Des agriculteurs de Jebsheim (Haut-Rhin) souhaitent se retirer de la convention de protection du grand hamster. Après le dernier comptage, qui révélait la présence de trois spécimens, ils estiment que le programme a échoué. Un arrêté préfectoral pourrait leur imposer une zone prioritaire pour la biodiversité.
À Jebsheim, malgré les mesures de protection, les grands hamsters se font rares. Le dernier comptage, remontant au printemps, n'en dénombrait que trois. Dans le Haut-Rhin, la population a été décimée alors qu'ils étaient environ 4000 en 1979.
De quoi démotiver les agriculteurs signataires de la convention de protection du rongeur. Convention lancée en 2013, renouvelable tous les cinq ans, signée par 230 agriculteurs. Cette année, dans la commune haut-rhinoise, ils sont plusieurs à ne pas vouloir la renouveler, quitte à renoncer aux compensations.
Des résultats pas à la hauteur des investissements
D'abord parce qu'ils ont l'impression de s'être engagés pour un résultat quasi nul, ensuite parce qu'ils estiment travailler en étant insuffisamment rémunérés. Joël Henny, agriculteur et maire de Jebsheim, est partie prenante depuis dix ans dans cette démarche de réintroduction de l'animal. Aujourd'hui, il veut en sortir.
Un tiers de la surface de son exploitation est consacré à la culture du blé, surface minimale requise par la convention. Le blé est en effet une céréale favorable au hamster, comme la luzerne et l'orge. Mais, affirme l'agriculteur, "même avec les compensations, [500 euros à l'hectare], la rentabilité est insuffisante par rapport au maïs plus rémunérateur. Notre sol ici est très caillouteux, le blé a du mal à y pousser en période de sécheresse. On récolte en moyenne 70 quintaux les bonnes années, alors qu’avec le maïs, on arrive à faire 140 quintaux".
Il faut donc tout simplement arrêter la réintroduction du hamster sur Jebsheim, conclut Joël Henny. Même constat pour un autre agriculteur qui plante du blé en bio depuis plusieurs années sur une parcelle de six hectares. Ici, une dizaine de hamsters ont été réintroduits en 2013. Mais Pierre Zimmerlin a l'intention lui aussi de sortir de la convention. Trop de travail, trop de contraintes, pas assez rentable. "Aujourd’hui c’est trop compliqué. On s’est démené pour rien, vu que le hamster ne se développe plus comme il devrait. C’est une dépense énorme pour un résultat très faible".
Après la carotte, le bâton
Malgré les 15 millions d'euros injectés par l'État dans le programme de réintroduction du grand hamster en un peu plus de dix ans, à Jebsheim, on déchante. Ce n'est pas faute d'avoir mis en garde les agriculteurs, observe René Ritzenthaler, éleveur bovin et producteur laitier, sceptique depuis toujours. Méfiant, il est l'un des rares à ne pas avoir signé la convention. "On leur tendait une carotte, mais un jour, ce sera le bâton. Ce jour risque d'arriver, car on est sous la menace d’un arrêté préfectoral qui nous imposerait de cultiver des cultures non rentables".
Cet arrêté préfectoral, les Haut-Rhinois réfractaires le craignent. Il consisterait à la mise en place obligatoire d'une zone prioritaire pour la biodiversité (ZPB). "On ne préserve pas quelque chose qui n’existe pas. On en a compté trois cette année", avance René Ritzenthaler. De plus, les compensations pour les agriculteurs ne seraient pas automatiques puisque ne procédant plus d'une démarche volontaire de leur part.
Mieux rémunérer les agriculteurs
Jean-Paul Burget, président de l’association Sauvegarde faune sauvage, est à l’origine de la préservation de l’espèce dès les années 1990. Il dénonce de faux arguments de la part des agriculteurs qu'il soupçonne de vouloir planter du maïs plus rentable pour eux. "Ils se retirent parce qu'ils sont incités à faire du maïs. Or, dans le Haut-Rhin, cette culture a conduit à la disparition du hamster et de 80% de la flore et de la faune en plaine". Pour les quelques agriculteurs qui veulent maintenir le blé en faveur du hamster, il reconnaît qu'ils devraient être rémunérés correctement. Condition indispensable pour les maintenir dans la convention.
Le président de l'association a porté plainte contre l'État français qu'il accuse de ne pas avoir fait son travail. "Dans le Haut-Rhin, c'est le foutoir. L'État a laissé les grandes exploitations en monoculture de maïs se développer au détriment de la biodiversité". Un résultat d'autant plus affligeant pour ce militant de la cause du grand hamster que dans le Bas-Rhin la situation est complètement différente. Dans ce département, il a été dénombré 1155 terriers pour une population d'environ 4000 individus.