Procès en appel de Jean-Marc Reiser : "Sophie Le Tan était une personne-ressource de la famille"

Pour le deuxième jour du procès en appel de Jean-Marc Reiser ce mercredi 21 juin 2023, plusieurs anciennes compagnes de l'accusé ont témoigné à la barre. Des proches de Sophie Le Tan, tuée le jour de ses 20 ans, ont conclu la journée.

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Deuxième jour d'audience ce mercredi 21 juin 2023 à la cour d'assises du Haut-Rhin de Colmar. Reconnu coupable de l'assassinat de la jeune Sophie Le Tan en juillet 2022 par la cour d'assises du Bas-Rhin, Jean-Marc Reiser a écouté plusieurs femmes qui ont partagé sa vie par le passé.

Lors du premier jour de ce procès en appel, Jean-Marc Reiser n'avait pas bougé d'un iota sur sa position : il nie toujours avoir eu l'intention de donner la mort à Sophie Le Tan, cette jeune étudiante en économie-gestion, le 7 septembre 2018 à Schiltigheim (Bas-Rhin). 

Ce qu'il faut retenir de cette deuxième journée

Plusieurs anciennes compagnes et maîtresses de Jean-Marc Reiser se sont succédé à la barre. Toutes disent avoir été victimes de violences verbales et physiques de la part de l'accusé, qui pouvait entrer dans une colère monstre quand il était contrarié. Dans la chaleur de la salle d'audience, les témoins disent toutes en avoir assez de devoir témoigner depuis des années pour leurs liens avec Reiser, que ce soit dans le cadre de l'affaire Le Tan ou d'autres.

En fin de journée, la personnalité de Sophie Le Tan, tuée le 7 septembre 2018 par Jean-Marc Reiser, a été décrite. La joie de vivre de la jeune femme et sa gentillesse ont été soulignées par tous. Personne, dans l'enquête de personnalité, n'a dit du mal de l'étudiante. La journée s'est terminée par l'émotion d'Antoine, qui avait avoué ses sentiments à Sophie quelques jours avant sa disparition. De nature méfiante, elle voulait prendre le temps avant de s'engager avec lui.

Cet article a été publié sous la forme d'un direct au fil de la journée. Retrouvez notre couverture en détail ci-dessous.

18h30 : L'audience est terminée pour aujourd'hui. Plusieurs enquêteurs sont attendus pour la journée du 22 juin.

17h43 : Antoine, un jeune homme qui avait flirté avec Sophie pendant l'été 2018, s'approche à la barre. "On s'est rencontré en février par le biais d'un ami qui célébrait son pacs à Toulouse. J'ai vu chez elle beauté de timidité mais aussi de la gentillesse. C'était quelqu'un de très serviable."

L'homme de 31 ans explique que Sophie et lui se sont rapprochés en juillet. "J'ai découvert une personne qui était pleine de vie, avec qui on pouvait rire très facilement", explique-t-il avant un long silence empli d'émotion. "Au fil du temps, je me suis vraiment attaché à elle. Fin août, lors d'une balade, je lui ai clairement dit ce que je ressentais. On a continué à se voir mais elle m'a toujours dit qu'elle voulait prendre son temps. Et je le respectais."

J'ai compris que quelque chose de grave se passait.

Antoine

Le 5 septembre, date à laquelle Antoine a vu Sophie la dernière fois, le jeune homme lui dit : "On prendra le temps qu'il faudra." Ce sont les derniers mots qu'il adresse de vive voix à l'étudiante. Trois jours plus tard, tôt le matin, il souhaite à Sophie un joyeux anniversaire. "Elle me répond à 8h02. Je renvoie un message à 10h lors de ma pause. Je n'ai jamais eu de réponse."

Le soir, il reçoit un appel d'un ami lui disant que personne n'a de nouvelles de Sophie depuis le matin. "C’est là que j'ai compris que quelque chose de grave se passait. Ça ne pouvait pas être une fuite, ou autre. Les jours qui ont suivi ont été très compliqués. Et que dire des mois après..."

