Alors que la France fait venir 10 millions de masques de Chine, des entreprises du Grand Est ont réorganisé en urgence leur activité pour participer à la fabrication locale de masques. Les 30.000 premiers exemplaires viennent d'être livrés. Ils présentent le gros avantage d'être lavables.

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"Dès que nous avons été sollicités, nous nous sommes mobilisés ! » : pour la responsable de cette entreprise de textile basée dans le Grand-Est, répondre à la demande formulée par la région Grand-Est et l'Etat était une évidence. D’ordinaire cette société, qui compte une petite centaine de salariés, conçoit et fabrique des textiles à destination des secteurs du luxe et du prêt-à-porter. Elle a tout de suite décidé de réorienter sa production vers la conception de masques de protection contre le coronavirus. « Nous n’avions pas arrêté la production avec le confinement. Et nous avions les matières nécessaires pour commencer la fabrication, raconte la responsable. Tout le monde a répondu présent. On a tout de suite démarré car il y avait urgence. On a même travaillé le samedi, ce que l'on ne fait pas habituellement ».
 


La gérante de cette société textile nous demande de conserver l’anonymat concernant son entreprise. Nous tairons donc son nom et même le département où elle se situe. Et pas seulement pour des raisons évidentes de sécurité, voulant éviter tout risque de vol. « Si on sait qu’on produit des masques, nous craignons de devoir avoir à gérer un afflux de sollicitations d’entreprises ou de collectivités désireuses de nous en acheter, explique la responsable. Or nous travaillons actuellement pour l’Etat donc nous n’avons pas de masques à vendre, et nous n’avons pas le temps de gérer ces demandes. »
Cette société fait partie de la dizaine d'entreprises mobilisées depuis la mise en place du confinement pour fabriquer des masques. Des sociétés sollicitées par la région Grand Est, la direction générale de l'Administration (DGA) et la préfecture qui ont entrepris de mobiliser la filière textile pour trouver au plus vite ces équipements qui font tant défaut depuis l'arrivée de l'épidémie sur le territoire. La France a même dû se résoudre à commander 10 millions de masques à la Chine pour parer à l'urgence.
Dans l'attente du démarrage de cette production locale, le président de la région, Jean Rottner, médecin-urgentiste lui-même, a lancé plusieurs appels sur les réseaux sociaux ces derniers jours pour récupérer le plus de masques possibles. En témoigne cette vidéo enregistrée dès le 21 mars, dans laquelle il annonce la commande de 5 millions de masques en Chine dans la région. Il évoque aussi le lancement de la production de masques au niveau régional.
 

Les industriels de l'ensemble de notre région, en Alsace, en Moselle, dans les Vosges, dans l'Aube, se sont mobilisés pour que nous puissions produire localement des masques. Cette production a débuté. Et va nous permettre de cibler 600.000 à 1 million toutes les semaines pour notre région. C'est une course contre la montre.

- Jean Rottner, président de la région Grand Est

Cheville ouvrière de ce réseau, le pôle textile Alsace fédère toutes les entreprises régionales du secteur. "Notre chance en Alsace, c'est de posséder 80% de la production de textile non-tissé et microfibres, explique Philippe Chican, chef d'entreprise et consultant adhérent de ce réseau. On a donc aucun mal à avoir accès à la matière première pour fabriquer des masques, elle est déjà là".

Une filière opérationnelle en 15 jours

Mais fabriquer des masques destinés à protéger la population d'un virus n'est pas une production anodine qui s'improvise. Pour autant il n'a fallu que deux semaines à ce réseau d'entreprises pour être opérationnel. Un défi au regard des différentes étapes à franchir. Il a d'abord fallu identifier les potentielles entreprises partenaires : celles qui disposent de la matière première, celles qui peuvent découper, celles qui peuvent assembler.... Plusieurs prototypes ont ensuite été réalisés. "L'aspect le plus technique était de garantir la respirabilité du masque et sa capacité de filtrage", précise Philippe Chican. Enfin le modèle retenu a dû être officiellement homologué.
 

