Pollution massive aux PFAS, ces substances toxiques, éternelles, sont présentes partout

Les PFAS, poison du siècle, sont répandus partout et l'Alsace n'est pas épargnée. L'acronyme désigne des polluants perfluorés, des molécules persistantes non biodégradables, nocives pour la santé humaine. D'où viennent ces nouveaux polluants, comment lutter contre eux. Une équipe de la rédaction a enquêté.

Présentes dans les cours d'eau et dans de multiples objets, des emballages alimentaires aux textiles imperméabilisés, les PFAS (prononcer "pifasse") sont des substances chimiques toxiques quasi indestructibles. Ces quatre lettres désignent des composés polyfluoroalkylées, responsables d'une pollution massive en Europe, de l'Espagne à la Norvège, en passant par l'Alsace. 

Ces polluants, dits éternels, sont partout. Dans l'environnement, mais aussi dans nos corps. En 2019, le résultat du programme national de biosurveillance Esteban montrait déjà la présence d'un type de composés perfluorés dans les organismes de l'intégralité de la population française. Plus récemment, en juin 2023, des tests effectués sur quatorze députés écologistes de différentes régions ont révélé la présence de PFAS dans les cheveux de tous les parlementaires prélevés.

Une avancée à petit pas

L'idée de prélever une mèche de cheveux et de la faire tester par un laboratoire s'est répandue partout en France chez les députés écologistes. À la permanence parlementaire de Sandra Regol, députée écologiste EELV de Strasbourg, des candidats au prélèvement se sont donné rendez-vous.

Comme cette habitante de l'agglomération qui confie à notre équipe, par sa venue, "vouloir aider à faire avancer la recherche, les lois et être heureuse de participer à une évolution".

Un état des lieux sanitaire à très petite échelle, mais qui devrait contribuer à démontrer la présence généralisée de ces polluants. "Vous voyez, par exemple, les petits cornets pour manger vos frites dans la rue, c’est plein de PFAS que vous ingurgitez en mangeant. On a une bonne idée de qui utilise ces composants, pourquoi et comment. Ce qu’on ne sait pas, c’est en quelle quantité ils sont présents dans l’eau qu’on boit, dans nos terres, dans nos corps", souligne Sandra Regol.

Une pollution de grande ampleur

L'ampleur de la contamination aux PFAS a été démontrée par le quotidien Le Monde en février 2023. L'enquête, réalisée pendant près d’un an, avec 17 médias partenaires, a révélé l'existence de 17 000 sites contaminés à travers toute l'Europe. L'Alsace, très concernée, est surtout une région mieux documentée sur la question.

L'Observatoire de la nappe phréatique, l'Aprona, a lancé une campagne de prélèvements sur près de 200 points en plaine d'Alsace. De quoi se faire une idée assez précise de l'étendue du problème. D'après les observations, les PFAS seraient présents dans l'eau depuis au moins une décennie et sur la quasi-totalité de la nappe.

"Les résultats sont assez homogènes sur le périmètre de la nappe d’Alsace. Cela est sûrement lié à la multitude d’usages de ces composés, aux multiples voies de transfert et au fait qu’ils sont persistants, ce qui fait qu’on les retrouve disséminés un peu partout. Ce sont des molécules non biodégradables. Quand elles contaminent un milieu, elles y restent pour longtemps", observe Baptiste Rey, hydrogéologue à l'Aprona.

Utiles mais nocives

Ces molécules synthétiques ont des propriétés très utiles au quotidien. C'est un peu la substance miracle. Elles sont antiadhésives, antitaches, imperméabilisantes et retardatrices de flammes. L'industrie les utilise en masse pour produire des objets aussi hétéroclites que des tapis, des batteries de véhicules électriques, des peintures, des emballages de frites ou de hamburgers. Sans oublier le Teflon pour nos poêles ou le Gore-Tex pour nos chaussures.

Tout récemment, l'ONG Générations Futures a mis le doigt sur l'usage agricole des PFAS. D'après l'association plus de 2 300 tonnes de pesticides contenant ces substances ont été vendues en France en 2021. "Une situation délibérément ignorée" jusqu'à ce jour, que l'ONG révèle dans un rapport de 35 pages, disponibles en ligne depuis le 9 novembre. 

Se priver des PFAS s'annonce donc encore plus difficile. Il le faudrait pourtant, car ces éléments chimiques sont potentiellement hautement nocifs pour la santé. 

En pénétrant les organismes humains, les PFAS s'y accumulent et interfèrent avec ceux-ci. En cas d'exposition sur une longue période à ces polluants, ils peuvent avoir un effet délétère sur la santé, comme l'explique Miguel Nicolaï, expert en substances toxiques à l'Agence de l'eau Rhin-Meuse : "Ces composés vont s’accumuler dans le foie, dans le sang, dans différents endroits du corps. Ils sont suspectés pour certains d’être cancérigène, pour d’autres d’être des perturbateurs endocriniens". Des études scientifiques ont montré également des risques d'obésité. 

Comment s'en débarrasser ?

L'Union européenne cherche à réduire leur utilisation. Plusieurs pays ont déposé une proposition de restriction. Mais avant d'apprendre à s'en passer, encore faut-il commencer par identifier ceux qui les utilisent. En Alsace, 179 sites industriels ont été recensés pour un usage supposé de PFAS. Ces entreprises ont jusqu'au printemps 2024 pour faire leur propre état des lieux.

Le fabricant d'aluminium basé à Neuf-Brisach (Haut-Rhin), Constellium, en fait partie. "On utilise des extincteurs donc potentiellement, on peut avoir des PFAS. Une partie de notre production de vernis est aussi concernée. On dresse un inventaire et ensuite, on fera des prélèvements d’eau pour vérifier si oui ou non, on a rejeté des PFAS dans le milieu extérieur", fait remarquer Christian Sauvage, responsable environnement chez Constellium.

Ne plus utiliser de PFAS ne fera pas disparaître pour autant ceux déjà présents dans l'environnement. À l'Université de Strasbourg, deux enseignants-chercheurs apportent une note d'optimisme. Ils sont persuadés qu'il est possible de les détruire. Ces molécules sont persistantes parce que leurs liaisons chimiques sont très solides, mais pas forcément incassables.

Selon Michael Ryckelynck, professeur de biochimie à l'Université de Strasbourg, il suffit de trouver la bonne bactérie, capable de les dégrader : "On sait que, naturellement, certaines bactéries ont la faculté de casser la liaison fluore carbone. À partir de là, on fait le postulat que des bactéries peuvent aussi dégrader des PFAS. Il va s’agir pour nous d’analyser des millions de bactéries, les unes après les autres, séparément, pour essayer de trouver l'aiguille dans la botte de foin. Et pour nous, l’aiguille, c’est la bactérie capable de dégrader un PFAS". 

Devant l'urgence et l'ampleur du problème à traiter, le Gouvernement a voté dans son budget 2024 une enveloppe de 10 millions d'euros pour prévenir les risques de pollution liés aux PFAS. En attendant, la proposition de loi déposée en avril 2023 par le député écologiste Nicolas Thierry, visant à interdire ces polluants, patiente toujours dans les tiroirs de l'Assemblée nationale.

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