Harcèlement scolaire : un collégien battu en Haute-Marne, "on minimise beaucoup les choses"

Le mardi 13 septembre, un parent d'élève a poussé un coup de gueule sur Twitter. Il dénonce des faits de harcèlement et de violence survenus sur son fils au sein de l'internat du collège Cressot de Joinville (Haute-Marne). Le médecin a relevé 38 hématomes sur ce dernier. Une plainte a été déposée.

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C'est l'histoire d'un père qui se bat pour son enfant victime de harcèlement scolaire. Le vendredi 9 septembre 2022, un élève de troisième est rentré chez lui, revenu d'une semaine d'internat... couvert d'hématomes.

Des hématomes au nombre de 38, pour être précis. Leur origine : un camarade de collège qui harcèlerait et violenterait Nicolas* (le prénom a été changé).

Les blessures ont été constatées médicalement, trois jours d'interruption totale de travail (ITT) ont été reconnus, et la gendarmerie a enregistré la plainte de Nicolas. Faute d'avoir eu un échange constructif et utile avec la direction de l'établissement, à savoir le collège Joseph Cressot (rue Robert Hébras), à Joinville (Haute-Marne), Frédéric B., le père, s'en est ému sur Twitter pour donner l'alerte et faire réagir.

Une direction passive

"Ça a commencé par des coups légers dans la cour", raconte ce dernier à France 3 Champagne-Ardenne. "Et c'est devenu beaucoup plus important, puisque [le soir du vendredi 9 septembre], il est rentré avec 38 hématomes sur le corps."

"Il ne connaissait même pas ce jeune homme, puisqu'avant, il était scolarisé dans un autre collège... J'ai quand même un enfant qui est très réservé, qui n'expose pas énormément ses sentiments : qu'ils soient de joie ou de tristesse. Il a gardé tout ça pour lui durant cinq jours, il n'en a pas parlé à un adulte référent. Il a demandé au garçon qui le tapait pourquoi il faisait ça : il a dit que c'était comme ça. Il n'a pas donné de raison valable. Il n'y en a jamais, d'ailleurs"


Frédéric B. n'a pas la garde de son fils et vit en Île-de-France. "[Lundi 12 septembre], sa mère est allée à 08h00 au collège pour être reçue par la principale adjointe, la CPE [conseillère principale d'éducation; ndlr], et l'infirmière. Et elles ont essayé, selon mes termes vu que je le ressens comme ça, d'étouffer l'affaire en disant qu'elles allaient faire très attention, mais qu'elles ne comprenaient pas pourquoi [Nicolas] ne s'était pas manifesté et qu'il fallait s'affirmer. S'affirmer, c'est quoi ? Rendre des coups ? Elles ont dit qu'elles allaient convoquer le jeune auteur des faits." Qui les a reconnus.

Après le rendez-vous, la mère devait emmener l'enfant chez le médecin pour faire constater les blessures. "Mais elles lui ont fait comprendre qu'il devait rester dans l'établissement, et que tout allait bien se passer à partir de maintenant. Quand je l'ai su, j'ai protesté, car notre fils ne pouvait pas rester avec un corps comme ça : des coups sur les deux jambes, sur les bras. Je n'étais pas content car même l'infirmière présente dans l'établissement ne l'a même pas ausculté, ou regardé, ou même conseillé d'aller chez un médecin. C'est quand même incroyable." L'examen médical et la plainte ont donc pu avoir lieu en début d'après-midi.

Arrive un moment où je veux parler à celle qui va prendre la décision de réunir le conseil de discipline.

Frédéric B., parent d'un élève harcelé et battu

"Ce qui me chagrine, c'est que depuis lundi, je demande à ce que la principale de ce collège, dont c'est la première année ici, m'appelle. Je n'ai pas eu de retour quand j'ai demandé à ce qu'on me rappelle pour être informé des suites, encore ce [mercredi 14 septembre] j'ai eu la principale adjointe et je lui ai dit que c'était la principale que je voulais avoir. On n'est pas dans une holding où il faut passer par des services. Arrive un moment où je veux parler à la responsable, celle qui, à un moment, va prendre la décision de réunir le conseil de discipline. Mais je n'ai pas de retour et je trouve qu'on minimise beaucoup la chose."

Grands mots, mais peu d'actes

"On est censé faire tout ce qu'il faut aujourd'hui pour que le harcèlement scolaire, physique, psychologique, soit pris en charge par les équipes éducatives et les professionnels. Et j'ai l'impression que non, qu'on étouffe ça. Car je sais que ces gens sont suivis et notés sur la façon dont ils gèrent un établissement scolaire. Ça m'ennuie énormément. Arrive donc un moment où il faut faire du bruit, que ce soit pour mon fils ou n'importe qui... Mais il faut que ça nous arrive pour prendre conscience que des choses ne vont pas."

