Delphine Freiss est l'une des deux doulas du Bas-Rhin. Cette profession a émergé à la fin du 20e siècle, mais dans les faits, elle remonte à la nuit des temps. Ni sage-femme ni psychologue, la doula est une "accompagnatrice à la naissance".
Le terme doula provient du grec ancien. Il désigne un métier récent, mais une fonction connue depuis l'Antiquité. Presque exclusivement féminine, cette profession a pour vocation d'accompagner et soutenir la femme enceinte, et plus largement les futurs parents et leur entourage, durant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale. Une bonne demi-douzaine de rencontres, réparties entre la période d'avant et d'après la naissance, permettent à la doula de tisser un lien de confiance, de rassurer et d'écouter. Son rôle est complémentaire à celui d'une sage-femme ou d'un psychologue, mais nullement en concurrence.
En arrivant chez de futurs parents, Delphine Freiss apporte souvent une écharpe rebozo, d'origine mexicaine, qui lui permet de proposer à la future maman un petit massage de bien-être. Ou encore des livres, ou un instrument de musique. Mais il n'est pas question d'outils, de techniques ou de chant prénatal. Il s'agit simplement d'offrir un moment apaisant. "Une doula n'intervient pas dans le domaine médical ni thérapeutique, explique Delphine. Elle apporte un soutien pour l'émotionnel et le bien-être physique."
On fait appel à une doula pour des motivations diverses
Une doula passe surtout beaucoup de temps à écouter, afin de recueillir les émotions des futurs parents et tenter de répondre le mieux possible à leurs interrogations et leurs angoisses. Delphine s'efforce d'apporter des réponses en adéquation avec "leurs véritables besoins, afin de les aider à avancer sur leur propre chemin" et devenir les parents qu'ils souhaitent être. "Mais je donne seulement les informations qu'ils recherchent, ou veulent entendre, pas plus, précise-t-elle. Je n'ai pas de programme préétabli."Certains parents font principalement appel à elle pour s'assurer d'une présence rassurante au moment de l'accouchement. "Le jour J, on est à l'hôpital avec des gens qu'on ne connaît pas, explique Marie, qui entame son 9e mois de grossesse. Or pour moi, le plus important est de me sentir en sécurité, rassurée, en confiance. Comme ça, je savais que de toute manière, il y aurait Delphine."
Alice, une autre future maman, a surtout voulu être rassurée, et voir arriver son terme le plus sereinement possible. "J'avais plein de questions, se souvient-elle, mais grâce à Delphine, assez rapidement, vers le 4e ou 5e mois, mes angoisses en vue de l'accouchement ont disparu. Pour moi, l'accouchement est un grand mystère, et une doula est une femme qui a beaucoup d'expérience. C'est vraiment un métier."
Marie a aussi aimé leurs quatre rencontres préalables, une par mois. "C'était sympa de pouvoir prendre un moment entièrement dédié à ma grossesse." Car dans le tourbillon du quotidien, son état de femme enceinte passait trop souvent au second plan. Les rendez-vous avec Delphine lui permettaient de se recentrer et "prendre du temps" pour penser au bébé qui grandissait dans son ventre.
Au futur papa, Delphine peut montrer comment masser sa compagne pour la détendre, apprendre à utiliser un tissu de portage du bébé, mais pas seulement. "Ça fait partie de la mission d'une doula de donner des pistes aux pères, leur indiquer quel rôle ils peuvent avoir pendant la grossesse et pendant l'accouchement", explique Nathanaël, futur papa, qui apprécie beaucoup "d'avoir quelqu'un qui nous explique tout ça, à nous les pères qui avons envie de participer à l'aventure."
"J'ai ressenti profondément que j'avais trouvé ma raison d'être sur terre."
Delphine Freiss était éducatrice spécialisée. Voici une bonne dizaine d'années, elle a suivi une formation approfondie de 200 heures auprès de l'association nationale Doulas de France qui lui a délivré un diplôme. La charte de l'association spécifie qu'une doula s'engage à n'accompagner que des femmes bénéficiant d'un suivi médical, et à n'assister à un accouchement qu'en présence d'un personnel médical. Depuis ses neuf années de pratique, Delphine Freiss a été acceptée dans de nombreuses maternités d'Alsace, pour accompagner les futurs parents lors de l'accouchement, et assurer une présence continue à leurs côtés. Son rôle y est principalement de déstresser le futur papa, et d'aider la maman à mieux supporter la douleur. "Je l'encourage, je l'aide à se recentrer sur le bébé qui va naître, car le plus important, c'est lui, et non pas la douleur", explique-t-elle.
Une collaboration avec les sages-femmes, pas une concurrence
Pour l'accompagnement pré- et postnatal, elle travaille avec plusieurs sages-femmes libérales, qui apprécient cette complémentarité. "Nous sages-femmes sommes axées sur le médical, rappelle Julia Vallet, l'une d'entre elles. Nous avons peu de formation en psychologie et n'abordons que peu les questions sur le fonctionnement de la famille et sur la sexualité, alors que la doula peut explorer ces sujets pour accompagner les couples dans des questions plus intimes." A côté des parents, pour le bébé
A première vue, le rôle d'une doula est surtout destiné à aider les adultes, futurs parents. Mais quand on lui pose la question, Delphine dément. Jamais elle ne perd de vue la finalité, qui est l'enfant : "Mon objectif est que chaque bébé qui vient au monde puisse être accueilli par ses parents avec tendresse et respect."Parmi les 70 doulas qui exercent en France, quatre travaillent en Alsace. Delphine est l'une des deux du Bas-Rhin, et elle accepte aussi d'intervenir en Moselle. Les personnes qui font appel à elle la rémunèrent au moyen d'un chèque emploi service universel (CESU), déductible pour moitié des impôts. Un mois avant la date prévue, elle se rend disponible 24 heures sur 24, pour pouvoir garantir sa présence à l'accouchement.
Pour l'ensemble d'un accompagnement, soit six à sept séances d'une à deux heures à domicile, avant et après la naissance, ainsi qu'une présence continue durant l'accouchement, Delphine propose un forfait net de 750 euros. Ou une rémunération à la séance, pour ceux qui préfèrent cette seconde formule. Elle exerce ce métier avec passion depuis neuf ans, mais il ne lui permet pas encore d'en vivre, et elle doit garder des activités complémentaires. "Je devrais pouvoir effectuer 24 accompagnements par an pour pouvoir gagner le smic", précise-t-elle. Or, pour l'instant, en moyenne annuelle, elle en compte cinq.