"Il y a toujours eu ce 0,1% où je me disais 'Ça serait chouette si on pouvait la retrouver'. C'était une période très dure pour me reconstruire. Il aura fallu attendre le confinement pour que je me retrouve avec moi-même. Aujourd'hui, je vais mieux", ajoute-t-il avec une forte émotion.

17h36 : Lucie (prénom modifié), 24 ans, était une amie de Sophie. "On était très proches elle et moi. Il y avait beaucoup de trous dans nos emplois du temps à la fac. On allait à la bibliothèque, en ville, on allait faire du sport..."

La jeune femme décrit Sophie comme quelqu'un de "très discrète, bienveillante, quelqu'un sur qui on pouvait compter". "Elle aurait aimé vivre plus longtemps", témoigne-t-elle en reprenant son souffle.

Je n'imagine pas ce que la famille vit aujourd'hui.

Lucie

"C'était une personne très réfléchie. C'était elle qui raisonnait notre groupe d'amis. Elle voulait réussir dans ses études. Les distractions, ça ne l'intéressait pas", continue-t-elle la voix nouée.

"J'ai accepté de faire le deuil de Sophie. Je pense régulièrement à elle. Le fait de se replonger dans tout un procès... Je n'imagine pas ce que la famille vit aujourd'hui", termine Lucie.  Dans son box, Jean-Marc Reiser ne bronche pas.

17h25 : "Si elle se rend quelque part, c'est qu'elle l'a réfléchi, mûri. Elle n'ira pas sonner à une sonnette, comme ça, dans la rue", continue Delphine Balleroy.

Sur la personnalité de Sophie Le Tan, Jean-Marc Reiser indique n'avoir aucune question, lui qui a toujours commenté les témoignages depuis le début de ce procès.

17h21 : "Responsable, discrète, fidèle en amitié... Voici les mots qui ressortent du portrait de Sophie Le Tan. C'était une jeune femme qui profitait de la vie, qui construisait son avenir, ambitieuse, qui savait prendre ses responsabilités et qui ne se reposait pas sur les autres."

"Sophie était généreuse, parfois naïve, fiable et généreuse en amitié. C'était une personne-ressource de la famille, notamment au niveau des démarches administratives", conclut Delphine Balleroy. Elle précise que la naïveté mentionnée n'empêche pas la méfiance de Sophie au moment de prendre un rendez-vous. "Elle avait juste tendance à croire ses amis qui leur racontaient une histoire farfelue. C'est plutôt dans ce sens", précise l'enquêtrice de personnalité.

17h14 : La lecture de l'enquête de personnalité se poursuit. Les amis de Sophie parlent de quelqu'un de fidèle, à qui il faut du temps pour accorder sa confiance.

Un ancien flirt de Sophie décrit quelqu'un de d'abord réservé, qui ne va pas d'emblée vers les gens. Sophie était quelqu'un de méfiant, qui ne comprend pas pourquoi un jeune homme la contacte sur les réseaux sociaux. "En août, elle me propose de courir avec elle. Nous nous sommes vus plusieurs fois. La dernière semaine d'août, je lui ai dit ce que je ressentais pour elle et elle aussi. Elle m'a répondu qu'il lui fallait du temps pour gagner ma confiance. Notre différence d'âge de six ans l’empêchait de s'engager avec moi", témoigne-t-il à l'enquêtrice.

17h05 : C'est au tour de Delphine Balleroy, enquêtrice de personnalité, de se présenter à la barre. Elle a effectué une enquête de la personnalité de Sophie Le Tan, tuée le 7 septembre 2018 dans l'appartemment du 1 rue Perle, à Schiltigheim.

Le père de Sophie arrive en France en 1988, fuyant le régime communiste au Vietnam. Sa mère arrive en 1996. Le couple aura trois enfants, dont Sophie, née en 1998. "Je prends soin de mes enfants, même si je n'ai pas les moyens", lui expliquait le père. Sophie voulait travailler dans l'hôtellerie et avait engagé ses études dans ce sens. C'est pour cela aussi qu'elle travaillait en tant que réceptionniste dans un hôtel, de nuit.

