout juste portée sur les fonts baptismaux, Barral a déjà livré 410.000 masques. Son carnet de commandes est bien rempli : 700.000 masques pour le département du Haut-Rhin, trois millions pour le Bas-Rhin. Propulsée par les commandes publiques, l’entreprise prévoit de produire 4 millions de masques par semaine d’ici à la fin juillet.
 


La deuxième vague de masques sera alsacienne


Le conseil départemental du Bas-Rhin a reçu 60.000 masques issus de la filière alsacienne le 13 mai 2020, puis 180.000 le 18 mai 2020. Les livraisons vont peu à peu monter en puissance, en fonction de la capacité de production de Barral afin d’atteindre l’objectif des trois millions de masques offerts par la collectivité.

Un masque lavable résiste le temps d’une cinquantaine de passages en machine. Reste à savoir qui achètera les suivants si l’épidémie se poursuit encore longtemps. Du côté de Barral, on ne s’inquiète pas. Les chiffres de la mi-mai donnés par la filière Mode et Luxe (CFS) parlent d’eux-mêmes : aujourd’hui, les entreprises françaises sont en capacité de produire 6,3 millions de masques par jour alors que la demande quotidienne est estimée à 85 millions de masques.
 




 
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