Patrimoine : c’est en Haute-Marne qu’on fabriquait les monuments aux morts

Dès la fin de la Première Guerre Mondiale, de très nombreuses communes françaises se sont dotées d’un monument aux morts. Une grande partie des ornements métalliques était fabriquée en Haute-Marne.
 

Un soldat victorieux, un buste de la République, un coq gaulois… Ces symboles trônent fièrement au cœur des villes et villages français depuis près de 100 ans. Après la guerre, une grande partie des 36.000 communes de France se dote de son monument aux morts. Et c’est à la fonderie de Sommevoire, en Haute-Marne, que les éléments monumentaux en fonte ou en bronze étaient fabriqués.
 

Du solide et du beau

« De 1920 à 1925, l’entreprise était une référence dans la fabrication de ces monuments, raconte Fabrice Jusczcak, responsable marketing de la fonderie. Nous n’avons pas de chiffres exacts car les registres de l’époque n’ont pas été conservés… Mais on sait qu’à l’échelle de la France, il se fabriquait 15 monuments aux morts par jour. A coup sûr, une grande partie était coulée ici ! »

L’une des clés du succès de l’entreprise, selon Fabrice Jusczcak, c’est le soin apporté à ses créations. « On veut offrir du pratique, du solide, mais également du beau, explique-t-il. L’entreprise s’est associée à des grands noms du dessin et de la sculpture. C'est ce qui donne une touche de style incomparable à ses réalisations. »
 

 

30.000 euros pour un monument

Les artistes sculptaient les modèles directement dans le plâtre. A l’aide de sable que l’on venait tasser, on prenait l’empreinte du modèle. Puis le métal, généralement de la fonte, était coulé dans cette empreinte pour former la pièce désirée. On pouvait ainsi reproduire le même modèle des centaines de fois. Le buste du soldat victorieux, par exemple, a été décliné près de 900 fois et orne des monuments de la France entière.

Grandeur nature, la statue de bronze d’un soldat valait l’équivalent de 30 000 euros. Le financement était assuré par les communes. Mais bien souvent, les familles des soldats défunts participaient aussi à l’acquisition des monuments.  
 
 

Montrer les stigmates de la souffrance

Pour permettre aux communes de toute la France de passer commande, la fonderie édite un catalogue avec différents modèles. La plupart représente des soldats, dont la posture n’évoque pas forcément la victoire. « Sur les monuments, on ne voit pas de poilus avec le sourire aux lèvres, rapporte Joël Hauer, président de l’association de sauvegarde du patrimoine Les Compagnons de Saint-Pierre. On voulait montrer les stigmates de la souffrance et de la mort. L’un des modèles les plus utilisés, c’est celui du soldat mourant sculpté par Jules Dechin. On en retrouve des centaines à travers la France. »
 

Même le poilu victorieux, symbole de la France triomphante, présente un visage fermé. « Là encore, constate Joël Hauer, on voulait souligner les blessures cachées derrière la victoire. Le sculpteur Eugène Bénet, lui-même soldat, a d’ailleurs utilisé son propre visage comme modèle. »
 

« Les monuments aux morts, ce n’est qu’une petite partie de l’histoire »

Depuis 1930, les monuments aux morts ne sont plus d’actualité pour la fonderie. Toutefois, elle a su traverser les époques et continue de développer ses activités. Créée dans les années 1840, elle connait son essor grâce à Antoine Durenne, fondeur d’art, qui rachète l’entreprise en 1857. Ce dernier acquiert rapidement une notoriété internationale : la fonderie réalise notamment les fontaines Wallace, puis plus tard, les fameuses entrées du métro parisien.
« Les monuments aux morts, ce n’est qu’une petite partie de l’histoire de la fonderie, indique Fabrice Jusczcak. Depuis toujours, l’entreprise est spécialisée dans la fabrication de mobilier urbain. Aujourd’hui, on propose surtout des solutions d’éclairage public, des éléments de décorations… Mais on conserve toujours l’aspect artistique qui a fait la renommée de l’entreprise. »

 
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