"Elle était mature, ouverte d'esprit. Je pouvais lui parler de tout", témoignait sa sœur auprès de l'enquêtrice de personnalité. Sophie faisait souvent office d'interprète auprès de ses parents, qui ne comprenait pas toujours le français.

"Sophie était indépendante. Elle ne voulait pas qu'on s'inquiète pour elle. C'est aussi pour cela qu'elle s'occupait seule des visites d'appartements à Strasbourg, ville que nous connaissions mal avec sa mère", lui expliquait le père de l'étudiante.

16h33 : La valise verte utilisée à l'été 2018 pour des vacances en Bretagne est évoquée par la présidente. "C'était la mienne. Il ne me semble pas que je les utilisais pour la première fois. Je l'avais à la cave, je ne l'utilisais pas pour partir deux-trois jours", répond l'accusé.

16h02 : Le ton monte entre les avocats. Thomas Steinmetz, conseil de Jean-Marc Reiser, indique que Sophie Le Tan a fait le mercredi 5 septembre une recherche sur Google Maps du 54, route de Bischwiller à Schiltigheim, non loin de la rue Perle, où se trouve l'appartement de Reiser. 

Cette recherche a eu lieu le lendemain de l'appel de Reiser à Marie dans lequel il la prévient qu'il ne sera pas là le vendredi 7 au soir. "Trouvez-vous normal que M. Reiser vous prévienne qu'il a un rendez-vous qui n'a pas encore été planifié ?".

En face, Gérard Welzer sort de ses gonds. Lui et la présidente lui font remarquer que Sophie Le Tan et Jean-Marc Reiser avaient eu un appel téléphonique de six minutes le mardi 4, avant le fameux appel de Reiser à Marie. "Qu'avez-vous dit à Sophie lors de cet appel, M. Reiser ?". La présidente l'interrompt : "La question lui sera posée en temps voulu."

Concernant l'appel dans lequel Reiser indique à Marie son absence le vendredi soir, l'accusé assure lui avoir annoncé la nouvelle le mercredi ou le jeudi et chez elle. "L'appel du mardi, c'est juste que je prenais des nouvelles, comme tous les mardis soir. Si les policiers avaient fait des vérifications des mois en arrière, ils l'auraient vu."

"Des témoignages de violences faites aux femmes remontent à 39 ans. Des violences de la même manière, avec les mêmes gestes, fait remarquer la présidente à l'accusé.
-Je travaille dessus avec une psychiatre. Je pense que je supporte très mal qu'on me tienne tête.
-Il aura fallu 39 ans pour réfléchir là-dessus ? Vous êtes un petit peu long à la détente avec des difficultés d'introspection...
 -Ça m'arrivait aussi de frapper des hommes." Encore une fois, Reiser répond à côté de la question.

15h41 : "Les coups de poing qu'il me donnait, il n'avait pas les mêmes conséquences sur Sophie Le Tan. De ce que j'ai vu des photos, elle était plus frêle et plus fragile que moi", répond Marie à l'avocat général qui la questionne sur les violences qu'elle a subies. "Il avait de l'expérience sur comment frapper une femme."

15h11 : D'ordinaire, Reiser venait chez Marie tous les vendredis soir. Le mardi 4 septembre 2018, il appelle sa compagne qu'il ne viendra pas le vendredi "parce qu'il a des rendez-vous avec Leboncoin". "Je pensais surtout qu'il me trompait", témoigne la sexagénaire.

"Dix jours avant le meurtre de Sophie Le Tan, je lui ai répété encore une fois que je voulais arrêter avec lui. Je voulais qu'il dégage de ma vie ! Ce monsieur je voulais le quitter. Mais ce monsieur, on ne le quitte pas", martèle Marie. "Au niveau émotif, il a l'âge de cinq ans. Alors quand on dit quelque chose qui va contre lui, il a des pulsions qui montent. Quand il me frappait, j'ai toujours eu l'impression qu'il avait de l'expérience là-dedans."

Le soir du 7 septembre 2018 , Marie explique que Reiser l'avait appelée pour lui dire : "Tu ne connais pas tous mes petits secrets." Au moment où cette phrase est prononcée, un silence de plomb s'installe dans la salle d'audience. On n'entend que le bruit des deux ventilateurs.

