INSOLITE. Comment ce collectionneur d'horloges comtoises met les pendules à l'heure… d'été

André Sieber est un toqué des tics-tacs. Cet Alsacien, maire d'Algolsheim (Haut-Rhin) possède près de 250 horloges comtoises dans son atelier. Il les bichonne, les astique et bien sûr remet les pendules à l'heure, quand il faut. En douceur. Pour le passage à l'heure d'été, il n'a aucun stress. Explications.

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Ce n'est pas qu'André Sieber, 72 ans, a fait construire sa maison autour de sa collection, mais presque. "J'ai tout conçu dans cette baraque y compris la cave pour accueillir mes horloges." Ainsi, dans sa cave, à l'abri de la lumière et des curieux, André possède 250 horloges. "Chaque soir avant d'aller au lit, je descends les voir, et puis je remonte." Comme une pendule.

Réglage au tic-tac

Ce toqué des tics-tacs s'est piqué des pendules il y a cinquante ans. "Quand j'étais jeune, dans le village, il y avait un vieux monsieur très bricoleur qui réparait tout et n'importe quoi y compris des pendules. Un jour, je suis allé chez lui, il y avait une horloge Henri VIII posée sur la table, une horloge murale en bois. Il m'a dit, tu ne ressors pas d'ici avant d'avoir le tic-tac dans l'oreille. On a tout démonté, remonté, réglé le balancier. Je suis parti, c'était bon."

Quand j'entends le tic-tac, je sais s'il est correct ou pas, à l'oreille

André Sieber, collectionneur d'horloges

Avoir le tic-tac dans l'oreille, pour les néophytes, c'est un peu être un chronomètre humain. "Oui voilà, c'est ça. Quand j'entends le tic-tac, je sais s'il est correct ou pas, à l'oreille. Je sais également aussi comment y remédier ..." Après avoir collectionné pendules de marbre, de bronze, en régule, de cheminée, André en est revenu. Il a fait le tour du cadran."C'est passé de mode, ça a perdu beaucoup de sa valeur et puis j'ai rencontré la comtoise ..." 

La comtoise est exigeante. Il ne suffit pas de la rencontrer, il faut aussi la comprendre, du dedans. En connaître les mystérieux mécanismes. Pour cela, André a dû retourner sur les bancs de l'école. Lui, le prof d'allemand de la faculté de Mulhouse, "je parlais souvent des pendules à mes étudiants, je n'ai jamais réussi par contre à les hypnotiser." 

Deux fois par mois, pendant douze ans, André a pris la route pour se rendre en son royaume, dans le Haut-Doubs, à Charquemont. "A 36, sortie Pontarlier, 1h30 de route de Mulhouse". Là-bas, auprès d'un maître bricoleur, il a découvert d'étranges phénomènes. "Mettre un ressort, la roue d'échappement, l'ancre..." Des mots techniques, un appel au voyage. 

Les comtoises

"Je sais à peu près réparer une comtoise de A à Z, je me suis spécialisé dans les comtoises du 18ᵉ siècle dites à coq. Les aiguilles sont différentes avec un fronton qui se fixe au-dessus du cadran, avec un coq dessus et des volailles".

Les comtoises à coq sont aussi dotées d'un médaillon "qui laissait deviner la tendance politique de son propriétaire : des lys pour les royalistes, le bonnet jacobin..." André en possède 80 modèles différents, difficile alors de se forger une idée de ses opinions politiques. Et d'ailleurs, André est maire sans étiquette d'Algolsheim depuis presque trente ans. "Moi, je suis là pour tout le monde." 

Revenons à nos coqs. Une comtoise sonne la demie et l'heure. Deux minutes après, elle re-sonne l'heure. C'est, entre autres, sa spécificité. Au cas où. "Au début, c'étaient des fermiers qui achetaient ces horloges, ils se plaignaient souvent de ne pas avoir entendu ou de ne pas avoir eu le temps de compter l'heure... C'est pour ça qu'elle sonne deux fois". Certaines, à quatre cloches, sonnent les quarts d'heure. "Ça fait pas mal de bruit, mais c'est très harmonieux."  André en a même fabriqué une pendant le confinement.

Sa favorite ? "Une horloge dont le cadran est porté par des angelots, un cadran extrêmement rare, qui n'a été fabriqué que dix fois, le médaillon est un lys et elle a même une fonction réveil grâce à une molette cachée derrière les aiguilles. Un bijou." André a déjà eu pas mal de propositions de rachat pour cette dernière, à des prix souvent excentriques. Il tient bon. Quand on aime, on ne compte pas, sauf les secondes, au creux de l'oreille, évidemment. 

"Les horloges comtoises, c'est à la fois du patrimoine, de la technique et de la généalogie. Je m'intéresse autant à l'horlogerie qu'à l'histoire des propriétaires de comtoises, on tombe sur des histoires incroyables. Comment une comtoise a atterri à Tarbes par exemple ?" 

Heure d'été

Une heure par jour, André bricole, répare ses vieilles dames pas toujours ponctuelles. Sa cave est un véritable atelier. Des outils du sol au plafond. "Il y a toujours des choses à faire ou s'il n'y a rien, je les frotte, je les nettoie. C'est mon sas de décompression." Son moment hors du temps.

Le changement d'heure ? Pas un problème. "Ah là là, parce que vous croyez qu'un collectionneur d'horloges change l'heure de ses pendules ? C'est impossible, ça prendrait plus que six mois." Non, André a une technique bien plus simple. Chaque semaine, il en fait fonctionner trois ou quatre différentes. Et ça tourne. Et là, alors, il change l'heure. Avec 250 horloges, ça lui prend un an. Forcément, un beau jour, à ce rythme, elles ont toutes la même heure. 

Là on va reculer d'une heure, et pour ça il faut que j'arrête le balancier, attendre une heure et remettre en route. Sinon ça casse.

André Sieber, collectionneur d'hrologes

Mais attention, il y a une subtilité. "Là, on va avancer d'une heure, c'est facile, on avance l'aiguille." Pour l'heure d'hiver, par contre, ça se corse. " Pour ça il faut que j'arrête le balancier, attendre une heure et remettre en route. On n'a pas le droit de reculer la grande aiguille, celle des minutes, sinon ça casse."

Pour la suite, André ne stresse pas non plus. "On a six enfants, mais pour l'instant aucun n'est intéressé, mais je sème des petites graines un peu partout pour que la relève soit un jour assurée". André organise ainsi chaque année, depuis dix ans, le HorlogeTroc, une bourse aux horloges. Il fait également des démonstrations à l'école primaire d'Algolsheim avec un atelier démontage de comtoise, "ça use moins les pouces que les portables"

André est comme ses pendules. Patient. Il attend son heure, d'été ou d'hiver, peu importe. "L'année dernière, y a un petit qui est venu m'annoncer qu'il s'était inscrit en pendulerie à l'école de Morteau." Cocorico.

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