Il s'appelle Juri (prononcez "Youri"), il est dans sa deuxième année de vie et pèse 21 kg. Il a été capturé en Suisse dans le canton de Vaud. Le projet européen LIFE de réintroduction des lynx dans la forêt palatine en est à ses débuts.
L'objectif du projet Life, soutenu par l'Union européenne, c'est de relâcher 20 lynx pour établir une population stable dans la forêt palatine. Pour Sylvia Idelberger, responsable du projet Life au sein de la Fondation Natur und Umwelt Rheinland-Pfalz, il faudrait arriver à terme à une population de 45 individus dans la réserve de biosphère transfrontalière Vosges du Nord-forêt palatine (environ 3.000 km²). Juri est le dixième lynx relâché près de Kaiserslautern, à quelques dizaines de kilomètres au nord de la frontière alsacienne.
Sylvia Idelberger :
Les premiers lynx ont été relâchés le 30 juin 2016, il s'agissait de trois lynx (deux femelles et un mâle) capturés dans les Carpates en Slovaquie. Six autres lynx ont été réintroduits dans la forêt palatine en 2017 (quatre femelles et deux mâles). Depuis, l'une des femelles a donné naissance à deux jeunes lynx.C'est important d'avoir une diversité génétique.
Deux lynx morts
En début d'année, deux femelles sont mortes : l'une sans doute écrasée par un train (sa dépouille a été retrouvée le 26 février dernier par un cheminot allemand non loin de Frankenstein), l'autre a été euthanasiée le 2 février 2018 : une blessure à la patte nécessitait une amputation et rendait impossible son retour à la vie sauvage. C'est un risque connu des scientifiques en charge du projet : les animaux sauvages doivent se familiariser avec leur nouvel environnement, y compris les routes, autoroutes et voies ferrées, et quantité d'autres dangers.Juri
Juri est dans sa deuxième année de vie, il pèse 21 kg et il a été capturé en Suisse dans le canton de Vaud, puis placés en quarantaine quelques jours (c'est la procédure pour chaque animal). C'est le cinquième lynx venant de Suisse, les autres venaient de Slovaquie.Le relâcher de Juri ouvre la période des captures/relâchers de lynx pour 2018 : elle a lieu au printemps, quand les jeunes nés l'année précédente prennent leur indépendance vis-à-vis de leurs parents. Ceux-ci peuvent alors être capturés sans préjudice pour la portée.
L'objectif des scientifiques est de capturer autant de mâles que de femelles, en évitant les femelles qui portent déjà des petits (donc en évitant des captures trop tard dans la saison). Pour l'instant, aucun autre animal n'est en attente ou en quarantaine, en Suisse ou en Slovaquie. Les équipes partenaires vont procéder sans doute très prochainement à des captures, d'une part dans les Carpates (Slovaquie), et d'autre part dans le Jura Suisse et le Nord-Est de la Suisse.
Un lynx en Alsace
Les lynx n'ont pas de patrie et peuvent changer de pays s'ils le veulent et s'ils le peuvent. Ainsi Arcos, lynx suisse relâché comme les autres dans la forêt palatine le 7 mars 2017, a très vite pris le chemin du Sud, et est arrivé dans les Hautes Vosges (appellation géographique, pas départementale). Il serait actuellement proche de Gérardmer dans les Vosges (88). Mais sa zone de relevé GPS est étendue, il pourrait aussi avoir fait une incursion dans le Haut-Rhin (68), selon le relevé GPS ci-dessous.
Les autres lynx des Vosges
Un autre lynx a été identifié en Alsace : il s'agit de Bingo, un lynx mâle qui se trouve dans les Vosges du Sud. Il était avant dans le Jura français et il est parti plus au Nord. Arcos et Bingo sont régulièrement identifiés et localisés par les chercheurs. Arcos porte toujours son collier GPS, et des pièges photographiques sont ponctuellement mis en place. Il y a sans doute encore d'autres lynx dans le massif vosgien, mais les indices collectés sont rares et les animaux n'ont pas encore pu être identifiés.Un certain Van Gogh (prénommé ainsi parce qu'il a l'oreille droite coupée) a été localisé dans les Vosges moyennes en 2013. Les chercheurs ignorent s'il est encore vivant.
Pour aider les équipes du Life, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et le Centre de recherche et d'observation sur les carnivores (CROC) apportent un soutien technique, depuis qu'Arcos est sur le sol français. C'est un suivi complémentaire : les chercheurs du CROC peuvent avoir recours à la télémétrie en cas de défaillance du signal GPS d'Arcos, pour donner des éléments de localisation aux allemands.
Ils donnent aussi d'importantes informations sur les proies qu'il consomme : si le lynx revient plusieurs fois par jour au même endroit, les scientifiques en déduisent qu'il a tué une proie et revient plusieurs fois se nourrir. Ils vont plus tard en forêt pour essayer de localiser la carcasse et vérifier cette information.