Ce 31 décembre 2021, Saint-Dizier a perdu son dernier pédiatre libéral. Le docteur Guy Hoffmann prend sa retraite après 35 ans de bons et loyaux services. Il n'a pas réussi à trouver de successeur.
"Mon dernier patient est parti il y a dix minutes à peine. J'ai la tête à l'envers ! Je viens de vivre un tsunami ! " Sa voix tremble légèrement. Difficile pour le docteur Guy Hoffmann de masquer son émotion. Toute la matinée, des dizaines de Bragards ont défilé dans son cabinet à Saint-Dizier.
Ce 31 décembre 2021, le pédiatre a donné ses dernières consultations. "J'ai vu mes patients habituels bien sûr mais il y a énormément de gens que je n'avais pas vus depuis des années qui sont passés me remercier, m'apporter quelque chose, me raconter leurs souvenirs, ici, entre ces murs."
Il referme la porte sur 35 ans de carrière. Guy Hoffmann s'est installé en Haute-Marne en 1987, juste après ses études à la faculté de Nancy. Ce Messin d'origine, qui n'avait jamais mis les pieds à Saint-Dizier ne quittera plus la ville.
"Ici, j'avais la possibilité d'avoir un poste mixte : à la fois en libéral et au centre hospitalier Geneviève De Gaulle qui possède un bon service de néonatalogie. C'est ce qui m'a séduit et pendant toutes ces années, je me suis partagé entre l'hôpital et mon cabinet." Une activité hospitalière qu'il compte poursuivre encore quelques temps pour une transition en douceur vers la retraite.
Pas de successeur
Avec cette fermeture, Saint-Dizier perd son dernier pédiatre libéral. Car Guy Hoffmann n'a pas réussi à trouver de successeur. Il a pourtant multiplié les annonces au niveau national, sur des sites spécialisés : aucune d'entre elle n'a reçu de réponse.
"Pour moi, la raison principale est simple : on ne forme pas assez de médecins pour remplacer ceux qui s'en vont. Il y a même des cabinets en bord de mer, dans le sud qui ne trouvent pas de repreneur. Alors même si Saint-Dizier est une ville agréable, ça ne se bouscule pas au portillon", analyse le médecin.
Pour celui qui se définit comme un dinosaure de la pédiatrie, il y a aussi une évolution de la profession. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes médecins privilégient le salariat ou les consultations à plusieurs, en maisons médicales par exemple.
Des options qui permettent d'alléger la charge de travail. "Une jeune femme est venue me remplacer un été pendant quinze jours. Elle a eu du mal à supporter le rythme. Impossible de partir à 18h par exemple. Pour elle, il faudrait au moins être deux pour gérer toute ma patientèle", raconte le pédiatre.
Pourtant, l'hôpital Geneviève De Gaulle de Saint-Dizier et son service réputé de néonatalogie attirent les jeunes médecins. Mais là encore, rien de durable : ils viennent pour des remplacements, engranger de l'expérience avant de partir vers des villes plus grandes et plus attractives. Un constat difficile à accepter et qui empêche le pédiatre de tourner la page sereinement.
C'est un déchirement. J'ai le sentiment d'abandonner des familles, des enfants parce que je ne trouve aucun successeur.
Guy Hoffmann, pédiatre
Les jeunes enfants de Saint-Dizier et leurs parents devront désormais aller jusqu'à Vitry-le-François ou Bar-le-Duc. Une demi-heure de route et des délais rallongés pour obtenir un rendez-vous car les pédiatres de ces deux villes ont déjà des carnets de consultations bien remplis.
Trois générations suivies
Avant de placarder sur sa porte l'affichette qui annoncera la fermeture définitive du cabinet, Guy Hoffmann veut se concentrer sur les meilleurs souvenirs qu'ils emportent avec lui.
La liste est longue, très longue. Mais tous ou presque se déroulent sur plusieurs générations : "C'est une très belle spécialité la pédiatrie. Cela m'a permis de tisser des liens avec de nombreux Bragards. Ces dernières années, il arrivait souvent que des grands-mères accompagnent leurs petits-enfants en consultation. Ces femmes, je les avais reçues il y a une trentaine d'années lorsqu'elles étaient de jeunes mamans !"
Lorsqu'il parle de son métier, il garde le même enthousiasme qu'à ses débuts. Et au fil des ans, ses motivations ne se sont jamais abîmées. L'humain, l'écoute, la bienveillance sont toujours restés ses moteurs.
Et comme un symbole, la dernière visite qu'il reçoit cet après-midi là au 28, place du Général de Gaulle reflète toute la puissance de ce lien qu'il a su tisser : une femme de 35 ans venue le remercier. "C'est l'une de mes toutes premières patientes, elle avait un mois à peine quand je me suis installé ici. Aujourd'hui, elle habite en Bretagne et a deux enfants. Elle m'appelait lorsqu'ils étaient plus jeunes pour avoir des conseils. Lorsqu'elle a refermé la porte du cabinet en partant, je n'ai pas pu m'empêcher de penser, avec beaucoup d'émotion, que la boucle était bouclée ! "