Et déjà les premiers 30.000 masques ont été livrés ce 30 mars à l'Agence régionale de Santé en charge de leur redistribution. Des échantillons ont également été envoyés aux ministère de l'Intérieur, de la Santé et à l'Elysée. "On peut parler d'un exploit, se satisfait Philippe Chican. Mais il faut dire que beaucoup de ces entreprises avaient été contraintes d'arrêter leur activité considérée comme non-indispensables. Et ça les frustrait.... elles sont contentes de reprendre du service." Cette première commande a intégralement été financée par la région Grand Est.
 

Un masque lavable jusqu'à 80 fois

"Quitte à concevoir un produit, autant le faire bien, philosophe le représentant des entreprises locales pour détailler le masque conçu dans le Grand Est.  "Le nôtre est lavable jusqu'à 80 fois, à la machine entre 60 et 90°, il ressort déjà stérilisé. Avec ce masque, vous remplacez 50.000 modèles jetables." Le pôle textile et les concepteurs du masque voulaient en effet sortir de la logique du jetable, responsable des pénuries et néfaste sur un plan environnemental. 

Le modèle conçu en Alsace se rapproche des masques de type FFP2. Filtrant les particules jusqu'à 3 microns, il n'est pas suffisamment protecteur pour s'adresser au personnel soignant au contact direct des patients atteints de covid19. "Ce modèle est prévu pour les policiers, les pompiers, les caissiers, les associations, tous les personnes qui sont encore au contact du public. Nous travaillons à un deuxième modèle de masques destiné cette fois spécifiquement au personnel médical", précise Philippe Chican.
 

La capacité de production doit permettre de fabriquer 30.000 masques la première semaine et 150 000 dès la deuxième semaine. Une production qui devrait rapidement monter en puissance. La région Grand Est a affiché sur son site l'objectif de fabriquer sur place 500.000 masques par semaine.
 


L'exemple de Labonal

La nouvelle est tombée le 7 avril, le fabricant de chaussettes alsacien, quasi centenaire, peut fabriquer des masques en tissu à destination des personnes dites de deuxième ligne, caissières, pompiers ou encore policiers. La Direction générale de l'armement lui a donné l'agrément.
Il a fallu tout repenser, la chaîne de production pour assurer la protection des salariés mais aussi la programmation des machines. Et même demander l'expertise des étudiants de l'ENSISA (école d'ingénieurs textile et fibres de Mulhouse). Dès l'annonce du confinement, Labonal, le fabricant de chaussettes alsacien, a cessé son activité mais pas son directeur. "J'ai fait des croquis de masques, j'ai commencé à découper des chaussettes, j'ai demandé à mon responsable technique pour savoir si c'était possible de reconfigurer les machines", explique Dominique Malfait. "On a élaboré un programme pour modifier la programmation des machines et passer de la réalisation de chaussettes à celle de masques. Il a fallu  deux jours de mise au point et c'est bon, on produit 20 pièces par heure et par machine pour l'instant, c'est plus court à produire qu'une chaussette", explique André Guth, responsable technique du tricotage.
 

Marquer les esprits

Un masque tricoté donc avec un filtre à l'intérieur. Un masque lavable et réutilisable. "Pour l'élastique, comme on ne peut pas en coudre, on taille l'élastique de la chaussette selon un système qui permet d'ajuster au visage de chacun et le retour qu'on a des tests consommateurs, c'est que l'élastique est plus agréable, plus rond, plus doux qu'un masque classique", se réjouit Dominique Malfait.

Déjà 200.000 masques en commande alors que 60 à 70 % des points de vente sont fermés pour cause de coronavirus. "Au delà de l'aspect de vouloir faire quelque chose dans cette crise, il y a le volet économique bien sûr, on est une entreprise encore fragile, on a failli disparaître il y a 3 ans dans un processus de liquidation judiciaire et là, techniquement, redémarrer avec trois mois de chiffres d'affaire en moins, c'est difficile. Ces masques peuvent nous payer une partie des charges que l'on ne peut reporter, cela permet de faire le joint et puis de montrer qu'on est présent aussi. Les consommateurs oublient souvent les usines de fabricants de chaussettes français quand ils en achètent, peut être que là on marquera les esprits, et qu'on se souviendra de nous", conclut un Dominique Malfait un brin facétieux.
 
 
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