La fédération des chasseurs de Haute-Marne se mobilise ce dimanche 19 février contre l’interdiction de l’agrainage dans tout le département. Une technique de dissuasion pour empêcher le saccage des récoltes par les sangliers pourtant nécessaire pour la fédération.
Il y a se faire entendre et être écouté. Une chose est sûre, les chasseurs haut-marnais ont fait du bruit ce dimanche 19 février dans les rues de Chaumont, cornes de chasse à la main et gilets orange sur le dos. Dans le viseur de la fédération : l’interdiction, depuis le 1er décembre 2022 de l’agrainage mais aussi du prolongement de la période de chasse alors que les populations de sangliers baissent. "Le problème c’est que l’administration veut prendre la main sur le monde de la chasse et nous imposer des mesures qui sont contre-productives et idiotes. Donc le seul moyen d’inverser la tendance, c’est de se montrer" explique un ancien louvetier interrogé dans le cortège par notre journaliste Mathis Lescanne. Ils sont plus d'une centaine à défiler avec, tous, le sentiment de n'être ni entendu, ni compris. "C’est un mal-être du monde rural, la chasse en faisant partie. Nous ne sommes pas reconnus, on ne nous écoute pas. On nous fait passer pour ce qu’on n’est pas donc, à un moment, on dit stop" abonde un autre chasseur en gilet orange dans le défilé.
Depuis plus d'une semaine, la fédération de chasse de la Haute-Marne invite à suspendre toute activité mais aussi l'indemnisation des dégâts causés aux cultures par le gibier, les sangliers notamment. "Si on n’est pas entendu, on cessera purement et simplement l’action de chasse et puis on verra comment l’Etat se débrouillera pour réguler les populations à notre place", prévenait déjà Thomas Corvasce, président de la fédération des chasseurs de Haute-Marne au micro de notre journaliste Charlotte Meunier il y a une semaine. Pour le président de fédération, les chasseurs consentissent déjà à de nombreux efforts depuis plusieurs années.
Agrainage et nourrissage
Depuis le 1er décembre 2022, la préfecture de Haute-Marne interdit ce qu’on appelle l’agrainage dissuasif. Une technique de dispersion de nourriture loin des champs destinée à éloigner les animaux pour limiter les dégâts dans les cultures. C’est cette interdiction qui a fait déborder le vase pour la fédération. Depuis, les négociations concernant le schéma de gestion cynégétique en Haute-Marne sont à l’arrêt. C’est ce document qui régit et prévoit le plan de chasse du département.
"L’administration assimilait cette technique à du nourrissage mais ce n’est pas du tout ça", déplore un chasseur haut-marnais interrogé par France 3 Champagne-Ardenne. Car en cas de dégâts dans les champs, ce sont les chasseurs qui sont tenus d’indemniser les agriculteurs. Un coût que la fédération de chasse consent de moins en moins à assumer depuis que l’agrainage est interdit. "Les gens confondent agrainage et nourrissage. Nous ce qui nous intéresse, c’est de pouvoir maîtriser les dégâts dans les cultures pour que nos partenaires du monde agricole n’aient pas à subir de multiples dégâts dans leurs champs. Ce n'est pas du tout une forme de nourrissage qui consisterait à empiler les animaux dans les forêts", explique le président de la fédération des chasseurs de Haute-Marne ce dimanche 19 février avant que le cortège de manifestants ne s’élance.
"Les chasseurs sont très inquiets de ce qui se passe actuellement dans la gestion de la grande faune dans l’ensemble du département mais aussi à l’échelle nationale. Les chasseurs sont des spécialistes de la gestion de la faune sauvage donc il faut que nous soyons entendus et que notre parole soit respectée", réclame Thomas Corvasce.
Une tradition en danger ?
Parmi les manifestants, un soutien de taille. Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental de la Haute-Marne s'est joint au cortège. Pour l'élu, non content de rappeler son statut de chasseur depuis 30 ans, "il faut savoir dire non à l’administration quand elle se trompe et qu’elle ne connait pas le sujet". "Notre tradition est en danger, ajoute Nicolas Lacroix au micro de France 3 Champagne-Ardenne. C’est toute la ruralité qui est en danger et je crois qu’à un moment il faut dire stop. Stop à l’administration, stop à madame la préfète et je crois que le message va être entendu parce que c’est une belle démonstration de force", se satisfait le président de conseil départemental.
Une délégation de chasseurs a effectivement été reçue en préfecture ce dimanche 19 février. Un échange durant lequel il a été conclu d'organiser de nouvelles négociations entre tous les usagers de la forêt, de la nature et du monde agricole. "Il n’y a pas de position particulière mais seulement besoin de pouvoir articuler l'usage de l'agrainage dans les meilleurs conditions", nous explique Anne Cornet, préfète de la Haute-Marne. Car, dans ces négociations, tout est une question d'équilibre. Il faut trouver le juste milieu entre sauvegarde des populations, de l'environnement et de la biodiversité mais aussi des terres agricoles. "Etant donné qu'il n’y avait pas de schéma négocié, je l'ai interdit (l'agrainage ndlr) jusqu’à la fin de ce mois. L’objectif, c’est que l’ensemble des partenaires puissent travailler ensemble pour voir comment ils entendent faire vivre le milieu qu’ils partagent", espère la préfète.
A l'issue de cette réunion, aucun accord concret n'a donc été trouvé mais de nouvelles négociations doivent avoir lieu le mois prochain. "Je dirais que nous avons été écoutés, quant à dire entendus, nous verrons début mars", se satisfait timidement Thomas Corvasce, président de la fédération des chasseurs de Haute-Marne au sortir de cette entrevue en préfecture. La période de chasse touche à sa fin mais l'appel à poser les fusils est maintenu par la fédération comme l'arrêt de l'indemnisation des dégâts aux cultures. Dans le même temps, l'agrainage reste interdit par la préfecture de Haute-Marne jusqu'au 28 février 2023.