Guyane : les Diables Rouges de Colmar en mission contre l'orpaillage illégal

Ils sont partis à la mi-septembre à 8.000 km de chez eux. Pas pour des vacances au soleil c'est le moins que l'on puisse dire. 130 soldats du 152e régiment d'infanterie de Colmar sont actuellement déployés en Guyane pour une mission très spéciale : lutter contre l'orpaillage illégal. Immersion. 

Quand on dit ruée vers l'or on pense souvent charriots brinquebalants et chapeaux de cow-boy poussiéreux. Détrompez-vous : l'orpaillage ( la recherche et l'exploitation de l'or dans les rivières ) est toujours d'actualité. En particulier en Guyane où depuis les années 90, on note un regain d'intérêt pour cette activité avec la flambée des cours de l'or.
  

L'orpaillage illégal, ce fléau

Avec ses sous-sols généreux, la Guyane est donc devenue le nouvel El Dorado des orpailleurs illégaux, pour la plupart venus du Brésil,  et surnommés les Garimpeiros, véritables forçats de l'or. On estime à 10.000 leur nombre en Guyane.Une activité plus que rentable. Chaque année ces Garimpeiros seraient responsables du pillage de 8 à 9 tonnes d'or par an. De l'or qui quitte définitivement le territoire français pour le Suriname ou le Brésil, pays limitrophes. Évaluez donc le manque à gagner sachant qu'en Guyane l'orpaillage légal ne représente, lui, qu'une petite tonne et demie.
Des pertes écologiques aussi.  Les fouilles sauvages à grands coups de pompes haute pression et l'utilisation massive du mercure détruisent les rivières, asphyxient les poissons, détruisent la forêt luxuriante et polluent les cours d'eau, menaçant la santé des populations locales.
 

Fort dommage car la forêt guyanaise reste une des plus riches de la planète en terme de biodiversité. Elle couvre 96% du territoire avec 8 millions d'hectares et abrite plus de 1000 espèces différentes d’arbres. Voyez plutôt : sur 1 hectare de forêt guyanaise on dénombre plus d’essences différentes que dans toute l’Europe occidentale.
 

Que diable sont-ils venus faire dans cette galère ?

Mais que diable viennent donc faire ici nos soldats colmariens du 152e régiment d'infanterie me direz vous ? C'est simple. Sécuriser le territoire tout en servant les intérêts de la France. Explications.

La Guyane étant un territoire français, la richesse de ses sous-sols est donc la propriété de l'Etat.  Et ces orpailleurs sans autorisation légale de les exploiter volent la France. Et quel vol ! 9 tonnes d'or par an, c'est le casse du siècle. Rajoutez à cela les problèmes d'insécurité et écologiques. Trois bonnes raisons de faire intervenir l'armée française. Pas systématiquement le 152e régiment d'infanterie de Colmar. Une compagnie obéit à un roulement cyclique pour ces missions à l'étranger dites "projections". La dernière "projection" en Guyane de notre régiment remonte ainsi à 2012.

Et puis il faut envoyer dans ce milieu très hostile des hommes entraînés. La forêt guyanaise si belle soit-elle est un enfer vert. Et mieux vaut ne pas y partir la fleur au fusil ( notre équipe en sait quelque chose, V. encadré ).

Les Diables Rouges ont pour eux des heures et des heures d'entraînement dans les Vosges ( moins exotique certes mais c'est un début). Ce sont des fantassins aguerris, formés au combat rapproché. De plus, tous ont suivi trois phases de préparation :  un renforcement physique et moral dans les Vosges donc, des exercices d’aguerrissement et une formation par les gendarmes des techniques des orpailleurs. Une fois sur place : 5 jours de « Prémifor », Préparation Mission Forêt (monter un bivouac tactique, faire un feu, les bestioles peu avenantes, la survie etc..). Les voilà donc prêts à se rendre sur les lieux de leur mission. Ici.
 


Nom de code : Harpie

Du nom d'un rapace local, l’Opération Harpie voit le jour en  février 2008, sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Elle a pour objectif de paralyser les sites d’orpaillage clandestins sur tout le territoire du département de la Guyane. Objectif : diminuer la rentabilité de la production d’or des Garimpeiros afin de les amener, à terme, à la cessation de leur activité. Et pour ce faire, pas beaucoup de solutions : la majorité des actions consistent à détruire les sites et moyens de production. Au beau milieu de nulle part, en pleine canopée, difficile en effet de saisir le matériel (qu'il faudrait transporter après des jours de marche et de pirogue) et encore moins d'appréhender les orpailleurs.
 

Cet objectif est assuré par des patrouilles constituées de gendarmes et de forces armées comme nos Diables Rouges. Seuls les premiers, représentant l'autorité judiciaire, sont habilités à détruire le matériel.
 

Des barrages fluviaux sont également mis en place pour saisir l’approvisionnement en matériaux et vivres, asphyxiant les camps illégaux en aval. Et les résultats sont là. Au 1er semestre 2018 77 puits et 560 pompes ont été détruits, 6,7 millions d'euros d'avoirs criminels ont été saisies, 92 pirogues saisies. Ainsi, le nombre de sites d'orpaillage illégal est passé de 623 fin 2017 à 346 en juin 2018.
 

Les Diables Rouges sont partis pour quatre mois. Ils devraient revenir en Alsace fin janvier. Une pensée pour eux, en ce temps de l'Avent, eux qui malgré l'objet de leur mission, ne passeront pas un Noël en or. 
 
Une expérience redoutable pour nos journalistes aussi
Ok eux ne sont restés que quatre jours avec les Diables Rouges en Guyane mais ils en ont quand même bien bavé.
Pour l'anecdote, les conditions de tournage en pleine canopée diffèrent sensiblement des sujets disons "locaux". Le milieu y est très hostile "pour les hommes et pour le matériel" explique Grégory Fraize.

"Nous avons dû tout amener en double, dans des sacs étanches. L'air est saturé d'humidité. Et pas moyen de faire demi-tour si on a oublié quelque chose quand on est au milieu de nulle part. Il a donc fallu apprendre à gérer la logistique. L'eau, la nourriture et le matériel pour marcher à vive allure sans ralentir la compagnie qui était en vraie mission. Nous avons eu droit à une formation accélérée pour apprendre à bivouaquer. A retourner nos vêtements pour ne pas être irrités. A mettre des chaussettes blanches la nuit pour voir si nos pieds n'avaient pas été mordus par des chauve-souris." Il faut dire que nos collègues n'ont pas toujours été en charmante compagnie : "J'ai vu des serpents mortels, me suis lavé avec des piranhas, ils ne sont pas dangereux mais c'est quand même impressionnant. Et puis il y a les mouches à feu, le pire ennemi du soldat en Guyane. Leur piqûre est aussi douloureuse que celle d'un taon. La première qui vous pique libère des phéromones pour marquer sa cible : les autres n'ont qu'à suivre. J'ai été piqué plusieurs fois." Un séjour formateur qui permet d'aborder les sujets marchés de Noël, jungle différente certes mais jungle aussi, en toute sérénité. 
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