Des analyses ont révélé une pollution aux composés perfluorés (PFAS) de l'eau potable jusqu'à quatre fois supérieure aux taux réglementaires dans l'agglomération de Saint-Louis (Haut-Rhin). Des relevés antérieurs ont déjà montré que ces polluants dits éternels sont présents partout mais c'est la première fois qu'on les repère dans des puits de captage.
Des relevés effectués dans plusieurs puits de captage d'eau potable de l'agglomération de Saint-Louis à l'été 2023 ont montré la présence de PFAS dans des concentrations largement supérieures au seuil réglementaire. À proximité de l'aéroport, le puits de captage le plus touché affichait un taux de 0,39 microgramme par litre, c’est-à-dire près de quatre fois supérieur aux valeurs recommandées par l'ARS (0,10 μg/l).
"Tous les puits ne sont pas affectés par une eau non conforme, mais ils concernent quand même les trois quarts des habitants sur les 85 000 que compte l'agglomération", précise Jean-Marc Deichtmann, le président de l'agglomération de Saint-Louis (SLA).
Des résultats pas si surprenants
Depuis la publication de plusieurs études antérieures, on sait que les PFAS, polluants perfluorés dits éternels, sont présents partout. Dans nos assiettes, dans nos vêtements, dans l'environnement, dans nos propres corps. Or, ces molécules très utiles, employées largement par l'industrie, pourraient avoir un effet délétère sur la santé. L'enquête du journal Le Monde, de février 2023, a démontré l'ampleur de la contamination aux PFAS à travers toute l'Europe. Une contamination massive. En Alsace, l'Observatoire de la nappe phréatique, l'Aprona, après sa campagne de prélèvements démarrée en 2019, a révélé une présence des PFAS dans l'eau depuis au moins une décennie et sur la quasi-totalité de la nappe rhénane.
Le résultat des analyses de Saint-Louis n'est donc une surprise pour personne. D'autant que le secteur dit des Trois Frontières, où se situe Saint-Louis et son agglomération, est une région industrielle à dimension internationale. La nouveauté réside par contre dans le fait de retrouver ces composés à des taux élevés dans l'eau potable directement dans les zones de captage.
"Jusqu'à maintenant les analyses portaient sur l'environnement en général. Avec la réglementation mise en place en 2023, les contrôles sanitaires de l'eau potable se sont renforcés en ciblant spécifiquement ces composés. Auparavant, ils n'étaient pas recherchés et donc pas mesurés", souligne Fanny Greffe, la directrice du territoire Alsace chez Veolia, chargé de l'exploitation et de la distribution de l'eau de consommation sur l'agglomération de Saint-Louis.
Des contrôles plus stricts
Depuis le 1er janvier 2023 tout dépassement de la limite de qualité de l'eau mis en évidence doit être pris en compte. D'ici deux ans (le 1er janvier 2026), avec la nouvelle réglementation, la recherche de PFAS dans l'eau deviendra systématique et obligatoire. C'est dans l'optique de déceler d'éventuelles pollutions à ces composés dans les réseaux publics que l'ARS Grand Est a lancé des campagnes exploratoires en divers points du territoire. "Il y avait de fortes présomptions d'en trouver dans le secteur de Saint-Louis, c'est pour cette raison que les recherches se sont portées en priorité ici", fait remarquer Fanny Greffe.
Un courrier d'information de la SLA a été envoyé en début d'année 2024 aux habitants. Trois points y abordent la problématique des PFAS :
- L'arrêt du puits sur le site de l'aéroport, le plus touché par cette pollution. "La décision a été prise après la confirmation des analyses de septembre", souligne Jean-Marc Deichtmann.
- Le lancement d'une campagne de l'analyse de l'eau sur le long terme. "On a renforcé la fréquence des analyses de l'eau potable, elle est mensuelle depuis décembre", précise Fanny Greffe, ce qui devance de deux années la prochaine réglementation. Un comité de suivi a été mis en place pour suivre l'évolution des analyses. "Il se réunit tous les mois, en présence du sous-préfet, de l'ARS, de Véolia et de SLA pour envisager les mesures à prendre", explique le président de l'agglomération.
- Comment traiter l'eau ? Un laboratoire mobile a été déployé sur le territoire de l'agglomération par Véolia avec pour objectif de réaliser des relevés et des tests sur les zones de captage. "Il s'agit de trouver la meilleure solution de traitement au moindre coût. On teste des solutions de filtrage soit par le charbon soit par membrane", explique Fanny Greffe. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions mais ce qui est sûr, admet Jean-Marc Deichtmann, c'est que le traitement de l'eau aura forcément des conséquences sur la facture du consommateur.
L'ARS, la seule autorité compétente en la matière, n'a à ce jour décidé aucune restriction d'usage de l'eau. "Elle peut être consommée sans difficulté, comme cela a toujours été le cas avant qu'on sache par les analyses qu'elle n'est pas conforme", fait remarquer Jean-Marc Deichtmann.