"Au moment où il me dit ça, je fais un lien avec ce qu'il m'avait dit le mardi. D'ailleurs, il m'avait dit qu'il ne pouvait pas venir le soir parce qu'il a des rendez-vous le matin. Ça m'a paru bizarre."

14h54 : "À partir de 2015, 2016, il ne m'a plus battue. C'était déjà un progrès, mais j'ai vraiment dû insister pour obtenir ça", continue Marie. "Je lui ai toujours dit que je ne voulais plus le voir, mais il revenait quand même. On a fini par un petit peu s'éloigner à cette époque."

"C'est difficile de savoir quoi penser avec lui. C'est comme s'il avait plusieurs couches dans sa personne", répond Marie à une question sur la sincérité des sentiments de Reiser envers elle.

La discussion se centre sur les vacances d'été 2018. Lors de son interrogatoire, Marie affirmait que Jean-Marc Reiser avait l'habitude de partir en vacances avec des sacs. Cet été-là, Reiser se présente avec une valise. "C'est la première fois que je voyais cette valise", témoignait Marie en 2018.

Devant la présidente, Marie est confuse. Elle ne se souvient plus de tout ce qu'elle avait déclaré aux enquêteurs pendant l'instruction. Plusieurs fois, la présidente lui rafraîchit la mémoire. "Ah oui ! En effet", s'exclame-t-elle sous le regard amusé de Reiser.

14h43 : Marie, aide à domicile, partageait sa vie avec Jean-Marc Reiser en 2018, au moment du meurtre de Sophie Le Tan. Les deux personnes s'étaient déjà croisées dans les années 1980. "C'était quelqu'un qui avait beaucoup de prestance. Je suis un peu tombée amoureuse de lui. J'ai bien remarqué que je l'agaçais un peu. Du jour au lendemain, je n'ai eu aucune nouvelle."

Marie retrouve Reiser près de 30 ans plus tard, à Schiltigheim. "Comme j'étais un peu seule, je me suis dit que ça serait bien de renouer contact avec lui. Bêtement, je l'invite à manger à chez moi. J'ai une faiblesse, je peux faire des choses qui sont contre ma volonté."

Je n'avais qu'un souhait, c'était qu'il parte.

Marie

Compagne de Reiser au moment des faits

"La violence est arrivée assez rapidement. La première baffe que j'ai eue, c'était quelques semaines après. Il y avait déjà eu des engueulades avant. Il y a aussi eu du harcèlement, à la sonnette, le téléphone fixe et le portable n'arrêtaient pas de sonner", se souvient Marie pendant que Reiser lit ses notes sans réagir.

Leur relation continue malgré tout. "Je n'avais qu'un souhait, c'était qu'il parte. Il y a eu tout un tas d'enchaînements et des choses particulièrement troublantes... Une fois, il m'a abîmé l'arcade sourcilière après m'avoir lancé un objet, puis il m'a soignée tout de suite. Il y avait du harcèlement et de la manipulation sans arrêt."

14h16 : L'audience reprend sans le témoignage oral d'une ancienne maîtresse de Reiser, victime d'un viol de Jean-Marc Reiser au début des années 90. Viol pour lequel Jean-Marc Reiser a été condamné.

Elle écrit dans un mail qu'elle ne veut plus "être interpellée de près ou de loin pour ses liens avec Jean-Marc Reiser". Son témoignage est lu par la présidente dans la salle d'audience où il fait de plus en plus chaud. Sur les bans, plusieurs éventails s'agitent.

Dans son box, Jean-Marc Reiser continue ce qu'il fait depuis la veille. Il vide l'encre de son stylo en ne cessant de prendre des notes. "Nous avons couché ensemble dans plusieurs endroits, dont une fois dans ma voiture une nuit d'orage", réagit Reiser qui se raccroche encore une fois à des détails et qui répète que le témoignage lu n'est pas tout à fait conforme à la réalité.

12h12 : "Vous êtes plus qu'insistant avec certaines femmes. Vous avez réfléchi à ce comportement ? Comment l'expliquez-vous ?", demande la présidente.

