Le dossier de l’organisation des soins des centres hospitaliers du territoire sud Haute-Marne est d’une importance capitale. En décembre 2021, l’agence régional de santé (ARS) a arrêté et validé le projet d’un système de gradation de soins entre les centres hospitaliers de Chaumont, Langres, Bourbonne-les-Bains et le CHU de Dijon. Pourtant, il y a encore de l’opposition. Deux associations jugent ce projet non adapté, et croit encore à pouvoir faire infléchir l’ARS sur son projet.
"Un fiasco sanitaire, une catastrophe financière, un scandale politique." Sous ce triptyque désastreux vit la colère des associations Egalité-Santé et Avenir Santé sud Haute-Marne. Leur "combat" : le projet de gradation de soins sur l’ensemble des hôpitaux de la moitié sud du département. Elles estiment qu’un plateau technique central à Rolampont répond plus adéquatement aux problématiques de santé de ce bassin de vie de 110 000 habitants.
Pour ce faire, elles recourent à tout un argumentaire que les membres présentent lors de réunions publiques, par exemple, ou de manifestations. Ils étaient aussi et surtout dans l’attente d’un rendez-vous avec le cabinet de Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, et des solidarités. Quel ne fut pas leur mécontentement lorsqu’ils apprennent que cette dernière fait part de tout son soutien à Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental de Haute-Marne, sur ce dossier des hôpitaux.
"Ceci est une pièce de plus dans la machine à provocation", estime Laurent Aubertot, président du PETR (Pôle d'Équilibre Territorial et Rural du Pays) du Pays de Langres, qui défend le projet d’Egalité Santé. "Cela confirme que nous sommes sur une politisation et non sur une professionnalisation du dossier. Si le projet actuel de l’ARS se fait, beaucoup de personnes auront du sang sur les mains et des morts sur la conscience".
Persuadé que le système de gradation de soins (voir ci-dessous) tuera définitivement l’attractivité de la Haute-Marne, Laurent Aubertot a organisé - symboliquement - le vendredi 29 mars une conférence de presse, en même temps que l’inauguration de l’agence d’attractivité de Langres, où se trouvait notamment Nicolas Lacroix.
L’ambiance entretenue par les opposants de ce projet ne renvoie pas une belle image. Le pire serait qu’il n’y ait aucun projet.
Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental
À ce dernier de répondre : "Il ne faut pas mélanger la vocation d’un PETR de Langres qui est en grande partie le développement touristique du territoire et des quatre lacs. Le fait de réaliser cette conférence plutôt que d’être présent à l’inauguration de l’agence d’attractivité prouve qu’il se trompe de combat."
Il ajoute : "Sur la question de l’hôpital à proprement parler, la ministre de la Santé m’a réaffirmé sa volonté que le projet arrêté avance, car il dépend des fonds Ségur. C’est le quatrième ministre successif de la santé qui le demande. Parce que ce projet est aujourd’hui arrêté, arbitré, validé, et financé. Donc nous ne sommes plus dans la réflexion. Je suis prêt à travailler avec n’importe qui mais seulement avec ceux qui veulent faire évoluer le projet qui est arrêté. L’ambiance entretenue par les opposants de ce projet ne renvoie pas une belle image. Le pire serait qu’il n’y ait aucun projet."
Projet ARS : un système de gradation de soins
Le président du Conseil départemental précise que l’ARS et le Centre hospitalier universitaire de Dijon portent le projet. Pour rappel, l’objectif est d’axer l’aménagement du territoire de santé par un système de gradation de soins selon trois grades.
En d'autres termes, les trois centres hospitaliers sont maintenus avec des degrés de services aux patients plus ou moins importants. Tous auront l'appui du Centre hospitalier universitaire de Dijon (CHU) nommé comme étant l'établissement de référence (grade 3). Les pathologies les plus graves seront prises en charge par celui-ci.
Dans cette logique, l'hôpital de Chaumont demeure le centre principal du territoire sud haut-marnais (grade 2). En effet, il devient un plateau technique où seront pratiquées la médecine, la chirurgie, et l’obstétrique, auxquels il faut ajouter la maternité (et son pôle « Femmes, mère, enfants »), la médecine nucléaire, les soins critiques, ainsi que le service des urgences.
