Colmar : l'Inrae inscrit quatre nouvelles variétés de vignes résistantes au mildiou, moins de pesticides nécessaires

Depuis le début des années 2000, des recherches sont menées par l'antenne de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) à Colmar (Haut-Rhin). Pour développer des variétés de vigne résistantes au mildiou, qui nécessitent moins de pesticides.

Développer de nouvelles variétés de vigne pour préparer la transition écologique de la viticulture. C'est la mission que s'est donnée, à Colmar (Haut-Rhin), l'antenne locale de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae, voir sur la carte ci-dessous). Les recherches, entamées en 2000, ont permis l'inscription officielle de quatre nouvelles variétés en 2018.

Depuis leur inscription, on en plante à peu près 300 à 500 hectares par an en France (sur les 800.000 en tout dans le pays). Leur intérêt : une résistance naturelle au mildiou et à l'oïdium, deux champignons bien connus en viticulture, car capables de décimer la production d'un vignoble (et les vignes avec). Le recours aux pesticides devient donc négligeable.
 


Christophe Schneider est responsable de la partie innovation dans ce vaste projet ayant pour thème la santé de la vigne et la qualité du vin. Il a communiqué à France 3 Alsace le résultat des recherches menées par l'Inrae (à et en dehors de Colmar) avec l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) et les chambres d'agriculture.
 

Un procédé 100% naturel

"On utilise vitis vinifera [vigne commune; ndlr] croisée avec une vigne américaine ou asiatique, qui a des gènes naturels pour se défendre contre le mildiou. La nouvelle variété hérite de ces gènes par hybridation. Ce n'est pas un OGM, c'est naturel : on facilite juste le processus. L'intérêt est de réduire de 80 à 90% l'utilisation d'intrants phytosanitaires - ou pesticides, plus spécifiquement les fongicides. En France, il y a six à huit passages par an en moyenne, avec généralement deux traitements fongicides différents utilisés par passage. Cela représente douze à seize traitements par an."

"Sur ces nouvelles variétés, on peut se contenter de deux passages annuels, soit deux à quatre traitements." Il n'est pas possible - pour le moment - de se passer totalement de pesticides : le black rot (littéralement pourriture noire) continue à toucher les vignes. La lutte contre cet autre champignon est l'une des priorités dans le développement des autres variétés à venir, déjà en cours depuis un moment. La résistance à la sécheresse est aussi prise en compte, ainsi que la précocité ou non. Ce dernier facteur permettrait d'en planter dans des zones peu viticoles, à l'image du Nord-Pas-de-Calais par exemple.

La durée de vie de la vigne en serait augmentée. Et moins de pesticides, c'est une bonne nouvelle à une époque où ils n'ont plus bonne presse. "Ce travail a été engagé il y a une vingtaine d'années. En 2000, le secteur ne s'interrogeait pas beaucoup à ce sujet. C'est le rôle de l'Inrae d'anticiper les besoins." Et créer de nouvelles variétés de plantes ne date pas d'hier. "C'est déjà le cas avec le blé, les pommes, ou les fleurs par exemple." Mais un peu moins dans le milieu viticole, il est vrai.
 

 

Des règles contraignantes

La législation joue un rôle là-dedans. Les 800.000 hectares de vignobles français se divisent en trois catégories : les vins sans indication géographique (VSIG, de table ou de France), avec indication géographique protégée (IGP, de pays), avec appellation d'origine protégée (on parle d'AOP). Cette dernière catégorie représente 450.000 hectares. Et en Alsace, tous les vignobles sont de la troisième catégorie.

Or, les règles françaises et européennes indiquent que les vins AOP doivent être issus de l'espèce vitis vinifera (la vigne la plus commune). Les vins des première et deuxième catégories peuvent, eux, être issus d'un croisement entre vitis vinifera et une autre. "Selon cette règlementation, aucun vignoble en Alsace n'est éligible." En tout cas, "sans devoir sortir de l'AOP, ce qui implique une valorisation moindre". Paradoxal, alors que les raisins qui en seront issus n'auront pas été gorgés de pesticides. Ce sera donc au monde du vin de faire pression pour faire évoluer la législation. 

Nouveaux noms pour un nouvel avenir

Nommer une nouvelle variété destinée à révolutionner l'agriculture viticole de demain, ce n'est pas une mince affaire. "On a réuni un comité d'experts, et d'expertes, qui a travaillé un an sur le nom de nos nouvelles variétés. Il fallait respecter beaucoup de règles : ne pas faire référence à des régions géographiques, ni à des variétés déjà existantes. On partait de zéro."

Résultat : bienvenue à Artaban, Floreal, Vidoc, et Voltis. Ça sonne un peu mousquetaire... "Il fallait si possible rendre compte de la particularité de ces variétés. On a voulu faire écho à leur résistance naturelle." Pour maximiser durabilité et robustesse à l'issue du croisement, des vignes disposant d'au moins deux gènes de résistance ont été sélectionnées. La résistance est dite "polygénique" : il y aurait eu moins de stabilité avec un seul gène.
 


D'ici 2025, dix autres nouvelles variétés devraient faire l'objet d'une inscription officielle. Comme les quatre variétés inscrites en 2018, elles ont vocation à être plantées partout, de la vallée de la Loire au Bordelais par exemple. Mais il y aura encore d'autres variétés en 2030 : des vignobles se sont rapprochés de l'Inrae pour obtenir des variétés plus locales, adaptées à leurs terroirs. L'institut a posé les bases : à la profession de prendre le relais.
 

 

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