Européennes 2024. Simone Martin, élue parmi les premiers députés européens élus au suffrage universel

En 1979, Simone Martin, originaire de Haute-Marne, faisait partie des premiers députés européens élus au suffrage universel. Une expérience de la construction européenne qui lui a permis de participer à la mise en oeuvre de projets politiques de grande ampleur et de côtoyer des personnalités exceptionnelles.

C’était il y a 45 ans, en 1979. Simone Martin s’apprêtait pour la première fois à entrer au Parlement européen. Pour la première fois, également, les députés européens étaient élus au suffrage universel. "Ça n’a plus rien à voir avec ce qu’on vit aujourd’hui", admet cette habitante de Haute-Marne en repensant à ses quinze ans de mandat au Parlement de Strasbourg.

Ce mandat de députée européenne a été une opportunité inattendue que Simone Martin a saisie dans une vie pourtant déjà bien remplie. Active durant de longues années dans le syndicalisme agricole, Simone Martin accepte de rentrer en politique dans les années 70.

"J’avais été vice-présidente du Centre national des Jeunes Agriculteurs et à la fin de mon mandat, Jacques Blanc, ancien secrétaire d'État à l’agriculture, m’avait proposé d’entrer au Parti Républicain. Je n’étais pas très motivée, j’avais fait pas mal de mandats syndicaux, je pensais rentrer à la maison tranquille", dit-elle dans un rire.

Convaincue par son mari, agriculteur à Thonnance-les-Moulins en Haute-Marne, elle finit par accepter et son aventure politique prend un tour inattendu en 1979 : Jacques Blanc, encore lui, lui propose cette fois-ci de se lancer dans la campagne des Européennes. "Ce mandat intéressait assez peu les politiques, donc beaucoup de gens de la société civile comme on dirait aujourd’hui ont été investis. Comme la politique agricole commune faisait partie quand même des politiques importantes de l'Europe à cette époque, j’ai dit oui. Et voilà comment je me suis retrouvée sur la liste menée par Simone Veil."

Sous la présidence de Simone Veil

Symbole à plus d’un titre de cette Europe de la paix et du progrès, Simone Veil est effectivement choisie pour mener la liste de l’Union pour la démocratie française (UDF) au Parlement européen.
 
"Je la connaissais bien sûr comme tout un chacun, mais pas personnellement. Et j’ai rencontré – tout le monde vous le dira – une femme exceptionnelle, à l’aura unique, tous les superlatifs que vous pouvez entendre sont bons. Elle avait une grosse personnalité, une grosse volonté. C’était une femme bien sûr marquée par les difficultés qu’elle a dû rencontrer dans sa vie, mais une femme qui voulait faire avancer l’Europe."


Si Simone Veil est en tête de la liste et sera bientôt élue Présidente du Parlement européen, Simone Martin, elle, est la dernière de la liste. "J’étais en 27e position sur la liste et nous avons obtenu 25 sièges. Finalement, Jean-François Deniau et Gérard Longuet n’ont pas souhaité siéger. J’ai donc été la dernière de la liste à être élue."

En 1979, la Communauté économique européenne (CEE) ne compte que neuf États membres, les six pays fondateurs (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) et les pays du premier élargissement de 1973 : la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark. Membre du groupe libéral, Simone Martin côtoie des députés de tous les pays membres.

"C’était quand même un peu exceptionnel de rencontrer d’autres personnalités d’autres pays. Je n’étais pas habituée à ça. On arrivait à bien discuter malgré tout même si parfois les traductions que nous pouvions avoir ne reflétaient pas toujours le fonds de la pensée des gens… Mais bon, le premier mandat s’est très bien passé."

Une institution strictement consultative

Simone Martin découvre alors une institution très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Créé en 1952, le Parlement européen connaît sa première élection au suffrage universel direct en 1979. Cette élection démocratique lui permettra d’acquérir, avec le temps, de plus en plus de légitimité et de pouvoirs. 

"Notre premier combat était financier, se souvient l’ancienne députée. On voulait avoir la possibilité de voter notre propose budget, ce qui n’allait pas de soi au départ. Ensuite, sur le plan politique, on était là que pour donner un avis. On était seulement une chambre consultative, pas une chambre législative. On avait donc très peu de responsabilités."

Au départ, dans le prorocole, on disait « représentant de l’Assemblée européenne », on n’avait même pas droit au titre de député

Simone Martin, Députée européenne de 1979 à 1994

Beaucoup encore aujourd’hui critiquent le déficit démocratique des institutions européennes et depuis sa création, le Parlement européen n’a cessé de lutter pour gagner des conséquences et des prérogatives.

L’agriculture encore et toujours au cœur du débat

Simone Martin restera députée européenne pendant trois mandats, jusqu’en 1994. Quinze ans durant lesquels elle travaille principalement sur des dossiers encore d’actualité aujourd’hui : l’agriculture et les droits de la femme.

Pour ce qui est de l’agriculture, au début des années 80, les débats portent notamment sur la possible entrée de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté européenne. "Les agriculteurs français n’acceptaient pas cet élargissement, ils craignaient une nouvelle concurrence. Moi, j’étais issue de ce milieu professionnel, donc je comprenais bien leurs craintes, mais je voyais bien qu’on ne pouvait pas faire autrement que d’accueillir ces deux pays. C’était deux pays en difficulté, on ne pouvait pas les laisser en dehors de la communauté."

L’Espagne et le Portugal rejoignent officiellement la CEE en 1986, provoquant la colère des agriculteurs français et quelques frictions avec la députée européenne. "Les syndicats agricoles pensaient que comme j’étais issue des leurs, j’allais accepter tout ce qu’ils disaient. Mais une fois élue au Parlement européen, on a un autre regard. On ne réfléchit plus simplement vis-à-vis de son milieu, on a une vue d’ensemble, une vue plus géopolitique."

Quarante ans plus tard, les agriculteurs espagnols restent encore dans l’actualité. Leurs fruits et légumes se retrouvent abondamment dans nos supermarchés et les agriculteurs français sont toujours mobilisés.

Un débat décevant

Aujourd’hui encore, Simone Martin reste attentive à la campagne électorale en cours même si elle regrette le manque de hauteur des débats pour les élections européennes du 9 juin 2024.

"On doit se demander comment faire avancer l’Europe. On voit bien aujourd’hui avec la guerre en Ukraine qu’on ne peut pas rester tout seul. Par rapport à la Russie, la Chine et tous ces grands Etats, qu’est-ce que ferait la France toute seule ? Et là, le débat aujourd’hui, c’est pour ou contre Macron, comme si c’était une élection présidentielle ! Mais ça ne doit pas être ça, le débat aujourd’hui. On doit parler de l'Europe que l'on veut pour demain."

Si Simone Martin admet les excès administratifs de la bureaucratie européenne, elle regrette également le réflexe de certains partis à vouloir sans arrêt dénigrer l’Europe. Devenue députée européenne, un peu par hasard, elle reste encore et toujours une Européenne convaincue.

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