Le lendemain de son retour de congés, Sébastien Klem, 41 ans, effectue un test PCR, qui s'est révélé positif. Son employeur, l'office HLM M2A Habitat de Mulhouse l'a licencié pour faute grave, lui reprochant d'avoir mis ses collègues en danger.
Le 15 juillet 2020, Sébastien Klem revient de congé et reprend normalement son activité de gestionnaire sinistre à l'office HLM M2A de Mulhouse. Le lendemain, après une expertise effectuée dans le quartier des Coteaux, il aperçoit un stand drive de dépistage COVID sur le parking d'un hypermarché. Il s'arrête et effectue un test PCR puis retourne à son bureau.
"A part une légère toux, je n'avais vraiment aucun symptôme", explique Sébastien Klem, 41 ans. "Il s'agissait d'une opportunité sur ma route, je n'ai fait que suivre les recommandations du gouvernement, l'appel à réaliser des tests était tellement médiatisé, raconte-t-il. Je me sentais en pleine forme, la veille, j'étais même allé courir".
Le soir-même, il reçoit le résultat : positif. Sébastien Klem prévient alors immédiatement son employeur. Il est mis en quatorzaine, avec sa fille de 4 ans.
Malgré la réalisation de ce test le 16 juillet 2020 dans la matinée, et malgré le risque que vous faisiez courir aux autres collaborateurs, vous avez repris votre activité professionnelle l'après-midi et avez côtoyé vos collègues de travail alors que vous aviez des doutes sur votre état de santé en allant réaliser le test Covid-19. Votre comportement est totalement irresponsable et constitue une violation de votre obligation de sécurité.
Mis à pied puis licencié pour faute grave
Mi-août, Sébastien Klem reçoit un recommandé le convoquant à un entretien préalable de licenciement pour faute grave. Sa direction lui reproche de ne pas avoir appliqué l'obligation de sécurité ; il n'aurait pas dû aller retourner au travail après le test. "On ne fait pas un dépistage si on n'a pas de suspicion", affirme la direction des ressources humaines dans le courrier.La direction de l'office avance une version différente de celle de son ex-salarié : "Il était pâle, avait les yeux rouges et une forte toux, nous ont ses collègues qui s'inquiétaient". Eric Peter, le directeur général ajoute même : "il avait de la fièvre, il l'a dit à ses collègues. Ces derniers nous ont fourni des attestations écrites".
Dans la lettre de licenciement, il est précisé à Sébastien Klem qu'il aurait dû rester chez lui, et pourquoi pas faire du télétravail, dans l'attente des résultats du test. La société met également en avant le non-respect des protocoles santé et sécurité mis en place au sein de l'office pour faire face aux risques Covid-19, ce qui a entraîné une violation de l'obligation de sécurité. En effet, un questionnaire auto diagnostic envoyé par mail aux salariés dès le 11 mai demande à ces derniers de rester chez eux au moindre symptôme. Des symptômes détaillés sur cette fiche ci-dessous. Or la toux n'y apparait pas.A l'annonce de la positivité du test, il y a eu un vent de panique à l'office. La direction a dû mettre un étage entier à l'arrêt, mais ce n'est pas ce qui la gêne le plus : "c'est le fait qu'il a joué avec la vie de ses collègues, des locataires et des fournisseurs", insiste Eric Peter, son directeur général.
"On ne joue pas avec la vie des gens"
"On ne joue pas avec la vie des gens". Eric Peter explique qu'il n'avait pas d'autre choix que de licencier "vu la gravité des faits, il n'y a pas d'autre sanction possible".
Sébastien Klem a porté l'affaire devant les Prud'hommes et argue de sa bonne foi en expliquant que s'il avait eu une suspicion, jamais il n'aurait fait garder sa fille par ses parents, personnes âgées et à risque. De plus, il a fourni un certificat médical qui ne relève qu'une légère toux et aucun autre symptôme n'est mentionné. Aujourd'hui encore, il a du mal à réaliser ce qui lui arrive "Je vais faire un test et je suis puni, je me retrouve au chômage. Si j'avais pas fait de test, j'aurais encore mon emploi, mais j'aurais peut-être tué des gens".
Code du travail
Il y a en effets deux éléments du code du travail qui viennent se contredire. D'une part, le respect de la vie privée et du secret médical, et de l'autre, l'obligation de protéger les collègues, dans le cas d'une maladie contagieuse, selon les explications de maître Laurent Toussaint, avocat spécialiste du droit du travail, "et là dessus, le code du travail n'a pas réponse". C'est là-dessus que devra trancher la justice.En attendant, Sébastien Klem, est au moins soulagé d'une chose, il n'a contaminé personne, ni dans sa famille, ni dans son travail.