Lundi 22 juillet 2019, Manon Darras, une artiste de Chaumont (Haute-Marne) a sorti un clip qui change de ce qu'elle partage habituellement. Cette vidéo met en scène huit femmes malades d'un cancer du sein ou en rémission.
Sourire aux lèvres, les yeux qui pétillent à l’entrée de la boutique de Manon Darras à Chaumont en Haute-Marne, Sandrine accueille Angelina qu’elle voit pour la première fois. Pourtant, les deux femmes se connaissent, elles se sont rencontrées virtuellement il y a quelques mois dans un groupe Facebook consacré au clip "La bête".
Ce clip, c’est Manon Darras qui l’a imaginé et mis en scène sur un texte qu’elle a écrit pour parler du cancer du sein. L’artiste chaumontaise a décidé d’écrire et de travailler sur cette maladie après avoir vu une de ses amies traitée pour cette maladie.
Manon Darras : « Elle donnait le change pour ses filles ! »
"Dany était venue me voir un samedi après-midi à la boutique avec son mari et ses enfants. Elle avait l’air en forme, elle blaguait, j’étais contente de la voir comme ça. Elle m’a confié qu’elle était en fait très mal, mais qu’elle donnait le change pour ses filles. Ça m’a interloqué, elle avait l’air si bien la veille. Alors je l’ai appelé et on a discuté. Elle m’a confié qu’elle était en fait très mal, mais qu’elle donnait le change pour ses filles. Qu’elle n’avait pas le droit de le montrer. Après avoir raccroché, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai écrit. Les mots sont venus tous seuls. Je lui ai envoyé le texte et elle m’a dit que c’était tout à fait ce qu’elle ressentait", explique l’artiste.Suite à ça Manon a proposé de mettre en musique ce texte au musicien avec qui elle travaille Jean-Christophe Schlick, dont la compagne est elle aussi malade. Touché par le sujet, il a tout de suite accepté et proposé un morceau au piano. Il aura fallu quatre mois, pour concrétiser ce projet débuté en mars 2019. En tout, huit femmes malades ont participé à ce clip. Certaines se sont tout de suite lancées comme Karine Oth, diagnostiquée en octobre 2018.
"J’ai appris que j’étais malade à la fin des vacances scolaires, mon fils revenait de vacances chez ses grands-parents. Il savait que je faisais des examens médicaux. Le soir où j’ai appris que j’étais malade, je venais de le récupérer et il est venu me poser la question. Je n’ai jamais rien caché à mon fils, je lui ai expliqué avec mes mots", confie Karine, les larmes aux yeux.
La maladie, ces femmes la vivent au quotidien sans répit. "Parfois on a juste envie de rester coucher des jours, et qu’on nous fiche la paix. Et ça ne veut pas dire qu’on ne veut pas se battre, car on se bat pour nos enfants, nos familles, pour nous, ça veut juste dire qu’on a mal, qu’on est fatiguées et qu’on en a marre", développe Karine. À côté d’elle, Sandrine et Angelina hochent la tête, elles comprennent, approuvent ce qu’elle dit. Elles parlent enfin avec des personnes qui ressentent des choses similaires à elles au quotidien.
Sur les huit participantes, elles sont donc trois à s’être retrouvées le 23 juillet 2019, le lendemain de la sortie du clip, chez Manon Darras pour échanger à propos de cette expérience. Pour Sandrine et Karine, les tournages et séances photo ont été de vraies thérapies. Pour Angelina qui a "tout perdu à cause du cancer", ce clip fut un moyen d’exprimer sa colère. "On voit les amis ne plus prendre de nouvelles du jour au lendemain. En revanche, on voit des gens sur lesquels on n'aurait pas forcément cru pouvoir compter s’inquiéter réellement pour nous", affirme-t-elle.
Et c’était l’un des buts de ce clip justement, faire bouger les codes et changer le regard des autres sur la maladie."Ça reste tellement un sujet tabou. On a le cancer, on devient pestiférés et le regard des autres changes, les amis changent. Et je pense que c'était vraiment important d’en parler", affirme Sandrine Martin. "Dans la société actuelle, on a tendance à minimiser le cancer, on nous dit ça se soigne. Mais à quel prix, il faut les subir les soins", rajoute Karine.
En quelques heures à peine après sa sortie sur les réseaux sociaux, le clip avait été vu plus de 3.700 fois. Dans leur ensemble les retours faits à Manon, Karine, Sandrine et Angelina sont positifs. Ce qui donne envie à certaines d’entre elles de développer le projet et d’en faire pourquoi pas une pièce de théâtre.