"J'avais l'impression d'avoir une attirance particulière pour elles. Une fois, une femme m'avait proposé de monter chez elle et j'ai refusé. Mais elle ne vous l'a pas dit, ça. Elle témoigne ce qu'elle veut", répond l'accusé.

La matinée d'audience se termine sur ces mots.

11h47 : La témoin pointe l'effet qu'a eu cette affaire sur sa vie. "L'an dernier, aux assises, j'ai craqué. Depuis, je vois un psychiatre, ce qui ne m'était jamais arrivé. On n'en sort jamais indemne. Les médecins parlent d'un syndrome post-traumatique."

"Ils ne trouveront jamais", aurait lancé Reiser en pleine nuit aux côtés de Corinne en 1990. "Quand je lui ai demandé de quoi il parlait, il m'a dit 'rien'. J'ai pensé qu'il parlait d'un objet."

C'est un vrai gâchis d’utiliser cette intelligence pour faire du mal aux femmes.

Corinne

Ancienne compagne de Jean-Marc Reiser

"Il se sent supérieur aux autres. Sa grande jouissance, c'est celle de manipuler les autres. J'ai voulu croire qu'il avait des vrais sentiments pour moi, psychologiquement c'est plus facile. Il m'avait d'ailleurs dit qu'il était au-dessus des autres. C'est quelqu'un de très intelligent et c'est un vrai gâchis d’utiliser cette intelligence pour faire du mal aux femmes", répond-elle à l'avocat général.

11h37 : Corinne avait déposé une main courante auprès du commissariat de Bastia au sujet de lettres de menaces qu'elle avait reçues de la part de Jean-Marc Reiser. "Ils m'ont dit que M. Reiser avait été violent avec des compagnes précédentes", se souvient l'institutrice.

"Votre relation sexuelle avec M. Reiser était-elle la première que vous ayez eue dans votre vie ?, demande la présidente.
-Oui.
-Est-ce que cela avait une importance pour lui ?
-Extrême."

"C'était des relations sexuelles sans tendresse, froides. On peut parler de soumission. Mais qu'est-ce que je pouvais faire sur le moment ? J'ai pu agir le lendemain, quand j'ai décidé que c'était fini", se souvient Corinne. Elle a en mémoire plusieurs moments, où quand elle apparaissait avec un membre de sa famille, Reiser "tournait les talons".

11h20 : Après une courte interruption, une femme de 57 ans témoigne en visioconférence. Corinne (prénom modifié) explique avoir connu Reiser en 1990, à l'institut régional d'administration (IRA) de Bastia.

"C'était un garçon très serviable au début. Nous avons eu une liaison qui a duré un mois. Il y a des choses qui me déplaisaient qui ont fait que je n'ai pas continué notre relation", témoigne-t-elle.

"Lors d'un repas, il me dit qu'il se voit plus tard comme un roi à qui on apporterait des vierges", continue Corinne. Reiser regarde l'écran sur lequel apparaît la témoin et réagit en faisant non de la tête, comme pour montrer que son ancienne camarade de promotion disait n'importe quoi.

Comme Stéphanie, Corinne raconte un épisode dans lequel Reiser a roulé à fond en voiture avec elle. À la nuance près que, bien que cet épisode ait eu lieu de nuit, il roulait les phares éteints. "Un autre soir, il commençait à lancer des chaises dans l'appartement, il était en furie. J'avais peur parce qu'il était très imposant physiquement."

11h05 : "Pourquoi ces violences ?", demande l'avocat de la défense Emmanuel Spano. "Ça pouvait partir de quelque chose à la TV avec laquelle je n'étais pas d'accord, ça pouvait partir en vrille pour rien du tout. C'était toujours pour des choses futiles", répond la femme à la barre.

"C'est l'explosion, on ne sait pas pourquoi. Tout d'un coup, le volcan explose. Vous êtes d'accord avec cette version des choses ?", lui demande l'avocat. Réponse : "Oui."

Ce n'est pas la peine de faire des excuses.

