Attaques du loup : "ça ajoute du stress et du dégoût à un métier qui peine à recruter", selon les éleveurs de moutons

Les récentes attaques de troupeaux de moutons en Haute-Marne par un loup ont poussé les services de l'Etat à organiser le 30 septembre, une réunion avec les agriculteurs concernés. Un nouveau périmètre est en négociation pour les indemnités, mais le moral des éleveurs est touché.

Le loup rôde en Haute-Marne et le ras-le-bol des éleveurs est palpable. Exaspérés, ils attendent des réponses efficaces de l'Etat souvent jugé trop timoré sur ce sujet.

Les agriculteurs haut-marnais se mobilisent donc : ils étaient une vingtaine à la table des discussions lors de la réunion de travail organisée vendredi 30 septembre à Poissons. « Nous les avons bien surpris. Ils ne s’attendaient pas à nous voir aussi nombreux ».

Face à eux, quatre agents de la direction départementale des territoires (DDT). Grand absent de cet échange : l’Office Français de la biodiversité (OFB) dont les agents dressent pourtant les constats d’attaque du grand canidé.

« L'OFB minimise le nombre d’attaques. Les agents ne tiennent volontairement pas compte de la frontière avec la Meuse et les Vosges où les dégâts sont aussi nombreux. Au total, ce n’est pas une trentaine, mais plutôt une cinquantaine d’attaques de loup sur les troupeaux qui ont été comptabilisées depuis le début de l’année pour ce secteur géographique », glisse Dominique Muller, éleveur de 200 moutons à Thonnance-les-Moulins.

En 2021, Dominique Muller a perdu plusieurs bêtes à cause de ce prédateur protégé au niveau international depuis 1990. Cette nouvelle rencontre avec les services de l'Etat est toujours intéressante pour la filière, mais elle ne permettra pas de clore ce dossier, selon lui. "Ces réunions de travail ne régleront pas le problème. On ne peut pas empêcher un loup de circuler. C’est impossible. Le loup est un animal très intelligent qui trouve toujours la faille. Aujourd’hui, j’ai installé des clôtures électriques à 6 fils et de 1m60 de haut. Pour l’instant, pas d’attaque, mais rien en dit que cela ne sera pas bientôt le cas", soupire Dominique Muller éleveur d'ovins en Haute-Marne.

Ces réunions de travail ne régleront pas le problème. On ne peut pas empêcher un loup de circuler. C’est impossible. Le loup est un animal très intelligent qui trouve toujours la faille.

Dominique Muller

éleveur de moutons à Tonnance-les-Moulins

Selon cet agriculteur, les services de l’Etat ne sont pas assez investis quant à la protection des troupeaux. « Ils nous proposent plutôt un budget pour nous aider à améliorer nos clôtures électriques, voire des filets qui empêchent peut-être le loup de rentrer dans la parcelle, mais qui sont souvent détruits par d’autres animaux comme les sangliers, les cerfs… », constate-t-il désabusé.

Même son de cloche pour Jean-Pierre Dutilleul, un petit éleveur de moutons à Vaux-sur-Saint-Urbain. Depuis le début de l’année, il a perdu 4 brebis sur les 15 à l'origine de son modeste troupeau. "Les solutions de l’Etat, c’est d’abord un investissement supplémentaire. Refaire les clôtures. Débroussailler les coteaux…. Il y aura des terrains, jugés trop accidentés, qui ne seront plus accessibles, car on ne pourra pas y mettre de clôture. C’est tout l’élevage amateur, avec l’utilisation du mouton comme aide au désherbage par exemple, qui va disparaître".

C’est tout l’élevage amateur, avec l’utilisation du mouton comme aide au désherbage par exemple, qui va disparaître.

Jean-Pierre Dutilleul

éleveur de moutons à Vaux-sur-Saint-Urbain

La cohabitation avec les élevages est devenue conflictuelle au fur et à mesure de la réintroduction du loup. « De nos jours, est-ce que ce prédateur a encore sa place en Haute-Marne ?, interroge Jean-Pierre Dutilleul. On ne sait pas. Aujourd’hui les attaques concernent les moutons, mais demain, cela peut être les veaux. Et puis le loup va se reproduire, se multiplier et il y aura des meutes qui feront davantage de dégâts et seront plus difficiles à gérer.»

Pour David Thenail, directeur de la coopérative agricole COBEVIM présente dans 18 départements, ce phénomène menace l’avenir de la profession. Le retour du loup détériore des filières organisées depuis plusieurs dizaines d’années.

Nous avons du mal à renouveler les générations d’éleveurs, à installer des jeunes pour l’élevage de moutons. Ces difficultés rajoutent un stress, du travail et un peu de dégoût à un métier qui peine à attirer.

David Thenail

directeur de la coopérative agricole COBEVIM

Vendredi 30 septembre, les représentants de la direction départementale des territoires ont sondé les agriculteurs quant à la possibilité d’instaurer cette année en Haute-Marne, un cercle 1. C’est-à-dire un troisième cercle de prédation, plus resserré autour du secteur de Joinville-Poissons où se concentrent les attaques du loup sur les cheptels domestiques.

Un périmètre pour définir les aides financières 

Une proposition discutée par les éleveurs qui donneront leur avis le 4 octobre, lors de la Cellule veille Loup organisée à la préfecture à Chaumont.

« Il y a des avantages reconnaît David Thenail. Le montant d’indemnisation alloué à l’éleveur pourra monter à 31 500 euros sur une période de 5 ans au lieu de 11 000 euros. En revanche, il faudra obligatoirement que le troupeau soit protégé comme il faut, avec un minimum de deux systèmes de protection : clôture électrique, deux chiens ou clôture électrique et surveillance quotidienne avec berger. S’il y a plus de trois attaques en un an sur une parcelle, elle en sera plus concernée par une indemnisation. »

Un système de calcul qui exclurait de fait les petits élevages. "Pour moi, les éleveurs n’en voudront pas", confie le directeur de la COBEVIM. 

Quant aux services de l’Etat présents lors de la réunion de travail, ils n’ont pas souhaité s’exprimer pour l’instant. La préfecture de la Haute-Marne fera des annonces le 4 octobre aux éleveurs lors de la cellule de veille du loup programmée à Chaumont.

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