"On a le droit de se suicider violemment, mais pas d'avoir une mort sereine" : une militante réagit au projet de loi sur la fin de vie

Tandis qu'Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi sur l’aide à mourir, la présidente de l’association haut-marnaise Ultime Liberté partage son point de vue. Elle continue de défendre une fin de vie choisie en dehors du seul cadre hospitalier, pour toutes les personnes qui le souhaiteraient. Une pratique aujourd’hui interdite.

Dans un entretien donné aux journaux Libération et La Croix et publié le 10 mars, le président de la République Emmanuel Macron a présenté un projet de loi, promis depuis près d’un an, sur la fin de vie. Il devrait être présenté en Conseil des ministres en avril, avant un examen au Parlement en mai. 

Le texte doit ouvrir la possibilité d’une “aide à mourir sous certaines conditions strictes” : être majeur, “capable d’un discernement plein et entier”, ce qui exclut les patients atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives comme Alzheimer. Pour y prétendre, il faut également avoir une “maladie incurable, un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme”, et être en souffrance, que ce soit physiquement ou psychologiquement. 

“On n’a pas à attendre d’être en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable pour vouloir mourir”, défend au contraire Claude Hury, haut-marnaise et présidente de l’association Ultime Liberté, qu’elle a créé en 2009 avec son compagnon, après un fort engagement dans d’autres combats en faveur de la “liberté de l’individu sur son corps”. 

Être maître de son destin

En l’état, cette ancienne enseignante de 74 ans n’est pas satisfaite de la proposition, qu’elle juge insuffisante car “c’est le médecin qui va juger. Ça c’est inadmissible. Notre vie ne nous appartient pas, or la mort est quelque chose de très personnel”, regrette-t-elle. D’où la volonté que ce soit la personne elle-même qui fasse le geste décisif, en accord avec la proposition du président : “C’est à nous de prendre la responsabilité pour ne pas impliquer le monde médical.” 

Ce que la militante peine par-dessus tout à comprendre, c’est la déconnexion de la réalité face à la forte demande qu’elle observe, notamment de la part de personnes âgées qui souhaitent avoir une “assurance bonne fin de vie” : “C’est quelque chose de réfléchi pour ne plus être dans l’angoisse des dernières années, en ayant les moyens de dire stop. On est dans une démarche longue”, tient-elle à rappeler. 

Le choix de la "sérénité"

Surtout, elle met en avant ce qu'elle considère être de bonnes conditions pour un suicide assisté et “apaisé”, de manière “douce” : avec les proches présents si souhaité, un endormissement “sans agonie” et avec un “travail de préparation” en amont auprès des êtres chers. 

On a le droit de se suicider violemment, de se jeter sous le train, de se pendre, de se noyer, mais on n’a pas le droit d’avoir une morte sereine.

Claude Hury, présidente de l’association Ultime Liberté

Elle-même est d’ailleurs on ne peut plus “sereine” sur sa mise en examen, connue depuis 2021, avec 12 autres membres de l’association. Ils seront renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris probablement d’ici la fin de l’année, selon leurs avocats, pour “aide et complicité à l’importation de produits psychotropes de classe A”. 

Il s’agit du pentobarbital, commercialisé sous le nom de Nembutal : un puissant somnifère et anesthésiant utilisé pour l’aide au suicide dans certains pays, qui plonge dans le sommeil en deux minutes et stoppe le coeur en une quinzaine de minutes. Il est toutefois interdit en France pour la médecine humaine depuis 1996 et seulement autorisé pour l’euthanasie vétérinaire. Une enquête suspectait d’abord un trafic de ce produit, d’où les 130 perquisitions effectuées dans toute la France le 15 octobre 2019. 

Un produit interdit en France

Ici, les 13 personnes âgées concernées, dont certaines avaient été placées en garde à vue pendant 48 heures en 2020, sont poursuivies pour avoir aidé des adhérents à se procurer le fameux produit, commandé dans des pays étrangers et qui transitait aux États-Unis, d’où est partie la dénonciation. 

“Mais on ne fait pas de propagande, à aucun moment on ne diffuse des informations”, avance-t-elle : 

On a toujours pensé que ce que l’on fait est légitime mais pas légal, parce que rien ne bouge.

Claude Hury, présidente de l'association

D’ailleurs aucune famille ne s’est plainte et ne s’est constituée partie civile”, souligne celle qui voit le procès comme une caisse de résonance. L’association compte au total 6.000 adhérents, dont 3.500 vivants. 

Actuellement, la loi de 2005, dite "loi Claeys-Leonetti", indique que les actes médicaux "ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable”. Elle permet au médecin, en accord avec le patient, d’arrêter un traitement médical lourd si les soins s’avèrent inutiles ou disproportionnés. 

Lente évolution de la législation

Depuis 2016 et la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, les directives anticipées s’imposent pour toute décision d’investigation, d’actes, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale. 

La loi de 2016 autorise également, à la demande du patient et jusqu’au décès, l’administration d’une sédation profonde associée à l’arrêt des traitements, dans le cas d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme. Et ce si l’arrêt d’un traitement est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. Point important : ce n’est pas la sédation qui conduit au décès, mais bien l’évolution de la maladie. 

Des débats qui ne sont pas sans rappeler le principal symbole du débat sur la fin de vie : Vincent Lambert, décédé au CHU de Reims en juillet 2019 après 11 ans d’hospitalisation dans un état végétatif chronique et des affres judiciaires et politiques. 

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