Les riverains français de l’aéroport binational de Bâle-Mulhouse se mobilisent face aux nuisances sonores générées par le trafic aérien. Portés par l’association ADRA, ils demandent une juste répartition du bruit entre la Suisse et la France.
Malgré l’engagement pris par la direction de l’Euroairport de réduire le bruit du trafic aérien, les riverains ont l’impression de ne pas être entendus. Année après année, période covid exceptée, les nuisances sonores se seraient intensifiées. Côté français, on pointe de surcroît le déséquilibre dans la répartition des nuisances sonores. Les voisins helvètes, en exportant le bruit sur le territoire français, protégeraient mieux ses citoyens.
Une situation qui ne passe plus et que l’association de riverains, l’ADRA, entend dénoncer. Elle lance pour cela un "Appel à agir", face à une situation considérée comme inconvenante et urgente. "Au vu de l’impact sanitaire, social et environnemental, il est temps que les responsables s’engagent à réduire le trafic et veillent à un juste partage des nuisances", peut-on lire, notamment, sur le communiqué.
La Suisse se protège
Le président de l'ADRA, Bruno Wollenschneider, rappelle que la Suisse, par différentes mesures successives, en arrive à protéger son propre territoire au détriment de ses voisins français et allemands. "Elle limite les heures auxquelles elle peut être survolée. Dans les faits, il y a à peine cinq survols de Bâle par jour".
Ainsi, dès 1974, une première mesure conditionne le financement du prolongement de la piste à l’interdiction partielle du survol du territoire suisse. En 1998, la Suisse impose un accord tacite qui limite les envols directs vers le sud au-dessus de Bâle à huit par jour (quatre par jour en moyenne annuelle) et étend le repos nocturne pour Bâle de 22h à 7h.
En 2008, les atterrissages par le sud, au-dessus de Bâle, sont limités à 10%. À partir de 2015, l’aéroport développe le fret tout cargo sous l’impulsion de la Suisse. Enfin, de 2018 à 2022, une nouvelle procédure en piste 15 concentre les trajectoires sur le territoire français au nord de la frontière.
Or, la Suisse engendre de 90 à 95% du trafic de l'aéroport, que ce soit par le tourisme low cost, le transport de personnes ou le fret, particulièrement le fret de cargo et particulièrement le soir. "Il faut donc que les Suisses assument une partie des nuisances, de façon responsable. À commencer par la suppression de l'obligation imposée aux avions de faire un virage à 90 degrés, voire 270, pour éviter le survol de Bâle. Ce virage est naturellement beaucoup plus bruyant et polluant qu'une trajectoire directe", demande Bruno Wollenschneider.
Un combat inégal
Implanté sur le territoire français, l'Euroairport est le seul aéroport binational au monde. Il est géré à parité par la France et la Suisse. Après le creux de la période covid, l’aéroport vise le retour au trafic de 2019, soit 100 000 mouvements et 9,1 millions de passagers par an. Côté français, il représente le premier aéroport régional, côté suisse, le troisième au niveau national.
Pour les riverains, face à ce colosse, le combat est inégal, mais pas perdu. Bruno Wollenschneider, malgré le manque de réponses de la part des interlocuteurs français et suisses, ne perd pas espoir. Celui-ci dit avoir remarqué une prise conscience que "le transport aérien accélère aussi le changement climatique. L'appel à agir, précise-t-il, ne concerne pas seulement l'impact sanitaire du bruit sur la population, mais aussi l'impact de la pollution, notamment au monoxyde d'azote et aux particules ultra-fines".
Dans le but de se faire entendre par les Suisses, directement sur leur territoire, les riverains, sous l'égide de l'ADRA, iront manifester devant l'hôtel de ville de Bâle le jeudi 19 octobre, à 16 heures. Il est prévu de remettre en mains propres au représentant du canton de Bâle un exemplaire de l'appel à agir. Un appel signé par le milieu associatif des trois pays, France, Allemagne et Suisse. "L'action est symbolique, mais l'idée est de dire aux Suisses qu'ils ont un aéroport qui génère des nuisances, dont ils doivent prendre leur part et qu'ils ont la responsabilité de réduire le trafic", fait savoir Bruno Wollenschneider.