"C'est la fin de la viticulture familiale" : des vignerons dénoncent la progression des investisseurs dans les vignobles du Jura

Ils tirent la sonnette d'alarme. La Confédération Paysanne et le syndicat vigneron Sud Revermont ont organisé une manifestation ce jeudi 25 juillet 2024. Ils dénoncent une concentration des terres viticoles aux mains d'investisseurs.

La colère gronde chez les vignerons jurassiens. À 7h30 du matin, jeudi 25 juillet 2024, ils étaient une quarantaine de membres de la Confédération Paysanne et du syndicat vigneron Sud Revermont à manifester devant la maison de l'agriculture du Jura, à Champagnole. La raison de ce mécontentement : le rachat d'une surface de vigne par un vigneron soupçonné par les manifestants d'accumuler des terres pour pouvoir ensuite les revendre à un investisseur.

Pour moi, c'est un cas emblématique de concentration. On a affaire à quelqu'un qui concentre énormément de surface pour constituer un patrimoine le plus élevé possible. Il est clairement dans une stratégie de faire une opération financière importante avec un investisseur bourguignon.

Steeve Gormally, porte parole de la Confédération Paysane

Pour le porte-parole de la Confédération Paysanne, ce genre d'opérations tend à se multiplier et fragilise grandement un autre modèle viticole, plus petit, plus familial. "C'est la fin de la viticulture familiale jurassienne. Là, on passe sur un modèle économique plus rentable qui cherche à s'agrandir. C'est une industrialisation", analyse Steeve Gormally. Et d'ajouter : "C'est destructeur pour l'avenir de la vigne".

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Des discussions insatisfaisantes avec la chambre d'agriculture

Lorsque l'affaire a été connue par les vignerons trois semaines auparavant, ils ont contacté la Safer  (Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural) de Bourgogne-Franche-Comté. "La Safer est systématiquement informé par un notaire quand il y a une vente de terre agricole", précise le vigneron.

La Safer peut acheter prioritairement le bien en lieu et place de l'acquéreur initial. Le but : revendre à un autre attributaire, choisi par la commission locale de la Safer, dont le projet répond mieux aux enjeux d'aménagement locaux. "On a demandé à la Safer d'intervenir pour voir si la personne en train d'acheter était bien prioritaire sur cette vente", raconte Steeve. 

Le syndicat Sud Revermont a également rédigé une pétition. Finalement, ce sont la FDSEA, syndicat agricole, et la chambre de l'agriculture qui se sont opposées à la révision de cette vente. 

Après la manifestation de ce jeudi, les vignerons ont été reçus en fin de matinée par la chambre d'agriculture. Mais ces discussions ont laissé le porte-parole de la Confédération Paysanne insatisfait : "Pour nous, ils ont joué un jeu contre les vignerons du Jura".

Selon lui, ce conflit vient d'une forme de laisser-aller : "Contrairement au comté, il n'y a pas de règles très définies dans la viticulture". Pour lui, cette décision témoigne aussi d'une forme d'ignorance des enjeux du monde viticole. "Ils ont été dans l'application d'une doctrine de non-préemption alors que pour nous, c'est un cas particulier".

40 % du vignoble jurassien est détenu par des investisseurs

Steeve craint que les domaines jurassiens ne subissent le même sort que les domaines bourguignons. "En Bourgogne, la plupart des vignes n'appartiennent plus aux gens qui les travaillent, mais aux investisseurs". Le Jura compte 200 hectares de vignobles, ce qui est relativement peu pour un département. Selon le vigneron, "il y aurait déjà 40 % du vignoble qui appartiendrait aux investisseurs". Le rachat du célèbre domaine Ganevat en août 2021 par un homme d'affaires Russe, Alexander Pumpyansky avait fait grand bruit.

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On considère que les vignes sont l'outil de travail des paysans et qu'ils doivent rester maîtres de ces terres. 

Steeve Gormally, porte-parole de la Confédération Paysanne

Alors qu'il ne venait pas d'un milieu viticole, Steeve a pu acheter son domaine en 2008 à un prix relativement bas. Avec la multiplication de ces rachats par des investisseurs, le vigneron craint que ce milieu devienne inaccessible à une jeunesse qui souhaiterait se lancer. "Aujourd'hui, cette logique de financiarisation casse toute initiative"

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