Amazon ou pas Amazon au final en Alsace? Théoriquement non, mais peut-être quand-même? C'est un feuilleton dans lequel les annonces d'installation et de non-installation dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin se succèdent. Un projet de plateforme est validé depuis le 4 décembre, mais pour qui?
Les annonces d'installation, puis de non installation d'Amazon en Alsace se succèdent depuis le printemps 2019. La plateforme de e-commerce était d'abord annoncée à Dambach-la-Ville, dans le Bas-Rhin, puis à Ensisheim, dans le Haut-Rhin. Dambach a été abandonnée, mais à Ensisheim, malgré la levée de boucliers des opposants au projet le projet de plateforme de 190 000 m² a été validé par le Coderst (conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques) mercredi le 3 décembre 2020. Dès le lendemain, le préfet du Haut-Rhin, Louis Laugier a pris l'arrêté préfectoral qui a validé le permis de construire, accordé par le maire de la ville, Michel Habig. Mais si ce n'est pas pour Amazon, qui va s'installer sur les 190 000 m²?
Amazon ou sinon qui d'autre ?
Le jeudi 5 novembre 2020, le directeur France d'Amazon, Frédéric Duval, a publiquement confirmé qu’aucun site ne serait créé en Alsace. Mais faut-il le croire? Y aurait-il anguille sous roche? Et si ce n'est pas Amazon, qui cela pourrait-il être ? En Alsace, on s'interroge. Le président de la chambre des métiers d'Alsace, Jean-Luc Hoffmann dit subir les événements comme tout le monde, mais pour lui une chose est sûre, si c'était les artisans alsaciens, ils ne feraient tous ces mystères. "Ce ne sont pas des pratiques propre aux artisans d’avancer masqués. Nous on a des projets qui répondent aux besoins des territoires. Lorsqu'on avance masqué, c’est qu'on a des choses à cacher. Pour l'heure je ne sais pas qui va s'installer. Je n'ai pas de retour du décompte des voix pour savoir qui a voté pour ou contre, ce qui permettrait de comprendre à demi-mots, qui pourrait s'implanter. Tout le monde pense à une plateforme de e-commerce (entrepôt de stockage pour du commerce en ligne) et si ce n'est pas Amazon, ce sera un autre mastodonte, mais qui avance masqué."Contacté par France 3 Alsace, ce mercredi matin 9 décembre, la directrice conseil de l'agence de communication de la plateforme de commerce en ligne américaine, insiste : " Le directeur général France d'Amazon l'a répété plusieurs fois, nous n'avons pas de projet d'implantation en Alsace." Chez nos confrères de France info, le dirigeant est ferme sur une implantation à Ensisheim : "On n’a pas de projet là-bas". Et il met en avant deux implantations confirmées : "Pour l’instant, ce que je peux vous dire, c’est qu’il y aura un site à Metz et un site à Quimper".
"Pas de projet en Alsace peut-être" dit sans détour le secrétaire d'Alsace Nature du Haut-Rhin, Joseph Baumann "mais ça ne veut pas dire qu'Amazon ne s'y installera pas. Aujourd'hui, ils sont en mode exploratoire, mais rien n'empêche Eurovia 16 de leur louer, dans quinze mois, un dépôt clé en main, qui correspondra parfaitement à leurs besoins et cahier de charges." Un dépôt installé à côté d'une autoroute, de l'aéroport Bâle-Mulhouse, à côté de l'Allemagne et de la Suisse."
Une plateforme de 190 000 m², un désastre pour les petits commerçants et artisans ?
C'est la société Eurovia 16 Project, basée entre Paris et le Luxembourg et pilotée par l'homme d'affaires Emmanuel Mercier, qui a eu l'autorisation par arrêté préfectoral d'exploiter un entrepôt logistique à Ensisheim. Pour Michel Habig, maire (LR) d'Ensisheim, contacté par France 3 Alsace ce mercredi 9 décembre : "L'essentiel, ce sont les emplois qui vont être créés, grâce à cette plateforme. Je ne fais pas de délit de faciès" avance l'élu de la commune haut-rhinoise de 7500 habitants. "Six cents emplois doivent voir le jour grâce à cet entrepôt. C'est ce que je souhaite et c'est ce que souhaite la population. Alors que ce soit Amazon, Ali Baba ou CDiscount...Actuellement avec la pandémie et les confinements, tout le monde veut créer des plateformes de commerces en ligne."De son côté, le président de la chambre des métiers d'Alsace s'étonne de choix antagonistes : "Depuis des mois, le gouvernement fait des pieds et des mains pour aider les petits commerçants des centres villes à résister à la crise," poursuit Jean-Luc Hoffmann "tout le monde dit qu'il faut aller dans les petits commerces pour leur permettre de survivre et d’un autre côté, on autorise ce genre de gros projet. Forcément ce site va détruire les petites enseignes et rendre les centres villes encore plus tristes. Ça va déstabiliser la manière de consommer et de commercer. Je ne doute pas qu’il faut une part de e-commerce, mais il faut trouver une juste part des choses."
Impact environnemental : l'équivalent de 28 terrains de foot, côte à côte
"Sur le plan environnemental, les habitants d'Ensisheim pensent être loin de ce site " analyse Joseph Baumann d'Alsace Nature, "ils croient qu'ils n'en souffriront pas. Mais ce sera une concentration incroyable de déplacements de camions, ça génèrera énormément de trafic et de pollution. Le premier critère de ce type de plateforme, c’est la livraison en 24 ou 48 heures, donc ils seront sur la route 24 heures sur 24 , 7 jours sur 7. Sans compter l'augmentation du fret aérien à Bâle-Mulhouse, qui se fait principalement entre 22h30 et 6 heures du matin. Et ces avions ne sont pas les plus propres et les plus silencieux en général.""L’intérêt de l’Alsace, c’est la proximité avec l’Allemagne et la Suisse"
"Par ailleurs, le directeur d'Amazon, parle d'un projet à Metz et à Quimper, mais il oublie d'évoquer Fontaine" précise Joseph Baumann, secrétaire d'Alsace Nature, Haut-Rhin, "Fontaine, situé en limite immédiate avec le Haut-Rhin, en direction de Belfort. Sur ce site, une zone d'activité commerciale, Amazon a un double projet de dépôt de stockage et un projet de distribution. Il sera approvisionné par l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Tous les transporteurs qui ne veulent pas payer le péage de Fontaine traverseront le Sundgau pour aller et venir entre ce site et l’aéroport."
Les trois cents observations faites par les opposants au projet, le public, les associations, n’auront servi à rien. Ces terres, riches en limon et en argile, ont appartenu autrefois à un agriculteur, décédé depuis. Elles ont longtemps été en maraîchage, puis devenues champs de maïs. La modification du PLU (Plan local d'urbanisme) intercommunal a permis de reclasser les parcelles, jusque-là terres agricoles, en zone d'activité économique.