Dans le Grand Est, quatre départements sont considérés comme des déserts médicaux en ophtalmologie. Dans les Ardennes, la Haute-Marne, la Meuse et les Vosges, les cabinets ne peuvent pas accepter de nouveaux patients selon une étude publiée ce lundi 08 juin.
Trois jours, trois mois, six mois avant un rendez-vous. Voire pas de rendez-vous du tout. Dans le Grand Est, l'accès à un ophtalmologiste est inégal selon les départements, d'après une étude du Guide Santé publiée lundi 08 juin 2020.
La situation parait critique dans les Ardennes, la Haute-Marne, la Meuse et les Vosges. Il serait impossible de trouver un rendez-vous chez un ophtalmo, car les cabinets ne prendraient pas de nouveaux patients. Ces quatre territoires sont considérés comme des déserts médicaux.
Répartition inégale
Ailleurs dans le Grand Est, le délai moyen pour un rendez-vous varie de trois jours dans la Marne, à 156 jours, plus de cinq mois, en Moselle. Dans la Marne, ce très bon score est à relativiser car seul un cabinet sur 39 accepte des nouveaux patients. Et le temps d'attente moyen du département n'a pu être calculé que dans ce cabinet.
Une situation qui s'explique par la répartition inégale des cabinets sur le territoire. Dans le Bas-Rhin, il y a 12,3 cabinets pour 100.000 habitants. C'est trois fois plus que dans les Vosges, les Ardennes ou la Meuse, où l'on compte moins de 4 cabinets pour 100.000 habitants. Cela explique les difficultés d'obtenir un rendez-vous dans ces territoires.
Déserts médicaux
D'après l'enquête, le délai moyen d'attente est de 63 jours au niveau national, ce qui reste acceptable. Mais les écarts sont très importants selon les départements ou les villes. "Il faut peut-être réguler pour éviter une trop grande concentration de praticiens dans les villes", suggère Jean-Pascal Del Bano, co-fondateur du Guide Santé,. Et il faut absolument augmenter le numerus clausus pour former plus d'ophtalmos."
Même au sein du département le mieux loti, les disparités locales sont importantes. Strasbourg concentre plus de la moitié des cabinets d’ophtalmologie du Bas-Rhin (71 sur 135). Dix-neuf cabinets prennent de nouveaux patients, avec un délai moyen de 64 jours. "A l'opposé, les villes de Brumath, Ostwald ou Hochfelden ne possèdent qu’un cabinet d’ophtalmologie chacune et aucun n’accepte de nouveaux patients. A Molsheim, un seul cabinet sur les deux présents dans le département accepte une nouvelle patientèle mais il faut attendre presqu'un an (336 jours) avant l’obtention d’un premier rendez-vous", précise l'étude.
"Il n'existe pas de mesures incitatives pour les ophtalmos comme il existe pour d'autres spécialistes", regrette le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). "Aujourd'hui, nous tentons de développer des cabinets secondaires, avec le médecin en présence partielle, en collaboration avec des orthoptistes."
De plus en plus de pathologies
L'attente importante dans les cabinets ophtalmos n'est pas un phénomène nouveau. "Cela fait plusieurs années que l'on constate cette situation", confirme Jean-Pascal Del Bano. "Ça devient préoccupant et ça a tendance à se dégrader avec le temps." Un constat que ne partage pas Thierry Bour: "Les délais d'attente sont passés de 100 à 60 jours entre 2014 et aujourd'hui."
D'après le Snof, 160 ophtalmos sont formés chaque année, c'est trois fois plus qu'avant. "Il faudrait en former 200 annuellement", admet Thierry Bour.
Les cabinets sont engorgés. Les besoins d'accès à un ophtalmologue sont de plus en plus importants dans la population. "La recrudescence des myopies et presbyties, ainsi que le vieillissement de la population, font que la demande augmente", explique Jean-Pascal Del Bano. Avec l'âge, les pathologies oculaires comme la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge), le glaucome ou la cataracte sont plus fréquents.
Pourtant, le nombre de praticiens est en légère augmentation. Ils sont environ 5.800 aujourd'hui. La situation pourrait bien s'améliorer à l'horizon 2023. "Le nombre de départ en retraite va chuter, passant de 200-250 par an, à 150 environ," affirme le Dr Thierry Bour. Selon le syndicat, 1.100 ophtalmos travaillent aujourd'hui dans le cas d'un cumul emploi-retraite, c'est-à-dire qu'ils continuent à exercer au-delà de 65 ans, généralement à temps partiel.
Méthode de l'étude du Guide Santé
L'enquête du Guide Santé a été menée du 4 au 25 mai 2020. Des "patients mystères" ont contacté l'ensemble des 4721 ophtalmologues convetionnés en exercice en France métropolitaine. Trois demandes de rendez-vous pour un nouveau patient ont été formulées pour chaque cabinet.Soit il a été impossible de prendre un seul rendez-vous, soit le délai d'attente a été calculé en faisant la moyenne des trois premiers rendez-vous disponibles proposés par le ou les cabinet(s).
Le président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), le docteur Thierry Bour, est étonné par les résultats. "L'enquête a été réalisée pendant un contexte particulier, après le confinement. Tout est bouleversé depuis le début de la crise sanitaire, explique le docteur Thierry Bour. J'ai beaucoup de créneau disponible en ce moment dans mon cabinet, on reçoit moins d'appels que d'habitude."