Un tableau noir a été installé dans le hall de gare de Mulhouse, comme dans quatorze autres gares françaises. Libre à chacun d’y écrire à la craie ses envies et d'imaginer la suite après un an de crise sanitaire. Un travail de recueil et d'analyse des phrases donnera lieu à une publication.
"Demain j'aimerais un monde en paix. Demain j'aimerais ne plus porter de masque. Demain j'aimerais avoir mon bac". D'autres aimeraient un train à l’heure ou même avoir un bisou.
Ces bouts de phrase, imaginés par des voyageurs, écrits à la craie, s'alignent sur un tableau noir installés dans le hall de la gare de Mulhouse (Haut-Rhin). Ils complètent la formule : "Demain j'aimerais..."
Quinze gares de France, sélectionnées suivant des critères de représentativité, sont dotées de murs d'expression, le temps d'un été (voir publication Facebook ci-dessous). L'opération, lancée et organisée par SNCF Gares & Connexions, a pour ambition de donner la parole aux Français.
Après un an et demi de crise sanitaire, chacun est invité à écrire ses aspirations pour les mois à venir, ses souhaits, ses sentiments, ses espoirs. Les écrits, témoignages d’une époque singulière, sont recueillis quotidiennement et feront l’objet d’une analyse sémantique. Elle sera menée par le sociologue et enseignant-chercheur à la Sorbonne, Christophe Rioux, et son équipe. Les résultats seront rendus publics.
Une approche scientifique, ludique et culturelle
"L’idée est d’en faire une restitution différente de celle donnée par la méthode des sondages et enquêtes, méthode formatée et souvent quantitative: là, cette façon de procéder libère la parole, elle est ouverte à tous. C’est un mode de consultation assez inédit, de grande ampleur", explique Christophe Rioux.
L'analyse sémantique aura pour but de "voir ce que disent ces phrases de la société française". Cette approche scientifique est complémentaire de la dimension ludique du projet: "le dispositif du tableau noir et de la craie rappelle un peu l'enfance", souligne le sociologue. Un partenariat avec le centre culturel parisien, le Centquatre, assure une dimension artistique à l'opération.
Les gares, agoras des temps modernes
"Après tout ce que nous avons traversé, de confinements et de déconfinements, il y a un besoin de communiquer. Je pense qu'avec ces murs d'expression on a les moyens d’avoir une photrographie assez inédite de la société française. On voit dans les gares que les gens parlent, il y a une rencontre", explique Christophe Rioux, persuadé que les gares sont des espaces particuliers, les agoras des temps modernes.
"Elles ont été pendant les périodes de confinements successifs les rares lieux où on pouvait voir de la culture. Elles ont même soutenu la réouverture des lieux culturels." Les gares ne seraient donc plus seulement des lieux de transit où se croisent les voyageurs mais également des lieux de vie et de rencontre, à dimension culturelle et où les gens peuvent s'exprimer.
Ephémère et pérenne à la fois
Les tableaux noirs sont effacés tous les jours. Les phrases se renouvellent quotidiennement. "On est dans un principe éphémère et pérenne à la fois. Tous les soirs on récupère cette matière première, ce gisement de mots et on recommence le lendemain", indique l'enseignant-chercheur.
Le calendrier du travail d'analyse et de publication dépendra de l'ampleur de la réponse donnée par les voyageurs au dispositif. "Les premiers résultats indiquent déjà un impact assez fort", ce qui confirmerait ce besoin d'expression intensifié par les périodes de solitude que nous avons tous plus ou moins traversées ces derniers mois.