C'est l'une des conséquences du Covid-19. Après une journée de réglages, l'enseignement à distance a débuté ce mardi 10 mars dans le Haut-Rhin. Un professeur de physique-chimie du lycée Montaigne de Mulhouse a ainsi donné un cours en video depuis sa cuisine pour ses 33 élèves de terminale.
Faire cours depuis sa cuisine, c'est une première pour ce professeur de physique-chimie du lycée Montaigne de Mulhouse. Mais après la décision du Premier ministre de fermer les établissements scolaires du premier et second degré du Haut-Rhin du 9 au 22 mars, il a bien fallu s'adapter. 127.000 élèves seront tenus de suivre les cours à distance, à domicile, pour tenter de limiter la propagation du virus Covid 19.
Pour l'instant Eric Brasseur prend avec philosophie cette situation originale :"C'est une autre façon d'enseigner. J'attends de voir le résultat mais je pense que ça va être positif." En tout cas, rester à la maison n'est pas une raison, selon lui, pour se laisser aller : "Il faut quand même avoir une tenue en face des élèves", donc pas de cours en pantoufles...
En face d'Eric Brasseur, 33 élèves de terminale vont suivre son cours de physique sur Skype, depuis leur domicile, ce mardi 10 mars. Et pour cette première séance de cours qui va durer toute la matinée, Eric ne ressent pas spécialement de stress, du moins pas plus que d'habitude : "Je ne sais pas comment ça va se passer, ça va être surement convivial sauf que je ne vais pas voir les élèves (pour de vrai), ça va rester assez virtuel. Ce n’est pas quelque chose que j’aimerais maintenir en permanence."
A 8h30, Eric lance la connexion. Après quelques couacs, le cours débute, tant bien que mal, le temps que tout le monde se connecte : "Je pense que c’est lié au flux vidéo qui n’est peut-être pas supporté par tous le réseaux. Dans l’ensemble ça va pas trop mal. Je ne les vois pas tous donc je ne sais pas quel est le retour mais ça a l’air d’être bon."
La liaison est hachée et surtout il manque le contact humain, tout simplement.
- Eric Brasseur, professeur de physique-chimie
Sur un bout de table, l'ordinateur personnel d'Eric (aucun matériel n'est fourni par l'établissement ), un écran de 27 pouces, et, posé sur un rebord de fenêtre, le tableau sur lequel les élèves se concentreront pour suivre les démonstrations mathématiques. De l'improvisation qui tient du système D mais ça marche. Au milieu, le professeur équipé d'un feutre, de son clavier, d'une souris et surtout de sa bonne volonté. Voila pour le décor. "Ça n'a rien à voir avec un enseignement classique. Je ne vois pas les élèves, sauf ceux qui ont branché leur caméra. Il faut compter avec les bugs et autres coupures, la liaison est hachée et surtout il manque le contact humain, tout simplement."
De l'autre côté de l'écran, Alexis Khaldi, qui suit le cours à distance, chez lui, se fait une raison : "Au début on est un peu gêné mais on s’y fait vite. Pendant cette première semaine ça va être très encadré mais il y a des gens qui n’arrivent pas à se connecter, d’autres qui oublient le réveil. On va voir, mais je vais le faire". D'autant que le bac, pour Alexis et les autres élèves de terminale de sa classe, c'est dans trois mois, une échéance qui stresse un peu, vu la situation. "Au tout début, quand on a appris qu'on allait rester chez nous (vendredi soir) on était content mais après on pense au bac, c'est un peu inquiétant".
Pas le temps de trainer, donc. Ce qui n'est pas l'intention d'Eric, bien qu'en terme d'efficacité, après une heure de cours, le bilan soit mitigé :" Je suis moins efficace, j’ai l’impression d’aller moins vite, il y a les coupures. Mais ça limite les dégâts par rapport au fait qu’on pourrait ne pas les voir durant quinze jours.". Ça limite les dégâts, certes, mais pour les cours où il y a une partie pratique, comme le sport, les langues ou les TP (travaux pratiques), le problème reste entier. Sur les 18 heures hebdomadaires d'enseignement qu'Eric dispense à ses cinq classes du lycée Montaigne, il n'en subsiste que six, avec cette formule d'enseignement à distance.
La situation est gérable sur 15 jours, d'après Eric Brasseur, mais si la situation devait se prolonger, il faudrait repenser le dispositif : "Dans les cours en classe, il y a le contact humain : les élèves viennent vous parler à la fin, ils posent des questions. Et puis il y a le contact avec les collègues et la vie sociale tout simplement. On peut pas rester chacun dans son coin".
Florence Claudepierre, bénévole à la Fédération des conseils de parents d'élèves du Haut-Rhin (FCPE 68) n'a pas d'états d'âme sur le principe de fermeture des établissements scolaires, car "il faut bien faire quelque chose pour contenir l'épidémie". Mais, selon elle, il aurait fallu se donner un temps de réflexion entre ministère, rectorat et parents d'élèves avant de prendre cette décision, afin de prendre en compte les situations au cas par cas. "Je connais beaucoup de familles qui n'ont plus de portable, ni d'ordinateur, ça c'est la fracture numérique. Dans le Haut-Rhin, il y a encore des zones blanches (des zones non couvertes par le réseau), ça c'est la fracture du réseau. Et puis après vous allez avoir la fracture sociale : quand vous vivez dans un tout petit appartement, ça va être compliqué de demander à toute la fratrie de rester au calme dans un coin pendant qu'il y en a un qui est devant son écran."
Pour rappel, le Haut-Rhin est le département le plus touché dans le Grand Est par l'épidémie de Covid-19, avec 2 morts et 193 cas confirmés ce mardi 10 mars. En Alsace, ce chiffre est de 246 cas à ce jour, dont 53 cas diagnostiqués dans le Bas-Rhin.