Joël Richart est mort le 24 août, seul, chez lui à Colmar, après avoir tenté de faire venir les secours. Mais le Samu ne s'est pas déplacé. Son frère Noël, tente de comprendre pourquoi. Il a porté plainte pour non-assistance à personne en danger auprès du parquet de Colmar.
Noël Richart apprend la mort de son frère, Joël, le samedi 24 août au soir par trois policiers qui font le déplacement jusqu'à chez lui, à Colmar. Le lendemain matin, Noël apprend que le colocataire de Joël avait appelé le centre 15 de Colmar, dans la matinée de samedi, à 10h, pour tenter de faire venir des secours. Joël Richart, père de deux filles aujourd'hui adulte, vivait à Colmar en colocation dans un appartement géré par l'association Appart, association spécialisée dans l'hébergement des personnes souffrant de troubles psychiques.
Le Samu refuse d'envoyer des secours
Ce n'est qu'une semaine plus tard que Noël commence à entrevoir les circonstances de la mort de son frère quand il se rend au commissariat de Colmar. Là, on lui donne les résultats de l'autopsie. Puis il est invité à écouter l'enregistrement de l'appel au Samu, passé entre le colocataire et l'opérateur du 15. "Sur l'enregistement, j'apprends que le Samu n’a pas voulu envoyer de véhicule pour transporter mon frère. Par l'autopsie j'apprends qu’il est décédé d’une occlusion intestinale. Ça a été une grosse surprise puisque je ne savais pas qu’en France, on peut mourir d’une occlusion intestinale. On avait les moyens techniques et médicaux de sauver mon frère si on était arrivé à temps."Je pense qu’il y avait tous les éléments nécessaires pour que le Samu déclenche une intervention, ce qui n’a pas été le cas, j’essaie de comprendre pourquoi.
- Noël Richart, le frère de Joël, décédé le 24 août
Une décision incompréhensible
Les secours ne se sont pas déplacés, Noël essaie de comprendre pourquoi. En attendant, en septembre 2019, il a déposé plainte pour non-assistance à personne en danger auprès de la procureure de la république de Colmar. "Je n'arrive pas à comprendre ce qui s’est passé. A 10 heures, le colocataire appelle et 4 heures plus tard mon frère décède dans son appartement, seul, sur son balcon. Mon frère est mort sur une décision incompréhensible d’un médecin. Je ne trouve pas de mot à mettre dessus. Il n’a pas eu cette chance de s’en sortir. On a en France le meilleur système de santé au monde, on vous donne la possibilité d’appeler le 15 pour vous sortir d’une position critique. Mais là, on ne lui donne même pas cette chance." C’est injuste, c’est comme si l’opérateur détenait la vie entre ses mains. Je viens je te sauve la vie, je ne viens pas, tu meurs.
- Noël Richart
Enquête médico-administrative
Pour tenter de déclencher une enquête de l'Agence régionale de santé (ARS), Noël Richart écrit au cabinet de la ministre Agnès Buzin, à deux reprises, courant septembre. A la suite de ces courriers, il est reçu par le directeur de l'ARS du Grand Est, à Nancy, qui lui précise la démarche globale de l’agence. Le 18 octobre, il lui est confirmé que l'ARS est chargée d'une enquête médico-administrative. "J’espère que ça va éclairer pas mal de chose : soit, le Samu a bien respecté le processus, mais ça m’étonnerait un peu. Soit ils ont respecté mais zappé quelques questions qui auraient pu mesurer le degré d’urgence. Soit, troisième possibilité, le SAMU n’a pas respecté le processus, il n’aurait pas dû louper cette intervention."Lettre à la ministre de la Santé by France3Alsace on Scribd
Des réponses bientôt ?
Le rapport de l'ARS, qui devrait être connu très prochainement, sera remis à la procureure de Colmar. "On va enfin savoir où le Samu a péché, ou pas, s’il y a eu un problème de dysfonctionnement. En tout cas, le peu que j’ai écouté sur la bande audio m’incite à penser que quelque chose n’a pas fonctionné. Quand par exemple le colocataire dit à l’opérateur "il y a urgence, il a des douleurs au ventre, il a une indigestion, il faut venir le chercher", ce à quoi l’opérateur répond, "les urgences ne sont pas forcément la place la plus adaptée pour une indigestion", c'est un discours culpabilisant qu'il n'a pas à tenir."En fond sonore, sur la bande audio, on entend mon frère gémir
Des manquements graves de la part du centre ?
Le samedi matin, à partir de 10 heures, les médecins ont fini leur garde, à Colmar. De plus, dans cette ville, il n'y a pas de SOS médecin comme à Mulhouse ou Strasbourg. "Quand l'opérateur dit "il n’y aura pas de médecin de garde qui viendra un samedi matin", il lui propose d’appeler le médecin traitant mais ne s'inquiète pas de savoir s'il a un moyen de transport". En fait, ni Joël, ni son colocataire n'ont de voiture et ne peuvent donc se déplacer pour aller voir un médecin. Noël déplore que la question n'ait pas été posée. "L’ARS a pointé avec moi ce manquement à l'obligation du centre. Je l’ai indiqué au moment de ma plainte du 16 septembre auprès de la procureure de la république."Noël Richart dit avoir confiance dans la justice. "Si j’entreprends toutes ces démarches, c’est parce que je ne veux pas que mon frère soit parti dans l’indifférence totale. Et que justice lui soit rendue".