La mère de la fille de Jean-Marc Reiser

Reiser se lève dans son box. Toujours un t-shirt gris sur les épaules, il s'excuse auprès de son ex-compagne "pour tous les torts qu'[il] a pu lui faire subir". "Il aurait plutôt fallu s'abstenir de nous retrouver dans ces conditions, si tu vois ce que je veux dire, lui répond la témoin en regardant le box des accusés. Il aurait fallu se conduire correctement et continuer à me faire croire que tu étais bien réintégré. Tu nous as tous trahis et tu le sais très bien. Ce n'est pas la peine de faire des excuses."

Au sujet de Sophie : "Cette petite était innocente. Elle avait 20 ans", lui lance la mère de sa fille. "Je sais bien, je ne cesse d'y penser sans arrêt", répond Reiser.

10h42 : "La mémoire est quelque chose de très sournois. Elle conserve des choses, en oublie d'autres...", répond la témoin quand la présidente l'interroge sur la fois où Jean-Marc Reiser l'aurait menacée avec un couteau sous la gorge.

"J'étais persuadée que j'étais responsable de ces situations", lâche celle qui a partagé la vie de Reiser pendant dix ans. "J'ai fait un travail très fort là-dessus et mon compagnon actuel est tout à fait à l'opposé. Donc, on oublie."

Si je suis là devant vous, c'est qu'il finissait par se contrôler.

La mère de la fille de Jean-Marc Reiser

"Lorsque M. Reiser commettait des violences physiques, était-il hors de contrôle au point de commettre l'irréparable ou se contrôlait-il ?", lui demande l'avocat général Jean-Luc Jaeg. "Si je suis là devant vous, c'est qu'il finissait par se contrôler", répond la témoin.

10h06 : La mère de la fille de Reiser approche à la barre. "J'ai été la compagne de M. Reiser de 1987 à 1997, quand il a été incarcéré. On était en couple mais sans tout le temps habiter ensemble."

"La vie avec M. Reiser, c'était la vie avec M. Reiser. Avec des hauts et des bas. Ce n'était pas le couple parfait. Je ne sais pas dire ce qui n'a pas été dit des milliers de fois. J'ai participé à pas mal de procès, j'ai été interrogée assez souvent."

Ma fille a décidé qu'elle n'avait plus de père.

La mère de la fille de Jean-Marc Reiser

La témoin s'agace des questions de la présidente au sujet de la relation de Reiser avec sa fille, née en 1992. "Je n'interfère pas dans les relations entre un père et sa fille. Si vous voulez savoir tout ça, il faut poser ces questions à ma fille, pas à moi. Depuis 2018 (date de l'arrestation de Jean-Marc Reiser dans le cadre de l'affaire Le Tan, ndlr.), elle a décidé qu'elle n'avait plus de père."

La relation entre cette femme et Jean-Marc Reiser est abordée par la présidente. "Je ne me suis rendu compte qu'après qu'il m'avait enfermée, avec une volonté de me couper de mes amis en me disant 'Celle-là, ce n'est pas une relation pour toi'. Je ne me suis pas rendu compte tout de suite du travail de manipulation, c'est avec mon autre compagnon, qui est totalement différent, que je suis devenue résiliente."

La femme de 67 ans continue. "Vous n'avez plus de libre arbitre, vous êtes enfermée dans un schéma. Vous savez que vous vous ferez engueuler si vous faites ceci ou cela. Il y a aussi eu des violences physiques. Je me suis aperçu au cours des interrogatoires que je ne m'en souvenais pas toujours. Ce sont des flashs qui me reviennent. Une fois, j'ai pris une baffe et j'ai vu double pendant plusieurs jours. J'avais dû le contrarier pour quelque chose. Une autre fois, dans la cuisine, il m'a poussé sur la gazinière, je me suis brûlé et je me suis cogné contre le coin du meuble."

9h30 : Stéphanie répond aux questions de la présidente. Comme la veille, Jean-Marc Reiser écoute tout en prenant des notes, toujours très concentré.

"Est-ce qu'aujourd'hui, vous avez retrouvé la paix ?", lui demande Me Welzer, avocat de la famille Le Tan. "Oui, bien sûr, en dehors des journées comme celles-ci."