Concernant Langres, son centre hospitalier devient un hôpital de proximité et pôle "Soins de suite et réadaptation" (grade 1 amélioré). Le souhait premier pour cet établissement était le maintien des urgences 24h/24 et 7j/7, et de tous les services nécessaires à son bon fonctionnement, comme le SMUR par exemple. C’est chose faite. De plus, l’hôpital de Langres conserve un service de médecine polyvalente, auquel sont associées des consultations spécialisées, un dispositif d’imagerie médical, et un centre périnatal.
Quant au centre hospitalier de Bourbonne-les-Bains, celui-ci est positionné comme un hôpital de proximité et pôle de réadaptation (grade 1), en lien étroit avec les thermes et la rhumatologie.
Ce projet de gradation de soin présente un autre atout : la construction de deux hôpitaux, l’un à Chaumont, l’autre à Langres, et une modernisation de celui de Bourbonne-les-Bains. Surtout, le nombre de lits est conservé et réparti entre les trois établissements.
"Il y a un projet immobilier, c’est sûr, mais il n’y a aucun projet médical de territoire", pose Mathieu Thiebaut, président de l’association Avenir Santé sud Haute-Marne. "Ce ne sont pas ces types de bâtiments qui empêcheront le taux de fuite vers Dijon et de faire venir de jeunes médecins pratiqués chez nous. On nous promet des urgences maintenues à Langres, mais elles n’ont pas d’avenir. Il y aura progressivement le démantèlement de Langres qui n’empêchera pas celui de Chaumont quelques années plus tard."
Projet Egalité-Santé : une réorganisation des services
Egalité-Santé et Avenir santé sud Haute-Marne mettent en avant une alternative au projet de l’ARS qui répond "au cahier des charges du projet initial ainsi qu’aux spécificités du territoire". Les membres appuient leur argumentaire sur une enquête réalisé en 2007 par le cabinet Ifross, puisqu’il était déjà question d’un hôpital central à Rolampont il y a quinze ans.
Il est donc question d’un plateau technique basé à Rolampont pour sa centralité dans le bassin de vie sud haut-marnais. "70 à 80 % de la population du bassin habitent hors des trois villes", avance Laurent Aubertot, "il faut un hôpital utile à l’ensemble du territoire pour répondre aux problématiques de déplacement".
À Véronique Midy, médecin et coprésidente de l’association Egalité-Santé, d’ajouter : "Chaque patient serait à moins de 45 minutes des soins, à proximité d’un accès autoroutier, ce qui facilite aussi le travail de transport par les secours et aux médecins du CHU pour les consultations", souligne Véronique.
De plus, le plateau technique apporterait une offre de soin conséquente à chaque habitant avec la chirurgie, la maternité, la gérontologie, "et tous les services qui composent tout hôpital de qualité". Chaumont (grade 1 amélioré) conserve ses urgences et Bourbonnes-les-Bains (grade 1), utile pour sa spécificité sur la question de la rhumatologie, en lien avec les thermes.
Pour Mathieu Thiebaut et Véronique Midy, ce projet est plus adapté aux problématiques de territoire et s’oppose à un projet de l’ARS non-viable, qui engorgerait tous les services, y compris celui du CHU de Dijon, et véhiculerait à une mauvaise évaluation des pathologies, selon eux.
"Ce système serait pire que de répondre aux problématiques d’accès aux soins, il pousserait aux renoncements aux soins", martèle le médecin.
Un projet à 140 millions d’euros
Egalité-Santé croit toujours possible à "faire entendre raison" à l’ARS. "Nous ne demandons qu’à être écoutés". D’ailleurs, les associations vont peut-être pouvoir trouver un soutien de poids en la personne de Christophe Bentz, député RN de la Haute-Marne, qui a intégré depuis quinze jours le conseil d’administration de l’ARS Grand Est. Il déclare : "C’est le dossier le plus important du territoire haut-marnais. Il ne faut pas se tromper, et l’ARS se trompe. Ce sont des technocrates qui n’ont pas de vision territoriale. Cette gradation de soins ne correspond aucunement aux attentes des habitants en matière de soins. Le nôtre est réfléchi par des professionnels de santé".
Estimation du projet d’investissement global actuel : 140 millions d’euros. Le Ségur de la santé subventionne à hauteur de 66 millions d’euros. Le Conseil départemental et le GIP apportent à eux d’eux 50 % de l’enveloppe globale. La région s’associe à cette ambition en s’engageant à hauteur de 14 millions d’euros.