Témoignage. "On a le sentiment que ça ne change toujours pas", les services des urgences en tension maximale

Publié le Écrit par Vincent Lemiesle
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En Alsace comme partout en France, en période de vacances estivales les services d'urgences des hôpitaux rencontrent des difficultés de fonctionnement accrues. Manque d'effectifs, problème d'organisation ou manque de lits, le témoignage d'un médecin urgentiste.

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Comme chaque été en France les services d'urgences des hôpitaux connaissent une situation tendue et l'Alsace n'échappe pas à la règle. Des mesures de régulation voire de fermetures sont annoncées un peu partout. Les difficultés à assurer un fonctionnement fluide des services d'urgence sont dues le plus souvent à un manque d'effectifs, de médecins urgentistes en particulier ou bien à un manque de lits.

Marc Noizet, président du syndicat de médecins urgentistes Samu Urgences de France et chef de service des urgences de Mulhouse fait le point en répondant à nos questions.

Quelle est la situation globale des services d’urgence à la mi-août en France ?

Les services des urgences sont dans une situation contrastée, masquée un temps par la bulle des jeux olympiques. Sur le territoire français beaucoup d'entre elles sont en grandes difficultés, grandes difficultés liées d'une part à des ressources humaines insuffisantes, d'autre part à des capacités d'hospitalisation insuffisantes par rapport aux besoins des services d'urgences.

Cette situation est-elle homogène ou bien existe-t-il de grandes différences selon les territoires et pourquoi ?

Tous les territoires français sont concernés. On ne peut pas dire qu'il y ait des territoires non concernés par cette problématique, par contre cela se concentre sur certains établissements, notamment sur les très gros établissements. D'abord parce qu'ils cumulent une pénibilité importante du fait de l'afflux de patients sur leur service. Ensuite parce qu'ils servent de structure de recours pour tous les autres établissements amenés à fermer ou à délester leur fonctionnement. Enfin, parce que ce sont souvent des services où on rencontre le plus de problématiques de disponibilités de lits d'hospitalisation. L'accumulation de ces trois points fait qu'un certain nombre de CHU ou de gros centres hospitaliers généraux sont en grande difficulté cet été.

En Alsace, le secteur le plus touché par la problématique de fluidité, due à un nombre de lits insuffisants, ce sont les hôpitaux universitaires de Strasbourg. Ici, tous les jours des patients ne trouvent pas de place au sein de l'hôpital et peuvent passer plus de 24 heures sur des brancards, parfois même plusieurs jours.

Sur Mulhouse, la fluidité s'est améliorée suite à une réorganisation du flux d'hospitalisation, notamment grâce à la mise en place d'une cellule d'ordonnancement. La situation n'est pas parfaite pour autant car il nous manque environ 25 lits de médecine. On est à 65% de l'effectif cible mais la maquette de fonctionnement du service s'est adaptée à l'effectif de médecins qui y travaillent. Les médecins font un peu plus d'heures mais nous n'avons eu aucune fermeture de tout l'été, jusqu'à maintenant.

Les problématiques dues à un manque de médecins urgentistes, sont localisées dans le Bas-Rhin à Wissembourg, Haguenau, Saverne, Sélestat et dans le Haut-Rhin à Guebwiller. Ces hôpitaux de taille moyenne ont connu les plus grosses difficultés, avec, parfois des fermetures partielles ou totales de leur service d'urgence sur une nuit ou 24 heures.

Est-ce pire qu’en 2023 ?

Il est difficile de dire aujourd'hui si la situation est pire ou meilleure qu'en 2023, ce qui est sûr est que l'on a au moins une situation identique et cette situation devient d'autant plus difficile à accepter que cela se superpose d'année en année. On a le sentiment que rien ne change pour améliorer cette situation qui est quand même liée à des problématiques structurelles, des problématiques organisationnelles, sur lesquelles on pourrait avoir des bras de levier. Donc il y a une forme de lassitude, d'acceptation par défaut et de résignation des personnels mais également des patients et des politiques.

L’appel au 15 pour accéder aux urgences devient-il la règle l’été ?

La régulation d'accès médical aux urgences faite par des SAMU et les centres 15 devient de plus en plus fréquente. C'est une adaptation aux mesures de dégradations des services d'urgences pour en diminuer la pression. Ce n'est pas aujourd'hui une obligation ni une généralisation. Cependant les textes de loi récents de décembre 2023 nous autorisent à mettre en place ces régulations d'accès progressivement. Ce qui serait sans doute une bonne façon de faire pour amener le patient à consulter au bon endroit. 

Sur le Haut-Rhin, nous n'avons pas de régulation systématique d'accès aux urgences. Sur le Bas-Rhin, elle est mise en œuvre ponctuellement lorsqu'il y a des tensions, notamment sur le secteur de Haguenau. Ici quand ils sont en difficulté, ils ferment l'accès spontané et demandent systématiquement que le patient appelle le centre 15 pour diminuer la pression sur le service.

Comment faire pour améliorer la situation, que préconisez-vous concrètement ? 

Concrètement aujourd'hui on attend notre nouveau ministre de tutelle de manière à avoir une vraie perspective pour notre système de santé et de vraies décisions en capacité de changer le fonctionnement du mode d'hospitalisation actuelle dans les hôpitaux parce que c'est la première problématique de l'aval des urgences. Ensuite, on a besoin de directives très claires au niveau de chacun des territoires en vue d'assurer un maillage différent. Il n'est plus tenable en l'état du fait des problématiques en ressources humaines. Il va falloir sans doute fermer certains services définitivement. Ce choix incombe au ministre et doit être assumé politiquement pour permettre aux structures d'urgences de mieux fonctionner demain.

Comment fonctionnent les visites aux services d'urgences ?

Elles ne sont pas interdites, par contre par principe elles ne sont pas libres. Le service d'urgence est un service de flux où ça bouge tout le temps, les visiteurs risquent de se retrouver au milieu de patients sur des brancards, certains dénudés, d'autres agités, qu'ils n'auraient pas à voir. C'est la raison pour laquelle on essaie de réguler ces visites. On accepte que des patients reçoivent de la visite quand ils sont dans des zones adaptées à la visite. En pédiatrie, par contre, on fait en sorte que les enfants soient tout le temps accompagnés de leurs parents ou de la personne référente, même chose pour les personnes handicapées. 

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