Hôteliers, gîtes, restaurants, musées : les professionnels du tourisme sont en ordre de marche pour accueillir un maximum de monde cet été à Mulhouse. Un défi pour la ville qui a été l'un des plus importants épicentres du covid19 de l’Hexagone.
En ce mois de juin, peu de monde vient se renseigner à l’office de tourisme de Mulhouse. Le lieu accueille 10% de sa fréquentation habituelle. Les rares visiteurs sont plutôt des locaux intéressés par les activités possibles en période de déconfinement. D’habitude, c'est une période touristique importante, avec beaucoup de réservations de groupes venus de l’étranger. Et puis aussi, pas mal de tourisme professionnel en raison de la tenue de nombreux séminaires. Cette fois-ci, ces visiteurs-là ne viendront pas. Pas tout de suite en tout cas. Il s’agit donc de miser sur une clientèle de proximité, du Grand Est ou des régions limitrophes.
Situation dans l’hôtellerie
Tous les hôtels ont rouvert depuis le 2 juin. La seule clientèle captive, pour le moment, ce sont les hommes d’affaires. Ils représentent 20% du taux d’occupation des hôtels. Normalement en juin, 80% des chambres sont occupées.
Hubert François gère le Holiday Inn de Mulhouse. En ce moment, chaque jour, il tourne avec 5 à 15 chambres sur 80. Une situation compliquée. Du coup, de nombreux hôtels ferment le week-end, quand les hommes d’affaires ne sont pas là. Hubert François pense que cette année, les vacances d’été vont être plus courtes pour les Français : "J’espère que les gens proches de notre région vont venir. Les frontières ouvrent la semaine prochaine, on espère quand même un tourisme européen. Mais il est trop tôt pour imaginer ce qu’il va se passer cet été".
Le président de l’UMIH Mulhouse (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) fait face à de nombreuses annulations de réservations. Beaucoup d’appels aussi pour des questionnements qui ne trouvent pas encore de réponse. Comme ce groupe de 300 personnes du Benelux qui vient tous les étés. Des collectionneurs de belles voitures qui font un rallye. D’habitude, ils en profitent pour visiter la Cité de l’automobile. Mais avec le protocole sanitaire, le musée ne peut pas accueillir autant de monde d’un coup. Ce protocole sera-t-il encore en place dans trois semaines, un mois ? Impossible de donner une réponse fiable. L’incertitude règne.
L’hôtelier pense qu’il y aura plus de gens au travail cet été. Il garde l’espoir que les hommes d’affaire continuent exceptionnellement de venir entre le 15 juillet et le 15 août. "Moi j’espère fortement que le business va reprendre en septembre. Mais la situation ne reviendra pas à la normale avant le premier trimestre 2021."
Les gîtes tirent leur épingle du jeu
A Mulhouse, l’association AGRUME (association de gîtes ruraux et urbains de Mulhouse) regroupe une vingtaine de gîtes (88 couchages). Pendant le confinement, c’était le calme plat. Mais depuis le 11 mai, les chantiers reprennent et les gîtes accueillent pas mal de professionnels venus du nord de la France ou du Midi. Ils s’installent entre un à trois mois. Des périodes plus longues que d’habitude, nous précise Béatrice Fauroux : "On a de la chance d’accueillir ce public là, des professionnels issus de grandes entreprises. On a aussi un autre phénomène, les gens qui cherchent un logement et louent un gite sur une longue période. Du coup on fait un effort sur les prix. Les tarifs ont été adaptés à la crise. Moi je les ai baissé de 20%."
D’habitude, en juin, période des événementiels culturels et sportifs, les gîtes accueillent aussi des comédiens, des exposants, des sportifs. Tout un public absent cette année. Un manque à gagner pour les gites de ville compensé par une demande accrue des gites de campagne.
Béatrice Fauroux observe ainsi que plus de gens du coins louent un gîte rural avec piscine pour l’été le temps d’un week-end ou pour une semaine. "J’ai un gîte dans la vallée de Masevaux. Des Mulhousiens ont réservé pour cet été. Des Alsaciens du nord viendront en août. D’habitude ce sont plutôt des Anglais, des Hollandais et des Américains à cette période. Cette année, ce sera plus local".
