Voici pourquoi l'amiral Philippe de Gaulle, fils du Général, ne sera probablement pas nommé compagnon de la Libération à titre posthume

L'amiral Philippe de Gaulle, fils de l'illustre Général de Gaulle, est mort le mercredi 13 mars et a été inhumé une semaine après. Son père n'avait jamais voulu lui conférer la dignité de compagnon de la Libération. Un groupe de député(e)s de droite avait envisagé l'idée de la lui conférer à titre honorifique l'été précédent sa mort. La question se pose à nouveau, à titre posthume.

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Emmanuel Macron a dit de lui qu'il avait été le "premier compagnon", et le dernier". Mais Philippe de Gaulle, fils du Général (qui a fondé l'ordre de la Libération), ne l'a jamais officiellement été.

L'été précédant sa mort, le 13 mars 2024, l'éminent Résistant devenu plus tard amiral (puis sénateur) faisait l'objet du dépôt d'une résolution à l'Assemblée nationale, enregistrée le 13 juin 2023, par un groupe de député(e)s des rangs du parti Les Républicains (LR). En Champagne-Ardenne, la députée de Troyes (Aube) Valérie Bazin-Malgras se joignait à l'effort.

Ce texte de résolution rappelle que passé 1946, plus aucune dignité ne devait être accordée, mais que cette règle a été infléchie pour nommer compagnons de la Libération le Premier ministre britannique Winston Churchill et le roi Georges VI. Un précédent que ce groupe d'élu(e)s souhaite réitérer, rappelant que si le Général de Gaulle a refusé de l'accorder à son fils, il s'agit d'un "refus justifié par la simple inquiétude de se voir reprocher un acte de népotisme. La France doit reconnaître ses héros. L’engagement de Philippe de Gaulle dans la Libération doit être reconnu."

Le problème serait juridique

Le site Web de l'Assemblée nationale n'indique pas la postérité de cette demande. France 3 Champagne-Ardenne a fait la tournée des député(e)s de la grande région (la Lorraine et l'Alsace ont contribué au texte). Si Raphaël Schellenberger (Haut-Rhin) n'a pas souhaité commenter, Fabien Di Filippo (Moselle) a été plus prolixe lorsque France 3 Champagne-Ardenne l'a contacté fin mai. "Nous continuons avec notre groupe LR de porter cette proposition."

Cependant, le député lorrain ajoute qu'"il existe en fait un débat juridique : celui-ci porte sur la compétence du président de la République en matière d'ouverture de l'ordre de la Libération. Certains juristes pensent que seul le président peut le faire. D'autres que non." C'est donc vers le palais de l'élysée qu'il faudrait se tourner, le président de la République étant par ailleurs considéré comme le protecteur de l'ordre de la Libération depuis 2021 (voir son fronton sur la vue panoramique ci-dessous).

De son côté, début juin, Valérie Bazin-Malgras semblait plus catégorique. "Notre groupe porté par le député Jérôme Nury a reçu une fin de non-recevoir de la part de l'Élysée. Nous devons faire une relance sous peu." 

Pas souhaitable pour l'Élysée

Sollicité par France 3 Champagne-Ardenne, le service presse du palais présidentiel a fourni des éléments de réponse détaillés. "L’ordre de la Libération n’a eu qu’un grand maître, le général de Gaulle, qui en a décidé la forclusion, et qui a décidé, à deux reprises, pour des raisons éminemment symboliques et diplomatiques, de le rouvrir pour Georges VI et Winston Churchill."

"Le général de Gaulle a posé un principe juridique auquel il faudrait donc déroger pour la troisième fois, et la première sous l’autorité d’une autre personnalité que la sienne. Une telle décision viendrait aligner symboliquement le successeur juridique du "chef des Français libres" sur son prédécesseur, ce qui ne manquera pas de susciter un procès en instrumentalisation politique de la mort de l’amiral. Pour l’ordre de la Libération, en charge de perpétuer la vision de son fondateur, la volonté de l’unique grand maître de l’ordre doit être respectée." Malgré sa mort, la décision du Général de Gaulle lui survit.

L'Élysée estime également que son fils, Philippe de Gaulle, n'a jamais cherché à obtenir cette distinction, la deuxième plus importante distinction honorifique française après la Légion d'honneur. "L’amiral de Gaulle a fait une très belle Seconde Guerre mondiale, récompensée par trois citations, et marquée par plusieurs blessures de guerre. La reconnaissance de son action combattante n’est donc pas absente, et on peut sans doute imaginer que d’autres combattants de l’extérieur ou de l’intérieur ont eu des titres de guerre aussi éminents sans intégrer l’ordre de la Libération."

Il existe donc une crainte. "Rouvrir l’ordre pour le seul motif que l’amiral est décédé poserait la question de mérites militaires négligés depuis 80 ans par rapport à ceux récompensés par les trois croix de guerre gagnées pendant le conflit. Pourquoi aurait-il alors fallu attendre sa mort ? La République se serait trompée pendant 80 ans ? Le général de Gaulle a délibérément écarté son fils. Les raisons connues tiennent au souhait d’écarter tout soupçon de favoritisme, le général lui ayant indiqué que "de toute façon, tout le monde sait que tu fus mon premier compagnon"." Et c'est d'ailleurs ce qu'a rappelé le président de la République lors de l'hommage rendu aux Invalides le 20 mars, quelques heures avant l'inhumation à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne) : "il fut le premier compagnon... et le dernier" (revoir la vidéo du tweet ci-dessous).

 

Et l'Élysée conforterait aussi les intentions de Philippe de Gaulle. "L’amiral a toujours fait preuve d’une grande pudeur et n’a jamais revendiqué une telle mesure. On l’imagine mal chercher à contredire l’expression de la volonté du Général pour un sujet aussi emblématique du gaullisme. Il avait accepté le choix le concernant et ne l’attendait pas. S’engager dans une autre voie, alors que la Nation a accompagné le dernier compagnon de la Libération au mont Valérien, susciterait des débats interminables qui ne pourraient que diviser au lieu de rassembler." C'est donc bien Hubert Germain, mort en 2021, qui est inhumé dans le caveau réservé au dernier des compagnons, au sein du mémorial de la France combattante de ce mont Valérian. Et dernier compagnon, semble-t-il, il restera officiellement. 

Bien évidemment, les député(e)s de droite n'imaginaient pas alors que leur relance, si elle a pu avoir lieu, serait torpillée par la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron (tous les textes à l'étude sont annulés). Vu le contexte politique et la position élyséenne, il semble donc assez peu probable que Philippe de Gaulle soit nommé compagnon de la Libération à titre posthume. 

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