Une réserve naturelle à la place d'un champ de maïs, comment cette île s'est métamorphosée en 10 ans

En 2014 débutait la renaturation d'une partie de l’île située entre le Grand canal d'Alsace et le Rhin au niveau de Kembs (Haut-Rhin). Le projet, mené par la Petite Camargue alsacienne, a démontré que la monoculture du maïs peut céder la place à un paysage de plaine alluviale riche en écosystèmes.

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Là où ne s’étendait qu’un désert de terre et de cailloux, l'eau s'est remise à couler. La scène se passe en septembre 2014 sur l'île du Rhin, en face de Kembs (Haut-Rhin), après une phase préliminaire de travaux et au moment où la Petite Camargue alsacienne rouvre un bras du fleuve resté longtemps asséché. 

Sur 90 hectares de réserve naturelle, cette remise en eau était l'aboutissement d’un projet lancé à la suite du renouvellement de la concession de l’exploitation du Rhin. EDF, propriétaire des lieux, s’était engagée à rendre cet espace à la nature, jusqu'alors voué à la monoculture du maïs.

La création d'écosystèmes

Baptisé le Petit Rhin, le cours d'eau, alimenté en amont par le Grand canal d'Alsace, s'étend aujourd'hui au milieu d'un paysage de plaine alluviale sur un parcours sinueux de presque sept kilomètres. Un paysage ouvert, complètement remodelé, tel qu'il en existait autrefois en région rhénane. "Ce paysage a été recréé sur la base d'une étude topographique. Un bras a été creusé sur l’emplacement d’un ancien bras du Rhin et tous les remblais issus de ce creusement ont été utilisés sur place pour réaménager des écosystèmes", explique Léa Merckling, conservatrice de la Petite Camargue alsacienne.

Dans le cours principal et ses nombreux petits bras secondaires, sur ses rives et alentour, des écosystèmes jusqu'ici disparus ont ainsi repris vie. Comme sur les zones de semi-pâturage où des chevaux Konik-Polski vivent en toute liberté depuis 2018, suivis l’année suivante par des vaches Highland. Ces grands herbivores, installés par la Petite Camargue alsacienne, aident à maintenir ouvert les milieux et à contrôler une végétation qui a repris ses droits. "Ces animaux se nourrissent sur site toute l’année. Ils broutent des herbes, des arbustes et des petits arbres. Ils laissent de grandes zones sans trop de végétations, ce qui permet à certaines espèces de s’installer, des oiseaux en particulier", explique la conservatrice.

L'action positive des grands bovins

Une centaine d’oiseaux ont ainsi été observés sur le site, la pie-grièche écorcheur ou le martin-pêcheur notamment. Mais aussi une trentaine de papillons. Autant d'espèces qui n'étaient pas là il y a encore dix ans. Plus récemment, le castor, jadis très présent sur le Rhin, a fait son retour. "C’est une grande satisfaction. Un projet comme celui-ci, de dimension européenne, on n'en voit qu’une fois dans une vie. Peu de projets ont bénéficié d’un tel investissement pour un retour à la nature", se réjouit Léa Merckling.  

Après une dizaine d'années, le constat est positif : la renaturation de l'île du Rhin semble aller dans la direction voulue, celle d'un enrichissement de la biodiversité. La question de l'adaptation des chevaux Konik-Polski à leur milieu se posait pourtant au moment de leur installation. "C'est une race très rustique qui s'accommode bien de ce genre d'environnement", souligne Léa Merckling. De cinq au départ, en 2018, ils sont passés à douze, grâce à l'introduction d'un étalon dans le troupeau.

Leur action dans le milieu est complémentaire de celle des vaches Highland, animaux tout aussi rustiques, présents sur d'autres secteurs de la Petite Camargue alsacienne depuis les années 1990. "Vaches et chevaux ont des rythmes de nourrissage complètement différents. Leur répartition dans l’espace aussi est différente même si parfois, ils peuvent se regrouper"

Le travail de renaturation de l'île du Rhin ne s'arrête pas là pour autant. Il ne fait même que commencer. "Le projet n’est pas terminé dans la mesure où on suit la dynamique du milieu. On peut être amené à apporter des corrections. La nature a besoin de temps pour faire son œuvre. Le Petit Rhin, par exemple, a un trajet complet qui doit faire sept kilomètres, mais pour l’instant, il n’est pas arrivé à sa destination finale". 

Si les promeneurs ne sont pas admis dans le périmètre de la réserve, ils peuvent par contre en faire le tour. Des observatoires ont été aménagés en périphérie pour leur permettre de découvrir ce lieu exceptionnel. 

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