Lorsque la présidente demande à l'accusé s'il se souvient de sa relation avec Stéphanie, cette dernière s'exaspère. "Je suis obligée de rester ?!" Pendant que Reiser répond aux questions, Stéphanie s'applique à ne pas le regarder. "Je pense que j'ai du mal à me contrôler quand je suis dans un état de colère", répond l'accusé, les mains dans le dos.

L'accusé continue de reprendre la témoin sur des détails comme le nombre de jours qu'il a passé à Brest. "En précisant tous ces éléments factuels, vous en perdez l'essentiel", lui fait remarquer la présidente Christine Schlumberger. 

9h07 : Stéphanie (prénom modifié), 59 ans, se présente à la barre. Cette enseignante explique avoir rencontré Jean-Marc Reiser alors qu'elle était étudiante. L'été de ses 21 ans, elle travaille à la poste de Strasbourg. La femme peine à trouver ses mots. "Très vite, ce Reiser s'est approché de moi, il était intéressé par ma personne. Au début, il était très gentil, j'ai très vite compris qu'il voulait sortir avec moi. Il m'aidait à terminer ma tournée de factrice."

"À l'usure, j'ai fini par dire oui. Mais je me suis rendu compte que c'était une grosse erreur. J'ai bien vu que le piège se refermait. Il m'a assez vite demandé de venir vivre chez lui. Ce que j'ai fait. Je suis allée vivre chez lui à Hautepierre", continue Stéphanie. "Il était très insistant pour que l'on fasse tout ensemble. C'était difficile pour moi de voir mes amis."

Il hurle en roulant comme un dingue. Il me dit que je l'ai trahi, qu'il m'aime.

Stéphanie

"Puis arrive le jour où je fais un affront. On devait aller à la piscine ensemble et j'ai dit non. Là, il vient me chercher dans ma petite chambre que j'avais gardée. Il est très en colère et nous montons dans sa voiture, on part en toute trombe sur l'autoroute, je ne sais même plus dans quel sens. On sort de Strasbourg, il hurle en roulant comme un dingue. Il me dit que je l'ai trahi, qu'il m'aime. J'ai envie d'ouvrir la portière et de sauter."

"On arrive en lisière de forêt, là il me tape avec son pied je crois. Il voulait que je pleure : 'Tu ne pleures pas ? Tu ne regrettes pas ce que tu as fait ?' Je me dis alors qu'il veut me tuer."

Pour moi, ce n'est pas de l'amour, c'est de la possession.

Stéphanie

De retour le soir à l'appartement, Stéphanie tente de s'échapper. "Je n'ai pas le temps d'ouvrir les volets discrètement qu'il est déjà là, dans tous ses états, à hurler. Il met ses mains à mon cou : 'Tu es la femme de ma vie, je t'aime'. Pour moi, ce n'est pas de l'amour, c'est de la possession. Je crois que c'est cette nuit-là qu'il a changé tous les verrous, je ne pouvais plus sortir."

L'enseignante quitte ensuite l'Alsace pour rejoindre Brest. "Je m'installe en cité étudiante au rez-de-chaussée. Au bout de trois semaines, j'entends gratter à ma fenêtre. Je n'avais pas besoin d'ouvrir pour savoir qui c'était. Il me suivait toujours dans la rue, il restait à 10 mètres de moi. J'ai demandé à une amie de rester toujours avec moi, même aux toilettes."

"Au bout d'une semaine, il part. Puis tous les jours pendant un an, je reçois des cadeaux, des lettres, des vêtements, des cartes postales comme quoi je suis la femme de sa vie", continue Stéphanie. Depuis, pendant dix ans, je me suis tout le temps retournée dans la rue, ça m'a poursuivi. "39 ans ont passé et je suis encore là, c'est très pénible. Ce n'est pas la première fois que je suis entendue. Que ce soit pour l'affaire Le Tan ou dans d'autres procédures."

9h00 : Présente la veille, la mère de Sophie ne se présente pas à la cour d'assises du Haut-Rhin. "C'est trop dur pour elle", glisse le porte-parole de la famille, Laurent Tran Van Mang. Lors du premier jour, elle avait quitté l'audience en cours de journée. Le père et le frère de Sophie sont présents.

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