Comment Mulhouse va se chauffer grâce aux industries chimiques de la bande rhénane

L'agglomération mulhousienne va étendre son réseau de chaleur en se raccordant aux usines de la plateforme chimique de la bande rhénane. L'objectif est d'utiliser une énergie décarbonée, moins chère que l'électricité et le gaz. La mise en service est prévue à l'horizon 2025.

Récupérer la chaleur évacuée dans l'atmosphère par les usines et l'utiliser comme une source d'énergie pouvant se substituer à l'électricité ou le gaz, voilà l'idée. Elle parait toute simple, sa mise en œuvre l'est moins. À Mulhouse, élus de l'agglomération et entreprises spécialisées dans les réseaux de chaleur y planchent depuis plusieurs années. L'objectif est de produire une chaleur décarbonée et de renforcer l'autonomie énergétique. 

Rémy Neumann, vice-président de la M2A, en charge du dossier, a bien voulu répondre à nos questions pour expliquer en quoi cela consiste.

Quelles industries sont concernées ?

On a fait des pré-études pour évaluer la quantité de chaleur récupérable chez certaines industries de la bande rhénane. Il s'agit essentiellement de Butachimie, Alsachimie, Boréalis, usines du complexe chimique Ottmarsheim-Chalampé, ainsi que d'Euroglas, le vitrier suisse situé à Hombourg. Les pré-études ont également porté sur le coût de rapatriement de cette chaleur sur l'agglomération mulhousienne.

Avec l'approbation du conseil d'agglomération le 30 janvier dernier, on passe maintenant en phase opérationnelle. Pour ce faire, une société d'économie mixte a été créée, capitalisée à hauteur de 4 millions d'euros. Pour nous accompagner dans les démarches techniques et financières, sur le dispositif industriel qu’il faut mettre en place, sur le coût et sur le prix d’achat de la chaleur, on a choisi un partenaire industriel qui s'appelle R-CUA (Réseaux de Chaleur Urbains d’Alsace). On connaît bien cette entreprise puisqu'on travaille déjà avec elle sur le réseau de chaleur des communes de Rixheim, Riedisheim et Mulhouse. R-CUA , spécialisé dans les réseaux de chaleur, est aussi bien implanté sur Strasbourg et Saint-Louis.

Comment ramener cette chaleur à destination ?

Les discussions ont déjà commencé avec les industriels concernés. Désormais, il s'agit de concrétiser en déterminant les tracés définitifs pour amener la chaleur, sous forme d'eau chaude, de la bande rhénane vers l'agglomération de Mulhouse, une trentaine de kilomètres plus loin.

L'usine Stellantis, potentiellement intéressée à hauteur de 15%, sera livrée au passage. Cette chaleur fatale sera conduite jusqu'à sa destination finale, la centrale thermique de l'Illberg, laquelle dessert déjà Mulhouse, l'hôpital en grande partie. L’eau chaude va se substituer ici au gaz, énergie utilisé à 45% dans son fonctionnement actuel. L'objectif est de monter jusqu'à 85% en énergie renouvelable grâce à la chaleur fatale. 

Le process de récupération est connu. Il est utilisé dans l'incinérateur du SIVOM par l'entreprise Valorim. La chaleur fatale récupérée est envoyée vers un certain nombre de bâtiments de l'agglomération via le réseau de chaleur depuis 2018.

On va monter en puissance sur plusieurs années. Un investissement de 140 à 150 millions d'euros sera nécessaire pour cette extension du réseau de chaleur. Cent millions d'euros pour construire le réseau de transport, et quarante millions d'euros pour le réseau de distribution. 

Entre 20 et 25.000 équivalents logements seront desservis. Des bâtiments publics, des entreprises tertiaires, comme le diaconat par exemple (la clinique de Mulhouse) et des particuliers. Essentiellement sur le centre-ville.

L’idée est de développer l'énergie décarbonée ?

Oui et d'accroitre notre autonomie énergétique. Dans le cadre de notre Plan Climat, l'agglomération souhaite utiliser de moins en moins d'énergie fossile. Avec la crise énergétique, la chaleur fatale nous permettra d’atteindre cet objectif de décarbonation. Son recours nous permettra aussi de stabiliser les prix en nous préservant des variations actuelles des marchés de l'électricité et du gaz.

Avec les entreprises, on va négocier le prix de la récupération de la chaleur fatale. En comptant les coûts d’investissements et d'exploitation, le prix de vente est actuellement inférieur au coût de l'énergie électrique ou de chauffage au gaz. On a imaginé un modèle économique pour voir si effectivement l'opération est viable économiquement. Vu l'explosion des prix de l'énergie, on est en dessous des coûts de revient du gaz et de l'électricité. On est donc compétitif en sachant qu'on bénéficie également des subventions de l'ADEME dans le cadre du programme du décarbonation.

C'est du gagnant-gagnant. Les industriels ont aussi des objectifs de décarbonation. Récupérer de la chaleur fatale chez eux pour la substituer au gaz, les fait participer à cette décarbonation. C'est bon pour leur bilan écologique. Ils en tirent un bénéfice puisqu'ils paieront moins de taxes sur le "droit" à émettre du CO2.

Quel sera le prix à payer pour acheter cette chaleur fatale aux entreprises ?

Deux cas de figure : soit l'entreprise prend en charge le coût des installations pour transporter la chaleur et nous la livrer. Et à ce moment-là, elle tient compte des investissements dans le prix de vente. Soit c'est nous qui investissons dans le process industriel pour récupérer la chaleur fatale et à ce moment-là, c'est nous qui finançons l'investissement. Dans ce cas de figure, on leur achète la chaleur moins cher. Cela va se négocier entreprise par entreprise.

L'entreprise Euroglas, par exemple, a décidé de financer elle-même ses installations. On en tiendra compte dans le prix d'achat de la chaleur. Pour les industries de la plateforme chimique, les négociations n'ont pas encore abouti. Il y a de fortes chances qu'elles souhaitent également garder la maîtrise du process, elles ne veulent pas être perturbées dans leur système de production. 

En termes de puissance, quel est le potentiel de la chaleur fatale ?

On est sur une estimation basse de 200 GigaWattheures par an. À comparer, par exemple, au 110 GW développés par la centrale thermique de l'Illberg et les 70 que développe Valorim avec l'incinérateur. En puissance, on va donc plus que doubler le chiffre du réseau de chaleur avec cette extension.

Le temps de lancer les appels d'offres en 2023, d'entamer les travaux, l'objectif est d'être opérationnel fin 2025, début 2026.

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