Plus d’animation dans les musées
Des visiteurs locaux, c’est aussi là-dessus que misent les musées mulhousiens. La Cité de l’automobile escompte même inverser ses tendances estivales habituelles. "On est sur un objectif de fréquentation similaire cet été", indique Aurélien Weisrock, son directeur. "D’habitude, c’est un tiers de visiteurs locaux et deux tiers d’étrangers. Cette année, on pense que ce sera l’inverse, avec deux tiers de locaux".
Ouvert depuis 10 jours, le musée qui abrite la plus importante collection de voitures du monde tire un bilan plutôt encourageant malgré le protocole sanitaire à respecter. "Il y a eu une belle affluence le premier week-end, une famille est même venue fêter un anniversaire" s’enthousiasme Aurélien Weisrock.
Pour cet été la Cité de l’automobile mise sur un public familial. Elle vient de mettre en place, pour la première fois, une série d’animations. L’idée, que la visite soit un vrai moment de dépaysement. "On veut que les gens vivent quelque chose. Qu’ils visitent en s’amusant" explique le directeur. Alors, dès le 9 juillet, autour d’une nouvelle exposition Pop Lamborghini, des animations et un jeu concours. Et l’opportunité de piloter des Lamborghini sur l’autodrome ou encore de taguer à sa guise une Lamborghini blanche. Une vraie "expérience visiteur" dans le jargon touristique.
Même logique à la Cité du train, qui n’en est pas à son coup d’essai en matière d’animation. Depuis deux ans, le plus grand musée ferroviaire d’Europe propose des visites théâtralisées les week-ends d’été. C’est l’opération « En voiture Simone ». Dès le 4 juillet, la compagnie locale Versatile va proposer un nouveau scénario pour monter dans des trains d’exception.
La Cité du train, rouverte depuis cinq jours, connaît une petite affluence encourageante de visiteurs locaux. Ils sont passés de 20 le lundi à 100 le mercredi. Pour les attirer avant les vacances, un nouveau dispositif a été pensé pour les jeunes : "On s’est rendu compte que beaucoup d’enfants n’allaient pas à l’école. Alors, pour travailler sur la proximité, on propose des billets gratuits aux moins de 15 ans. Pour les parents, l’entrée est gratuite jusqu’à quatre enfants, du lundi au vendredi", explique Sylvain Prodorutti, responsable de la communication.
A Mulhouse, dépasser l’effet repoussoir
Epicentre du virus, Mulhouse a vu tous ses efforts pour changer son image s’effondrer en quelques jours. Citée et montrée dans la presse nationale, internationale, comme un cluster important, l’image de la ville est à nouveau écornée, après des années de reconquêtes presque acquises. Un coup dur pour les habitants, les commerçants. Un coup dur aussi pour les acteurs touristiques. Pas facile, dans ces conditions de donner envie aux gens de venir visiter la cité du Bollwerk.
L’office du tourisme de Mulhouse a engagé une agence nationale de relations presse pour communiquer sur les atouts de la ville. Au niveau européen, elle a aussi contacté les agences ATOUT France qui promeuvent le tourisme d’une ville française à l’étranger. L’idée, faire venir des journalistes allemands, suisses, du Benelux et d’Italie du Nord pour mettre en avant les activités phares de Mulhouse. Clémence Saymocie, chargée de communication de l’office de tourisme, souhaite "recapter et mettre l’accent sur ce public qui connait déjà Mulhouse. Il s’agit de relancer ceux qui sont déjà fidèles à l’Alsace. Il faut relancer cette clientèle fidèle sur des séjours courts pour relancer l’hôtellerie".
C’est le défi mulhousien de l’été : relancer l’hébergement. Même si les excursionnistes qui restent une journée sont très importants dans l’économie du tourisme, l’enjeu majeur, ce sont les courts séjours.