Face à la pénurie de médecins, les infirmiers se forment à déclarer les décès, "ça permet d'élargir nos compétences"

Depuis avril 2024, les infirmiers volontaires du Grand Est sont formés pour rédiger des certificats de décès, jusque-là délivrés par les médecins. L'expérimentation vise à rendre les démarches plus fluides, notamment dans les déserts médicaux où les proches peuvent parfois attendre une journée pour qu'un corps soit enlevé par les pompes funèbres.

Dans certains déserts médicaux, une journée entière peut parfois s'écouler avant que le décès d'une personne morte à son domicile soit constaté. Les proches doivent ainsi attendre la venue d'un médecin, unique professionnel jusque-là autorisé à rédiger un certificat de décès, acte permettant la prise en charge du défunt par les pompes funèbres.

Pour pallier cette pénurie de praticiens pour ces actes sensibles, les infirmiers sont formés depuis le printemps dans le Grand Est. "Plusieurs régions, dont le Centre-Val de Loire [et les Hauts-de-France, ndlr], ont débuté l'expérimentation il y a un peu près un an, et celle-ci s'est généralisée au niveau national en avril 2024. L'objectif, c'est que cela puisse entrer dans le droit commun ensuite", détaille Julien Boehringer, vice-président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) et par ailleurs président de l'Union régionale des professionnels de santé infirmiers libéraux (URPS Grand Est).

Fluidifier les démarches

Pour l'infirmier libéral, cette expérimentation "répond à une attente" et est plutôt favorablement accueillie par la profession.

On suit beaucoup de patients en fin de vie et ça rendrait plus fluide la prise en charge de ces personnes lorsqu'elles décèdent à leur domicile, notamment pour aider leurs familles à entreprendre les démarches administratives. Ce n'est jamais facile à gérer.

Julien Boehringer

vice-président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI)

"Ça permet d'élargir nos compétences, et on y est bien sûr favorables. C'est une bonne chose pour nos patients et pour notre reconnaissance", confie Véronique Bier, élue au syndicat Convergence infirmière Grand Est. Lorsqu'on suit un patient pendant une dizaine d'années, je trouve humain de ne pas le laisser 24 heures sans prise en charge lorsqu'il décède. Ça va permettre de soulager tout le monde."

Une formation à distance

Près de 830 infirmiers du Grand Est se sont portés volontaires depuis avril 2024, rapporte l'ARS, et 412 sont déjà opérationnels. La formation, d'une durée de 10h30 en distanciel, est ouverte aux infirmiers libéraux ou salariés en Ehpad ou en hospitalisation à domicile, diplômés depuis au moins trois ans et inscrits à l'Ordre des infirmiers. "La formation est très bien faite, on apprend énormément de choses," juge Véronique Bier, qui n'a pour le moment pas été contactée pour réaliser un certificat de décès.

"Une fois cette formation validée, l'Ordre transmet notre nom au Samu, à l'Ordre des médecins et aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et on est enregistrés comme aptes à rédiger les certificats de décès, poursuit Julien Boehringer. Dans les régions pilotes, on compte à peu près 10% de la profession qui est apte à rédiger ces certificats de décès. Cette part devrait continuer à augmenter." Cet acte leur est rémunéré 42 à 54 euros en fonction du jour et de la zone et, s'il est contacté, l'infirmier est libre de refuser de se déplacer.

Attention, les infirmiers sont amenés à rédiger les certificats de décès seulement lorsque la personne a perdu la vie chez elle et de mort naturelle. "On ne peut pas intervenir s'il s'agit d'un homicide, ou décès sur la voie publique par exemple," souligne Julien Boehringer. Véronique Bier acquiesce : "dès qu'un obstacle médico-légal se présente, on ne peut pas réaliser le certificat. Dès qu'on a le moindre doute sur le caractère naturel du décès, on fait appel au médecin."

Une mesure saluée comme une avancée donc mais qui ne compense pas les revendications de la profession. "Il ne faut pas oublier qu'on demande toujours une augmentation sur nos lettres-clés, qui reste inchangées depuis 2009 !" rappelle Véronique Bier, infirmière libérale basée à Mittelhausbergen (Bas-Rhin).

Revaloriser les actes et les déplacements

Les lettres-clés sont les nomenclatures des actes réalisés par les infirmiers, comme les injections, prises de sang ou pansements, et à chacun correspond une rémunération. Or, celles-ci n'ont pas été revalorisées depuis 15 ans malgré l'inflation, faisait chuter le pouvoir d'achat de ces professionnels.

Et les infirmiers ont une autre revendication : la revalorisation des indemnités de déplacement. "On nous a juste accordé 0,25 centime supplémentaire en janvier 2024, ce qui nous fait 2,75€ par trajet, une pacotille quand les médecins sont indemnisés jusqu'à 10 euros. Mais les infirmiers sont beaucoup plus nombreux, donc nous augmenter coûterait cher à l'Assurance maladie, grimace Véronique Bier. Mais c'est aussi le prix à payer pour continuer à soigner tout le monde. L'augmentation du prix de l'essence, il est le même pour nous tous."

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