Ivan est le seul éleveur de chèvres de la Pointe de Givet dans les Ardennes. Installé depuis quatre ans, en contrebas de la citadelle, il a réalisé son rêve en changeant de métier à 40 ans. Un homme heureux au cœur de son cheptel de 70 animaux. Rencontre Complètement à l'Est.
Ce jour-là, à Givet, dans le nord des Ardennes, la bergerie bruisse des cris des chevreaux nés il y a quelques heures à peine. Ivan Viet est heureux. Ses chèvres mettent bas sous le soleil particulièrement généreux de ce mois de février 2019. Dès notre arrivée, l’homme nous interpelle le sourire aux lèvres : « Un petit est né il y a dix minutes à peine. Regardez, il est encore tout mouillé ». Dans la bergerie en contrebas de la citadelle de Charlemont, les nouveaux-nés sont nichés auprès de leur mère sur le foin propre et prennent les premières tétées. « Nous tentons l’expérience cette année en laissant les petits auprès de leur mère la première semaine. On n’aura pas de lait pour les fromages mais pour les animaux, c’est mieux. »
Ivan est aux petits soins pour son cheptel, 42 chèvres et 26 moutons, sans compter les dernières naissances. L’envie de devenir éleveur est ancienne mais rien ne le prédestinait à franchir le cap. Responsable paie chez Electrolux à Charleville-Mézières jusqu’à 40 ans, il décide de changer de vie quand un plan social le contraint à penser son avenir professionnel différemment. « Je disais toujours que je finirais éleveur de chèvres. Finalement, je l’ai fait. Je suis reparti sur les bancs de l’école pendant un an pour apprendre le métier. J’ai commencé avec trois chèvres et maintenant, je suis à l’équilibre. »
Un changement de vie
A l’équilibre mais pas dans l’opulence pour autant. « Pour l’instant, je ne me suis pas versé de salaire. Mais cette année, j’ai bon espoir de pouvoir me payer quelques centaines d’euros.
Eleveur de chèvres, c’est pas un métier de riche mais c’est un métier riche.
- Ivan, éleveur à Givet
En changeant de vie professionnelle, Ivan a changé de vie tout court. Désormais, il se lève trois jours par semaine à 4 heures du matin pour traire ses animaux, produire ses fromages puis les vendre sur les marchés du coin. Les journées s’achèvent vers 23 heures. Un travail de dingue qu’il ne regrette pas. « Les circuits-courts, c’est la clé de la réussite. Ca et la qualité évidemment. Les clients sont contents et moi aussi. Je ne vois plus ma vie autrement ».
Les "tondeuses" de la Citadelle
Installé sur ce bout de terre française enclavée au cœur de la Belgique, il a été bien accepté. « Les agriculteurs ont été sympas avec moi quand je me suis installé. Je suis le seul éleveur de chèvres. L’avantage, c’est que je n’ai pas de concurrence », avance-t-il. « L’inconvénient, c’est que je galère pour me fournir en matières premières et en matériel professionnel. Il n’y pas de filière chevrière ici autour de Givet. » Quant à la Belgique toute proche, difficile d’en tirer bénéfice. « Je n’ai pas le droit de vendre mes fromages autrement que sur les quelques marchés artisanaux de la frontière. Donc, j’écoule l’essentiel de ma production ici en France, chez les restaurateurs ou sur les marchés».La douceur de cette fin d’hiver le met de bonne humeur. Il se régale déjà à l’idée d’aller pâturer sur les hauteurs dans quelques semaines. « Mes chèvres vont bientôt reprendre le chemin de la citadelle. Elles tondent la pelouse autour des fortifications. Ça arrange tout le monde ! Et puis, c’est pas banal comme lieu de travail». Comme une évidence…