Anaïs Marcelli, une fillette âgée de 10 ans, a été tuée en 1991 dans la région de Mulhouse. Son meurtrier n'a jamais été identifié. Mais l'enquête pourrait connaître un nouveau rebond grâce à la juridiction nationale spécialisée dans les affaires non résolues créée le 1er mars 2022. (Première publication en juillet 2022 avec actualisation)
"Lorsque j'évoque cette affaire criminelle, je suis profondément attristé." Maître Thierry Moser a pris sa retraite récemment, mais il a gardé quelques dossiers particulièrement importants à ses yeux, qu'il veut continuer à défendre. Le meurtre encore non élucidé d'Anaïs Marcelli est l'un d'eux. "D'une part parce nous parlons de la mort d'une enfant. Et d'autre part parce que cette affaire n'a jamais été élucidée malgré son ancienneté", explique l'avocat du père d'Anaïs.
Anaïs Marcelli avait 10 ans le 14 janvier 1991 quand elle a disparu, en rentrant chez elle, après avoir quitté son école du Nordfeld, à Mulhouse. Malgré d'importants moyens de recherches engagés, la petite fille n'a pas été retrouvée.
C'est un promeneur qui a découvert son corps trois mois plus tard, le 21 avril 1991, au col de Bussang. La fillette était morte depuis longtemps, son corps avait été déposé sur un mur, caché par des pierres, et il était en très mauvais état lors de sa découverte. Elle n'a pas été violée. Le médecin légiste a pu établir qu'elle serait très probablement morte par strangulation à mains nues.
La piste familiale
Francis Heaulme, Michel Fourniret, un pédophile belge du nom de Michel Stockx : de nombreux suspects ont été envisagés par les enquêteurs. "C'est un dossier emblématique parce qu'il y a eu, dès le début, énormément d'investigations et de personnes entendues", explique la procureure de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot.
"Nous avions une piste qui semblait significative, nous avions un suspect, un proche de la victime. Cet homme a été placé en garde à vue, il n'a jamais été mis en examen", se souvient Maître Moser.
Le grand-père maternel d'Anaïs a été longtemps considéré comme suspect, et plusieurs éléments troublants ont été relevés : il n'avait pas d'alibi lors de la disparition de la fillette, il avait en sa possession une photo de la mère d'Anaïs (sa fille adoptive), nue, à 11 ans, à qui il aurait fait subir des attouchements. "Ce faisceau de présomptions n'était pas suffisant pour le mettre en examen", explique Maître Moser.
Résoudre les "cold case"
Le juge d'instruction de Mulhouse a décidé de se dessaisir de l'affaire Anaïs Marcelli pour lui offrir une chance d'être résolue par une nouvelle juridiction nationale : l’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRPV) de la police judiciaire, à Nanterre. Cette structure a été créée récemment pour résoudre les "cold case", ces affaires non élucidées. Depuis le 1er mars 2022, une centaine d'affaires criminelles de toute la France lui ont été confiées.
L'affaire d'Anaïs Marcelli est la première affaire non élucidée à laquelle la procureure de Mulhouse a pensé. L'OCRPV a dans un premier temps décidé de privilégier les affaires non résolues impliquant des victimes mineures.
Par ordonnance du 25 juillet 2022, la juge d'instruction Adeline Midez s'est dessaisie de l'affaire officiellement. Les scellés et tous les dossiers ont été transférés de Mulhouse à Nanterre.
Dernière chance
Le corps de la fillette a été inhumé au cimetière de Mulhouse, mais de nombreux prélèvements ont été précieusement gardés sous scellés depuis la découverte de son corps, notamment ses habits. "Si vous prélevez quelques morceaux d'habits, et que vous faites les analyses uniquement sur ces infimes échantillons, vous passez peut-être à côté d'autres indices."
"Aujourd'hui, les analyses techniques ont beaucoup évolué, c'est également un espoir pour résoudre ce genre d'affaires", conclut Maître Moser. Recontacté en mars 2023, l'avocat se réjouit des avancées de l'enquête : "Je suis très satisfait de voir que la juridiction se décarcasse pour faire avancer les choses. J'ai senti une grande détermination et une volonté de bien faire." Des investigations supplémentaires vont d'ailleurs avoir lieu prochainement en Alsace.
C'est peut-être l'opération de la dernière chance mais il fallait la tenter. Et je forme tous mes vœux pour que nous ayons d'ici quelques mois une avancée très significative. Je le souhaite ardemment.
Maître Thierry Moser, avocat du père d'Anaïs Marcelli
L'avocat et la procureure partagent le même avis, un regard neuf sur cette affaire est une bonne chose, pour la famille et la justice. Les juges d'instructions de l'OCRPV et les équipes de la police scientifique vont se consacrer à ce meurtre. Ils vont lire les dossiers, prendre connaissance de toutes les pièces à conviction et des entretiens des témoins. Pour passer au peigne fin les moindres détails d'une affaire sensible qui n'a pas encore trouvé de dénouement.