Du 10 octobre au 7 février 2025, les citoyens sont invités à participer au débat public organisé autour du projet de recyclage de métaux faiblement radioactifs à Fessenheim. Ce "technocentre", qui serait implanté sur le site de l'ancienne centrale nucléaire, soulève un certain nombre de questions susceptibles de polariser l'opinion ces prochaines années.
Fessenheim a beau avoir vu sa centrale démantelée en 2020, la commune du Haut-Rhin n'a pas tourné la page du nucléaire pour autant. Ce jeudi 10 octobre sera lancé un débat public autour du projet de "technocentre" porté par EDF sur la zone des anciens réacteurs. Il s'agit d'un site industriel destiné à traiter des métaux issus d'usines nucléaires démantelées, "en vue de les valoriser et de les recycler", indique la Commission nationale du débat public (CNDP).
Concrètement, si ce projet au budget de 450 millions d'euros se concrétise, il deviendra le lieu où l'on envoie tous les déchets nucléaires dits "très faiblement radioactifs" (TFA). Ce sont par exemple des morceaux de béton ou des gravats stockés au Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (Cires) dans l'Aube. Ce site a une capacité de stockage limité, et face au volume de déchets TFA de plus en plus important prévu sur ces prochaines décennies (jusqu'à 2 300 000 m³ selon un rapport, alors que la capacité de stockage du Cires n'est que de 650 000 m³), la France a besoin d'une solution alternative.
Le technocentre de Fessenheim pourrait bien être cette solution. À ceci près qu'il ne s'agira pas de stockage, comme dans l'Aube actuellement, mais de recyclage des déchets. Ces morceaux d'acier radioactifs seront en effet fusionnés "en lingots" de fonte ou d'acier, selon EDF et réutilisables par les acteurs industriels dans des secteurs comme l'électroménager.
La radioactivité des déchets traités en question
Il sera donc possible de retrouver des restes de déchets nucléaires "très faiblement radioactifs" dans vos poêles ou vos casseroles. Selon les associations qui s'érigent contre le projet depuis plusieurs années, ce n'est pas souhaitable. "La radioactivité, disséminée dans les aciers recyclés à Fessenheim, irradiera votre quotidien", écrit ironiquement Stop Fessenheim dans sa brochure contre le projet.
Face à ces inquiétudes, EDF affirme que l'exposition radioactive sera "300 fois moins que celle due à l'exposition moyenne liée à la radioactivité naturelle en France". "L'usage du produit ne nécessitera donc pas de mesure particulière de radioprotection, aussi bien dans les installations métallurgiques l'utilisant comme matière première que pour les usagers des biens fabriqués à partir de ce produit", ajoute le porteur de projet. "On projette de travailler avec des fondeurs régionaux pour qu'ils transforment ces lingots pour leurs clients", annonce le directeur EDF du site Laurent Jarry à la présentation du débat public ce 8 octobre.
Dans quelle mesure la "très faible" radioactivité de ces déchets est-elle inoffensive pour les voisins de l'usine et pour les usagers des produits en partie composés des futurs lingots recyclés ? Il s'agira assurément de l'un des points d'achoppement de ce débat citoyen.
Transport des gravats et attractivité du territoire
Localement, la gêne potentielle occasionnée par le transport des déchets pourrait également être abordée. "Un technocentre, c'est d'innombrables transports de matériaux radioactifs convergeant de toute l'Europe vers l'Alsace", écrit Stop Fessenheim dans sa brochure. EDF confirme dans son document que "les métaux de plus petites dimensions seront acheminés par voie routière et/ou ferrée", sans donner de chiffre prévisionnel précis. Par ailleurs, les "gros composants" seront transportés "par voie fluviale puis voie routière".
Enfin, les retombées économiques pour le territoire devraient aussi être discutées. Le projet devrait amener 180 emplois pérennes à partir de 2031, date de la mise en service prévue. Auparavant, la phase chantier représentera environ 150 à 180 emplois, "avec des pics pouvant atteindre 300 personnes".
"Ce technocentre ne suffira pas à retrouver le niveau d'emploi qui était celui du site de Fessenheim pendant l'exploitation de la centrale, par contre il maintient une activité réelle de production sur ce site", estime de son côté le député Les Républicains (LR) Raphaël Schellenberger, engagé sur ce projet en tant que président de la commission locale d'information et de surveillance (Clis) de Fessenheim. La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020 a entraîné la destruction d'environ 2 000 emplois directs et indirects dans ce territoire rural, à mi-chemin entre Colmar et Mulhouse et frontalier de l'Allemagne.
Cette contribution au dynamisme économique du territoire est relativisée par les opposants qui estiment qu'une telle installation pourrait aussi faire figure d'épouvantail pour les entreprises qui voudraient s'installer sur le secteur.
La parcelle envisagée pour le technocentre est un terrain de 15 hectares à proximité de celui occupé par les deux réacteurs à eau pressurisée mis à l'arrêt définitif en 2020. La première réunion publique aura lieu lundi 14 octobre à 18 h 30, à Fessenheim. À l’issue du débat public, le porteur du projet devrait obtenir une autorisation environnementale et une dérogation au code de la santé publique afin que les lingots produits dans l'usine puissent être utilisés.