Vincent Cardot, prêtre de Nogent (Haute-Marne) au sein du diocès de Langres, est inscrit sur TikTok. La présence d'un ecclésiastique sur l'un des réseaux sociaux préférés des jeunes peut étonner... mais il a de bonnes raisons. Son compte est suivi par 40.000 personnes.
Le saviez-vous ? Le prêtre le plus cool du moment est probablement un Champenois. Il s'agit du père Vincent Cardot. Il officie à Nogent (Haute-Marne), dans le diocèse de Langres. Mais qui est cet ecclésiastique ? Que veut-il ? Quels sont ses réseaux ? On vous dit tout sur lui.
Le premier de ces réseaux, en termes d'audience, c'est TikTok, très apprécié des jeunes. Sous le pseudonyme Le Curé de TikTok, suivi par 40.000 personnes. C'est aussi son réseau le plus récent : il a appris à l'apprivoiser au cours du confinement, en autodidacte. "Les jeunes m'ont parlé de TikTok, en me disant qu'ils n'étaient plus sur Facebook. Or, on a quinze ans de retard : l'Église vient seulement de commencer à s'intéresser à Facebook, avec les messes en ligne pendant le confinement..."
"Tu connais la Bible par coeur ?"
Le père Vincent Cardot diffuse sur TikTok des éléments de liturgie, procède à des bénédictions, ou répond à des questions. Ces questions-réponses rencontrent un grand succès : sur le célibat (650.000 vues)... ou sur le salaire (700.000 vues, même si un prêtre n'est pas salarié). Les deniers des prêtres, c'est d'ailleurs la vidéo la plus vue de son TikTok. "Ce n'est pas la question la plus passionnante pour moi... Je suis allé voir l'économe du diocèse pour qu'il réponde, mais il était parti. J'ai donc répondu moi-même." Et la vidéo perce, comme on dit dans le jargon, sans qu'il l'ait voulu. "C'est ça qui est étonnant avec TikTok", commente le prêtre.Les réponses sur l'athéisme (200.000 vues) ou l'acceptation de l'homosexualité (100.000 vues) intéressent aussi. Plus récemment, il a répondu sur la couleur de peau de Jésus, souvent représenté comme blanc dans les églises (alors que non, voir cet exemple). Rappellons qu'il s'agit d'un personnage historique qui a vraiment existé. On donne une mention à la question "Tu connais la Bible par coeur ?", touchante de candeur (150.000 vues). Mais l'une des vidéos préférées du prêtre, c'est quand il se met à danser d'un air enjoué pour répondre à un défi (voir ci-dessous).
@curedetiktok Jerusalema ordination de Martin : Citoyen des Cieux ! ##maison ##dieu ##jesuralemachallenge ##eglise ##joie
♬ Jerusalema (feat. Nomcebo Zikode) [Edit] - Master KG
"Il n'y a plus de curé dans chaque commune, on ne le connaît pas forcément même s'il y en a un... C'est un moyen de créer un contact. Le fonctionnement de TikTok fait qu'on peut toucher beaucoup de monde très vite, même avec peu d'abonnés." L'accueil est plutôt enthousiaste, sinon intrigué. Et rarement hostile. "Certains se demandent : mais il fait quoi ici, ce prêtre ? Il y a ceux, reconnaissants, car ça fait un lien avec l'Église : grâce à ça, on n'en est pas loin. Et il y a, pas si nombreux, ceux qui provoquent car pas intéressés. Il y a des églises partout : rien n'oblige à y entrer même si on marche devant. Si ça ne les intéresse pas, ils peuvent passer leur chemin..."
Le père Cardot ne passe pas des heures sur TikTok : la vie d'un prêtre est déjà bien remplie. "En général, j'enregistre les vidéos en une série, trois à quatre d'un coup. Une vidéo toute simple, ça prend dix minutes. S'il faut de la mise en scène ou du montage, ça peut être une demi-heure." Certains jours, il peut donc publier une vidéo déjà prête en quelques secondes, et passer à autre chose. Il lui faut toutefois répondre aux nombreuses questions qu'on lui pose. Heureusement, des fidèles du prêtre sur TikTok s'en chargent, qu'il les connaisse ou non. Un fanclub bien pratique pour le décharger un peu, mais qu'il n'hésite jamais à seconder pour fournir des réponses plus abouties.
Le parcours du père
Vincent Cardot, 31 ans, est issu d'une famille catholique, dans le diocèse de Langres. Il ne se destinait pas vraiment à la prêtrise. "Pour mes études, la science, ça paraissait plus sûr..." C'est à l'âge de 16 ans, après une invitation dans un camp d'été chrétien, qu'il a la révélation. "C'est là où j'ai rencontré le Christ. Il est devenu quelqu'un de vivant, pour moi."Il laisse toutefois passer quelques années d'études (dans le social) avant l'appel, irrésistible, du séminaire. Celui de Lille (Nord), suivi de stages au Maroc et Sénégal. Avant une nouvelle année d'études non-religieuses à Paris (Île-de-France), et quatre ans de séminaire à Lille pour finir. Ordonné prêtre dans la foulée (voir la publication Facebook ci-dessous), il revient en Champagne-Ardenne en 2018, prend des responsabilités au sein du pôle jeunesse du diocèse. Sa démarche y est fort bien accueillie, rapporte la directrice de la communication, Violaine d'Aillières. "On forme un ensemble : il a l'accord de l'évêque et nous consulte souvent. On est tous derrière lui car c'est un enjeu important."
C'est au contact de ces jeunes que le prêtre s'ouvre aux réseaux sociaux. Il diffusait bien du contenu sur Facebook. "Mais c'était toujours les mêmes qui répondaient. Ça tournait en rond." On finit par lui installer Snapchat sur son téléphone (suivi en moyenne par 250 personnes). Instagram suivra (660 abonnements). "Alors que je découvrais TikTok, que je n'ai rien fait de spécial pour être populaire... j'ai vite atteint les 100.000 vues." Le père Vincent Cardot est donc le premier étonné de son succès. Et il n'a pas prévu de s'inscrire sur d'autres plate-formes. "Je pense avoir fait le tour... et je n'ai pas un agenda extensible, non plus." Il en restera donc là.
Avec cette présence sur les réseaux sociaux, il y a pour lui de quoi nouer des contacts. Ou d'en renouer avec des fidèles ayant pris de la distance. Une dame a reconnu le portail de l'église de Nogent, dans l'une des vidéos du prêtre. "On a fait connaissance. Et j'ai appris qu'elle a des enfants à baptiser..." Qui sait, peut-être qu'on verra la cérémonie sur TikTok.