Il ne comprend pas comment son fils a pu retourner au collège et en internat dès le mardi 13 septembre, "malgré toute cette procédure, alors que le jeune homme qui l'a agressé est toujours présent". À noter que les trois jours d'ITT ne fonctionnent pas chez un enfant comme pour un adulte, expliquant donc le retour rapide de Nicolas dans son école. "On avait le choix pendant ces trois jours de la garder ou de le remettre dans son établissement. C'est ce qu'on a choisi car il a tellement de soucis de scolarité qu'on ne peut pas se permettre qu'il rate plus de cours. On pense et espère qu'il est en sécurité actuellement, mais justement, je veux qu'on me rassure sur ça."

Difficile de savoir exactement comment Nicolas vit tout ça. "On communique avec lui grâce à son téléphone. J'ai de ses nouvelles le matin et le soir quand il prend le bus, parce que l'internat est à quelques kilomètres du collège donc il prend le bus." (voir le détail sur la carte ci-dessous)

Oser parler

Mais l'enfant reste peu prolixe. "Que ce soit de la tristesse ou de la joie, c'est un peu compliqué pour lui de s'exprimer. Comme la semaine dernière, il garde tout en lui. Donc nous on communique avec lui, on lui dit qu'évidemment il n'y a pas que [ce qu'il a subi] dans la vie, qu'on est présent. Que tout ce qui pose problème, toute interrogation qu'il a, il peut nous en parler. On l'accompagne..."

"Les nouvelles qu'il donne, ce n'est pas son habitude : il ne va pas forcément avoir l'idée de nous envoyer un petit mot pour nous rassurer sur son quotidien. Mais là, il le fait pour nous rassurer car il croit que c'est nous qui sommes très inquiets. Dans la plainte qu'il a déposée, il a exprimé qu'il n'en avait pas parlé à des adultes pour ne pas faire de peine à sa mère..." "

Ce ne sont pas des mots en l'air. Donc j'espère qu'il va bien. Je vois qu'il met des
smileys [émoticônes; ndlr] dans ses SMS : des sourires, des coeurs. Donc je suppose que c'est que ça va. Mais ce qui m'inquiète, c'est ce qui peut ressortir dans quelques mois ou années. Ce n'est jamais sur l'instant..." 

Réaction officielle

Frédéric B., lui, s'est évidemment retrouvé dans tous ses états. Mais après avoir remué ciel et terre, il a pu s'entretenir avec "une dame très sympa de l'inspection académique de Reims" pendant un entretien téléphonique d'une durée de 30 minutes. "Elle a dit qu'elle allait appeler rapidement la principale, car elle comprenait que j'ai ce besoin important d'information et d'être rassuré."

Il ne restait plus qu'à attendre "que ça bouge", d'autant que certains médias ("comme M6") se sont emparés de l'affaire. "C'est beaucoup mieux qu'hier soir, je sais qu'on a le soutien des services de l'État. Quand j'ai tweeté hier, j'étais vraiment allé au bout de ce que je pensais pouvoir faire." 

Je ne peux pas me permettre de prendre une décision sur ce qu'un responsable de collège doit faire : chacun son job et ses responsabilités.

Frédéric B., parent d'un élève harcelé et battu

Quant à ce qui devrait être fait à l'encontre de l'auteur des coups, le père refuse de céder à des pulsions primaires ou de faire des suggestions. "Je ne peux pas me permettre de prendre une décision sur ce qu'un responsable de collège doit faire : chacun son job et ses responsabilités. Quand vous êtes [maman, papa,] vous comprenez qu'on a envie de se faire justice soi-même dans un premier temps."  Ce qu'on lui a d'ailleurs conseillé à plusieurs reprises sur Twitter.

"On a envie d'aller voir ce jeune homme et lui remettre les idées en place. Mais non : j'ai expliqué que mon fils a plus besoin de moi en liberté que derrière des barreaux. Je ne suis pas juge ni tout ça. Qu'on prenne les bonnes décisions, et qu'on accompagne même éventuellement les parents et cet enfant sur une autre façon d'être scolarisé. C'est la seule chose que je demande. Ce qui va nous servir aujourd'hui va servir demain à d'autres enfants en harcèlement scolaire. Une campagne d'ailleurs tweetée par le président de la République au début du mois de septembre..." 
(visible ci-dessous)



En fin d'après-midi, le rectorat a finalement annoncé qu'"une mesure d’exclusion de huit jours a été prise par la cheffe d’établissement à l’encontre de l’auteur des faits". Le communiqué précise qu'"au regard des premières investigations menées, il semble qu’aucune situation de harcèlement ne soit, dans le cas présent, caractérisée, les deux élèves ne se connaissant que depuis quelques jours. La situation, pour être grave, ne relèverait donc pas du champ du harcèlement à proprement parler, mais de la violence." L'association Marion la main tendue, qui intervient dans les établissements pour prévenir le harcèlement scolaire, a pris connaissance de la situation et a contacté le père.

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