Réserve naturelle de l'Île du Rhin, comment la biodiversité retrouve ses droits depuis quelques années

Entre Grand Canal d'Alsace et Vieux-Rhin s'étend aujourd'hui, au niveau de Kembs, une zone naturelle là où ne poussait autrefois que du maïs. Petit à petit la nature reprend le dessus, dans toute sa diversité. C'est du moins l'objectif que s'est donné l'association de la Petite Camargue Alsacienne.

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C'est un petit coin de nature loin de tout, blotti entre le Vieux-Rhin d'un côté et le Grand Canal d'Alsace de l'autre. Un petit bout du monde où la présence humaine se fait rare. Inutile de chercher votre route sur la carte, l'accès est limité aux marcheurs : comptez une bonne heure à pied depuis l'écluse de Kembs pour vous y rendre.
 


Et au milieu coule une rivière

Il y a encore quelques années le randonneur ne trouvait ici pour paysage que celui de la monoculture du maïs. Mais en 2014, EDF propriétaire du terrain et l'association de la Petite Camargue Alsacienne, chargée de gérer la future réserve, ont engagé un processus de renaturation pour faire du site un exemple de reconquête de la biodiversité. Après plus d'un an de travaux, une centaine d'hectares a été débarrassée de toute trace agricole, puis aménagée et remblayée pour y faire couler une rivière.
 
 
Baptisé le "Petit-Rhin", le cours d'eau, alimenté en amont par le grand canal d'Alsace, rejoint, après un parcours de sept kilomètres, le Vieux-Rhin en aval. Le nouveau paysage ainsi remodelé s'apparente aux milieux ouverts, déboisés, des plaines alluviales, tels qu'il en existait autrefois en région rhénane. De quoi concrétiser là les rêves les plus fous de Philippe Knibiely, le directeur de la réserve. "Inutile d'essayer de revenir à l'état originel, ce qui a disparu a disparu à tout jamais, mais on peut essayer de s'en approcher et ce bras d'eau va jouer son rôle."
 

L'arrivée des grands herbivores

Quelques mois après la mise en eau du site, les résultats sont déjà visibles : oiseaux, insectes et plantes qu'on n'avait plus vus depuis longtemps ont fait leur retour. Aigrettes, libellules et autres crapauds ont trouvé là un territoire propice à leur développement. Sans compter les saumons, réintroduits après leur élevage en pisciculture, qui peuvent circuler librement grâce à la passe à poissons. Un constat très encourageant pour Philippe Knibiely mais pas suffisant : "Pour entretenir ce milieu ouvert, il n'y a pas mieux que les grands herbivores".
 

Cinq chevaux Konik Polski, trois juments et deux hongres, ont été amenés sur le site en septembre 2018. Livrés à eux-mêmes sur trente hectares, ils vivent leur vie de cheval sans intervention humaine, comme leurs ancêtres des plaines centrales européennes il y a quelques milliers d'années. De constitution robuste ces chevaux s'adaptent très bien à ces milieux rustiques constitués d'herbes sèches. Comment vont-ils s'adapter à leur milieu, comment le milieu va-t-il s'adapter à leur présence ? Réponse d'ici quelques années. Si l'expérience est concluante, des étalons viendront enrichir le cheptel en 2020.

En période estivale, moutons et chèvres, viennent aussi jouer leur rôle de tondeuse depuis trois saisons. Le berger dispose d'un enclos pour faire brouter une trentaine de bêtes. Tout y passe et surtout les plantes invasives : les moutons font le tri entre le bon et le mauvais...
 

Déjà bien installées depuis plusieurs années sur le site de la Petite Camargue Alsacienne, les Highlands Cattle vont faire leur arrivée au printemps prochain pour compléter l'action des chevaux. Ces vaches écossaises "ne dédaignent pas à l'occasion les tiges dures" , alors que les Konik sont plus amateurs d'herbes rases.


Un laboratoire grandeur nature

La présence humaine est tolérée mais Philippe Knibiely préfère autant maintenir les visiteurs à distance. Les chevaux, notamment, ont besoin d'évoluer dans un environnement sauvage autant que possible. Un observatoire a été installé aux abords du site de manière à observer sans être vu et à influer le moins possible sur le milieu. Un sentier de découverte va être aménagé au printemps prochain, qui devrait permettre au public d'approcher au plus près ce laboratoire grandeur nature sans trop interférer sur son évolution. Le but de l'opération pour Philippe Knibiely et les chercheurs de la maison de recherche de la Petite Camargue Alsacienne est de développer un îlot de biodiversité dans un océan de vie plus en plus pauvre. Rendez-vous d'ici une décennie pour tirer les premières conclusions.



 
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