Le village de Rorschwihr (Haut-Rhin) n'a jamais eu les moyens de relever l'orgue de son église, des travaux chiffrés à plus de 100 000 euros. Une somme impossible à payer pour cette commune de 382 habitants. Alors des bénévoles se sont attelés à la tâche, pour faire baisser la facture.
Il y a les boutons en bois, refaits à l'identique par Fernand, un retraité du village, ébéniste amateur. On les croirait d'origine. "Il est très discret mais terriblement efficace", assure le président du conseil de fabrique de Rorschwihr, Dominique Schaeffer. "Et c'est aussi Fernand qui a restauré des morceaux de bois en queue-d’aronde, il a fait un super boulot et très rapidement !"
Et puis il y a Joseph, un électricien à la retraite, qui a refait tout le système électrique. "Il a tout mis aux normes, détaille encore Dominique Schaeffer. Et puis il a fallu qu'il fasse une clef spéciale, que garde l'organiste quand il quitte l'église et qui met tout l'orgue hors tension, c'est une sécurité."
Et tout le reste, c'était "à la portée de tous : démonter puis remonter l'orgue, nettoyer le bois et passer du fongicide dessus. Puis refermer les trous des insectes par de la colle à bois. Et nettoyer aussi les hanches en étain et en laiton. Les nettoyer et les coller sur une planche en bois pour se souvenir précisément de l'endroit où elles allaient. C'est un travail très minutieux, mais à la portée de tout le monde."
C'est surtout un travail de fourmi qui a duré trois mois. Trois mois de travail pour une douzaine de bénévoles, sous la houlette du facteur d'orgues, Michel Gaillard.
C'est le facteur d'orgues qui a établi le programme de travail. Il surveille ensuite l'évolution des travaux et dirige les équipes. "Au début, c'était très difficile pour les bénévoles de comprendre la montagne de travail sous-terrain à faire et à quoi elle va servir", explique Michel Gaillard.
Petit à petit, la montagne diminue. "Et c'est seulement quand le chantier arrive à son terme et que la musicalité revient, que le travail prend tout son sens. Les bénévoles ont laissé chacun leur trace dans l'orgue, pour l'éternité", assure Michel Gaillard.
Un orgue Callinet d'origine
L'orgue de Rorschwihr est un orgue Callinet, des orgues aussi prestigieux que les Silbermann. Celui-ci date de 1839 et il n'avait jamais été restauré. "C'est un orgue qui illustre parfaitement le mariage entre la culture française et la culture allemande", explique le facteur d'orgues.
Certaines pièces avaient été modifiées au fil du temps, quelques pièces remplacées par nécessité. Mais à force de bricolage, une restauration était devenue indispensable.
Michel Gaillard explique qu'"il y a eu beaucoup d'interventions malheureuses, avec une sorte de hardiesse, tout au long de la vie de l'orgue. Notre travail a été de restaurer l'instrument dans l'esprit d'un instrument historique en gardant tout ce qu'il était possible de garder. Vous voyez quelques pièces neuves ici et là, parce qu’elles étaient trop vermoulues pour être conservées. Elles ont été refaites en copie du modèle, comme si une entreprise les avait faites. Mais ça a été un travail participatif".
Et on peut déjà entendre le résultat. La plupart des 953 tuyaux d'orgue sont à leur place, plus de fausses notes. Après trois mois de travail, l'orgue est en place et il sera prêt pour les deux mariages qui seront célébrés au mois d'août.
Au final, la dépose de l'orgue aura coûté 30 000 euros, au lieu des plus de 100 000 prévus au départ. Dernière pièce maîtresse : la façade de l'orgue. Les tuyaux en étain avaient été réquisitionnés en 1917 et fondus, avant d'être remplacés par des tuyaux en zinc. Les nouveaux sont commandés et arriveront l'année prochaine. Encore un peu de patience et l'orgue de Rorschwihr rejouera comme aux premiers jours de sa fabrication.